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Mon Blog Défense

lundi 30 novembre 2009

Les vecteurs de la dissuasion nucléaire : missiles balistiques et de croisière

Thème du mois de l'Alliance Géostratégique oblige, je reprends en le modifiant légèrement (merci à Toucan) un article, écrit il y a quelques mois, introduisant les différences entre missiles balistiques et de croisière, qui sont les principaux vecteurs de la dissuasion nucléaire.

***

Tout d'abord, définissons ce qu'est un missile. Il s'agit d'un projectile doté de trois éléments :
  • une enveloppe renferment du carburant ou des ergols (solides ou liquides) afin d'alimenter respectivement un ou plusieurs turboréacteurs ou moteurs-fusées (véhicule monoétage ou multiétage)
  • un système de guidage (laser, radio, infrarouge, vidéo, fil, gyroscopes...)
  • une charge (explosive ou non), qui constitue la raison d'être du missile

Missile balistique

Un missile balistique, c'est quoi ? Tout simplement un missile dont une partie de la trajectoire est balistique. Nous voilà bien avancés...surtout pour ceux qui n'ont pas suivi une série scientifique au lycée. Un corps suit une trajectoire balistique si les seules forces auxquelles il est soumis sont son poids (du fait de la gravité) et la résistance du fluide dans lequel il se trouve (donc ici les frottements de l'air, parallèles à sa trajectoire).

Un tel missile peut être lancé depuis une plateforme maritime (sous-marin, navire) ou terrestre (en surface,depuis un silo, un véhicule, etc.). La première phase du vol d'un missile balistique, la propulsion, ne l'est pas (balistique). Le carburant (qui nécessite également un comburant, l'oxygène, donc ne fonctionne que dans les limites atmosphériques) ou le propergol (cas des moteurs-fusées, qui embarquent leur comburant), solide ou liquide, est consommé et permet au missile d'atteindre rapidement une grande vitesse. Une fois cette courte étape réalisée, le missile entre en vol balistique, et va monter à une altitude très élevée : en général extra atmosphérique, c'est-à-dire plus de 100 km, sauf pour les missiles balistiques à faible portée. Cette phase est la plus longue du vol, et peut durer plusieurs milliers de kilomètres pour les missiles intercontinentaux. Enfin, la dernière phase du vol est la rentrée dans l'atmosphère, où le missile va subir de forts frottements, et la chute sur la cible. La durée de cette phase est de l'ordre de grandeur de celle de propulsion. Un missile balistique va donc avoir une trajectoire en cloche.

Corollaire important : si en phase balistique le missile n'est soumis qu'à des forces externes (gravité, friction), il est donc impossible de modifier sa trajectoire au-delà de la phase de propulsion.

J'en ai déjà un peu parlé, les missiles balistiques vont du tactique SRBM (soutien à l'artillerie sur un théâtre d'opérations, avec une portée de quelques centaines de kilomètres) aux fameux intercontinentaux ICBM (qui parcourent des milliers de kilomètres), généralement dotés d'une charge nucléaire, relevant à ce titre des forces stratégiques de dissuasion. Il faut noter que la technologie utilisée pour un ICBM est du même type que celle des lanceurs spatiaux, comportant ainsi plusieurs étages.

Le premier des missiles balistiques fut le V2 allemand, également "prototype" des futurs lanceurs spatiaux. Aujourd'hui de nombreux pays en possèdent, notamment l'Iran avec son Shahab-3 ou la Corée du Nord avec son Taepodong, sans oublier la France et ses Pluton, Hadès (tactiques) et M-41/M-51 (équipant les SNLE). La famille des SS-9/SS-18 russes peut avoir une portée de 16 000 km.


Un ICBM SS-18 en phase de propulsion
crédits : Kosmotras


Missile de croisière

Contrairement à un missile balistique, un missile de croisière n'a pas une trajectoire en cloche et va effectuer la totalité de son vol à une altitude relativement basse, par le biais de son système de propulsion actif pendant tout ce vol mais aussi à la portance. Celle-ci est la force perpendiculaire (donc vers le haut pour un déplacement horizontal) au mouvement d'un mobile placé dans un fluide, qui fait par exemple que les avions volent grâce à leurs ailes.

Le système de propulsion d'un missile de croisière est en général composé d'un moteur à réaction. Après son lancement, depuis la terre (infrastructure fixe ou véhicule), un navire, un sous-marin, un aéronef, le missile est autonome, se dirigeant de façon inertielle et/ou au moyen d'autres capteurs (GPS, TERCOM - topographie...). Attention cependant, malgré son intelligence, le missile de croisière n'est pas un drone (UAV), car le véhicule est intégré à la munition, et donc sacrifié à chaque mission.

