Le mal-être au travail est sous les feux des projecteurs, notamment en raison des drames récents au sein de France Telecom, Peugeot ou Thales. Mais également des résultats catastrophiques
du sondage interne à EADS sur l'engagement de ses employés. Obsession des résultats court-terme et du chiffre, client roi, postures usantes, objectifs irréalisables, pression managériale, tâches répétitives, mobilité forcée, perte de sens, les causes de stress et de souffrance dans la vie professionnelle sont nombreuses.
Je souhaite juste évoquer ici deux points relatifs au secteur défense qui me tiennent à cœur, et qui a mon sens jouent au moins un petit rôle dans la motivation d'un employé. Attention, je parle ici d'emplois technologiques qualifiés.
1/ Je suis proprement effaré de constater que de nombreux ingénieurs et techniciens travaillant dans les bureaux d'études de nos plus grands industriels, et notamment de défense, ont tellement le "nez dans le guidon" qu'
ils ne connaissent pas les tenants et aboutissants des programmes auxquels ils participent, ni même les doctrines d'emplois qui sous-tendent les systèmes, matériels et logiciels qu'ils développent. Souvent, si l'on exclut les très expérimentés et les architectes, ils ont une vision très limitée de l'activité globale de leur entreprise, de leur
business unit, voire des services voisins du leur. Quels marchés, quels clients, quels produits, quels besoins opérationnels, quels concurrents ? Autant de questions qui restent trop souvent sans réponse. Parmi les plus jeunes, j'en connais même qui ne savent même pas quel est le nom de l'entité à laquelle ils appartiennent... La finalité de leurs tâches leur échappe donc, face aux impératifs quotidiens de délais et de coûts.
Pour ma part je trouve que c'est une faute professionnelle de la part des managers de ne pas savoir mettre en perspective les travaux accomplis par leurs équipes vis-à-vis de ces dernières. Le monde de la défense est assez diversifié et ouvert sur un grand nombre de domaines pour que l'on puisse lier facilement la technologie (et donc l'ensemble des technologies entre elles, notamment dans un produit ou système), l'opérationnel (i.e. l'emploi militaire), l'économique et le géopolitique. Il n'y a pas de raison que ce type d'action soit uniquement dirigé vers l'extérieur, i.e. les clients et les décideurs publics.
D'autant que de ce que j'ai pu en voir, expliquer l'importance de chacun et faire partager les ingénieurs entre eux mais aussi avec la direction de la stratégie, le marketing..., ça marche plutôt bien pour valoriser le travail de tous.
En bref, donner une ouverture horizontale et verticale, une vision et du sens pour éviter l'enfermement dans le quotidien et le routinier.2/ Deuxièmement, et c'est intimement lié,
on doit donner à chacun des perspectives d'évolution de carrière concrètes. Sans aller jusqu'à du "à la carte" irréaliste et ingérable et en évitant le syndrome de la "carrière tracée à l'avance", un ingénieur ou un technicien doit toujours pouvoir disposer d'une vue claire des alternatives qui s'offrent à lui dans les années à venir : fiches de postes et responsabilités afférentes, compétences nécessaires (techniques, managériales...), durées indicatives des jalons à passer. Et cela aussi bien dans une filière "managériale" qu'une filière "expertise", cette dernière devant être valorisée : ceux qui se plaisent dans la technique ne doivent pas être stigmatisés.
Cela nécessite la mise en œuvre de réels "parcours" qui ne soient pas uniquement du ressort de la communication pour faire beau sur les brochures RH. Pour cela il faut donc
un réel suivi en transverse et une pression sur la hiérarchie locale pour lui imposer de laisser ses équipes évoluer (ce qui n'est pas aisé, étant donné qu'on aura souvent tendance à se garder les "bons" sous le coude). Là encore, le monde de la défense, pour autant que l'on parle d'entreprises présentes sur plusieurs marchés, les possibilités sont énormes. La connexité des sujets, des technologies, des méthodes...permet d'aborder des contextes variés, et petit à petit de compléter sa palette de compétences, avant éventuellement de se spécialiser. Sans tomber dans l'excès inverse de la mobilité forcée...
L'entreprise doit penser à son avenir : cela passe par une vision prospective de sa pyramide des âges et des compétences, et cela doit se faire avec ses employés, qui sont les premiers intéressés. Tout cela pour dire qu'une réflexion sur l'avenir des différents métiers (plus d'intégration, moins de réalisation en interne, technologies de plus haut niveau d'abstraction....) se fait de bout-en-bout, depuis la stratégie business jusqu'au dispositif de suivi effectif de la mobilité.
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A ce propos, j'ai acheté le petit livre d'Alexandre des Isnards et Thomas Zuber,
L'open space m'a tuer. De mémoire, les extraits publiés dans la presse à sa parution m'avaient bien fait penser à des situations et des personnages existants...