Il existe des missiles de portées et de vitesses différentes (subsoniques ou supersoniques). Ils peuvent être équipés d'une charge conventionnelle ou nucléaire (en général pour la composante aéroportée de la dissuasion). C'est notamment le cas de l'ASMP (Air Sol Moyenne Portée) de l'armée française (Super Étendard, Mirage 2000 N et bientôt Rafale). Tout comme pour les missiles balistiques, les Allemands sont à l'origine des missiles de croisière, puisque le V-1, malgré sa rusticité, en est le véritable précurseur.


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vendredi 27 novembre 2009

Un ouvrage sur le soft power chinois

Hasard ou coïncidence, j'ai lu Chine, la grande séduction de Barthélémy Courmont (Choiseul, 2009), juste après avoir écrit un petit billet sur l'enseignement du chinois et sa progression dans le monde entier.


Sous-titré "Essai sur le soft power chinois", il revient sur la véritable stratégie mise en oeuvre ces dernières années par l'Empire du Milieu afin d'accroître son influence au niveaux régional (Asie du Sud-Est) et mondial (Afrique, Moyen-Orient, Amérique Latine) tout en douceur et en restant en façade extrêmement "humble", se posant comme le chantre d'un "monde harmonieux". Car la Chine, des Jeux de Beijing à la prochaine Exposition Universelle de Shanghai en 2010, souhaite promouvoir son image et montrer qu'elle a tout d'une grande, tout en refusant le statut de superpuissance, prenant grand soin à se situer parmi les pays émergents.

Certes, il y a beaucoup moins d'exemples et le propos est moins développé que dans le précédent opus de Barthélémy Courmont que j'ai lu, Les guerres asymétriques, mais l'ouvrage (un essai, et non une encyclopédie) offre néanmoins un bon panorama des différents axes du soft power made in China, de la promotion de sa culture ou de sa langue à l'aide au développement, en passant par le nationalisme chinois (y compris voire surtout au sein de la diaspora) et son positionnement voulu d'acteur responsable et raisonnable des relations internationales ; à l'opposé de l'ingérence et de l'interventionnisme réel ou supposé des Occidentaux, et bien sûr en premier lieu des Américains.

Lesquels ont servi d'inspiration à la Chine, qui a disséqué leur approche de la "puissance douce" : positionnement dans les institutions internationales, diffusion des idées et de la culture au travers du cinéma... mais qui a également profité du relatif renoncement au soft power de la période Bush pour s'imposer partout où les USA perdaient en crédibilité et soutien. Les études d'opinion réalisées par le Pew Research Center auprès des populations africaines sont particulièrement éloquentes. D'autant que la Chine, à l'extérieur de ses frontières (voire au-delà de son voisinage immédiat), bénéficie, au contraire des Occidentaux, d'une image non ternie par un passé colonial ou impérialiste.

Où l'on voit que cela procède d'une approche mûrement réfléchie, visant à la fois à sécuriser les approvisionnements en matières premières (notamment le pétrole), à développer de nouveaux débouchés pour les produits manufacturés chinois et à devenir, de façon incrémentale, un leader global. Et ceci, en veillant bien à rester dans un état de "non-guerre"...

Sont également évoqués
  • les limites de ce soft power, ne serait-ce que parce que la Chine s'affirme comme une puissance militaire (cf. l'augmentation, officiellement sous-évaluée, de son budget de défense, mais là aussi la Chine se fait adepte de Sun Zi en maniant l'écran de fumée), économique et commerciale, et qu'elle sait faire usage de contrainte et de coercition, sortant de la seule "séduction" et de la voie douce. Notamment quand il s'agit d'achever Taïwan dans la bataille (guerre ?) de la "diplomatie du chéquier"... ou de "virer" manu militari les grandes entreprises étrangères venues créer des JV avec des sociétés locales
  • les différences de point de vue parmi les dirigeants chinois, certains étant pour une approche plus globale associant également une puissance plus "dure". De quoi parler de smart power (là encore un concept issu des USA) ? Voire de penser que le soft power n'est qu'une pure façade, présentée aux pays du Sud afin de se démarquer franchement de l'Occident ?
  • la question du soutien de la Chine à certains régimes peu recommandables, et l'absence de démocratie sur son territoire... qui vient questionner certains promoteurs du concept même de "soft power", apparu à l'époque de la "fin de l'histoire", alors que la démocratie libérale semblait avoir triomphé. Voir une dictature remporter tant de succès sur le terrain des "valeurs" est une problématique sérieuse...
  • les tensions potentielles ainsi que les réponses possibles des Occidentaux (d'ailleurs j'aurais souhaité quelques développements supplémentaires sur le soft power chinois en Europe, même s'il prend plutôt des allures de sticky power), car il s'agit in fine d'une lutte d'influence à l'échelle planétaire, même si la Chine se défend de promouvoir un modèle spécifique, différent de celui érigé et exporté par les Américains et les Européens.
J'aurais aimé plus de détails sur les aspects liés à la cyberguerre (bien du hard power, bien que numérique), sur la montée en puissances des standards technologiques made in China (et qu'elle compte bien imposer au monde entier), sur les pratiques évoquées plus haut de "concurrence déloyale" vis-à-vis d'entreprises étrangères implantées sur son territoire, et qui se retrouvent pillées voire même condamnées par la justice chinoise...

L'ouvrage se complète assez bien de la lecture de La guerre hors limites (voir les billets consacrés à ce livre sur Pour Convaincre) et de quelques numéros de la revue Monde Chinois, notamment celui relatif à la Puissance Militaire Chinoise, qui permettent d'appréhender de façon globale le versant armé de la montée en régime de Beijing.

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jeudi 26 novembre 2009

10-2 = 20 en Afghanistan

Pas grand-chose à se mettre sous la dent dans l'interview d'Hervé Morin au Figaro la semaine dernière (je sais, je fais pas dans la nouveauté), à propos de l'intervention française en Afghanistan... ça ressemble à un condensé de tartes à la crème, de généralités voire d'incantations. Peut-être que je suis un peu trop "dedans" ( sans être pour autant un expert du sujet !).

Quelques extraits en vrac, agrémentés d'une pointe de sarcasme :

*
Nous ne sommes pas face à un enjeu militaire en Afghanistan, mais à un défi de sécurisation d'un pays.
Celle-là, elle doit faire plaisir aux auteurs de Tactique Générale : si effectivement la situation en Afghanistan dépasse largement le seul cadre militaire, la sécurisation en elle-même, au coeur de la stabilisation (dans la doctrine), a tout à voir avec celui-ci, qu'il s'agisse de la maîtrise de l'espace et du territoire, des combats contre les insurgés, ou même de la sécurité publique... combinés à des actions d'influence, au sein d'une stratégie (qui se doit d'être) multi-dimensionnelle. Voir à ce propos mon billet L'action militaire n'est pas l'alpha et l'omega de la guerre contre le terrorisme.

*
Pensez-vous que la France ait suffisamment de résilience pour pouvoir soutenir à long terme l'effort de guerre en Afghanistan, alors même que les sociétés américaines et britanniques donnent elles-mêmes des signes d'essoufflement ?
Le terme de "résilience" est vraiment de plus en plus utilisé dans les médias français dans ce contexte. J'avais brièvement abordé la question après l'attaque d'Uzbin en août 2009, après laquelle 55% des Français étaient pour un retrait de nos troupes d'Afghanistan. D'ailleurs un signe qui ne trompe pas, foi de JGP : le nombre de requêtes du type "que fait la France en Afghanistan" qui atterrissent sur mon blog me semble un bon thermomètre de l'état de l'opinion (ben quoi, Google fait la même chose pour suivre l'épidémie de grippe).

*
Les Français voient souvent l'Afghanistan comme un front armé classique, comme si on était dans les plaines de l'Europe centrale.
Des sources qui viennent abonder dans ce sens (jamais vu d'étude sur la vision stratégique que peuvent avoir les Français du théâtre afghan) ? Ne parle-t-il pas plutôt des stratèges en place pendant la Guerre Froide ? Ou peut-être veut-il caser les cours accélérés qu'il a reçus sur les conflits asymétriques quand il est entré en fonction / avant l'interview ?

*
Il faut enfin dire [aux Français] que le risque de contagion au Pakistan, puissance nucléaire, est loin d'être négligeable si nous partons.
Cela signifie-t-il que le Pakistan passerait de la grippe saisonnière au H1N1 ? Car la contagion (sous une forme ou une autre), il me semble que les Pakistanais la vivent au jour le jour...

*
La vraie question, c'est comment convaincre les Afghans que leur sécurité est garantie par l'alliance, qu'il leur faut coopérer pleinement avec nous
Mes idées, mais elles n'engagent que moi :
1- en faisant en sorte que l'alliance garantisse la sécurité des Afghans
2- en faisant en sorte que l'alliance soit convaincue du fait qu'elle peut garantir la sécurité des Afghans
3- en supprimant le passage du manuel de contre-insurrection où il est indiqué que traiter les émigrés de déserteurs est bon pour gagner le coeur de la population

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mercredi 25 novembre 2009

Europe de la défense - Interview de Corine Caballero-Bourdot

A l'approche de la 57ème session plénière de l'Assemblée Européenne de Sécurité et de Défense (AESD), Corine Caballero-Bourdot, chef du service des relations extérieures de l'Assemblée, a accepté de répondre à nos questions concernant cette organisation et l’Europe de la défense sur les dimensions géopolitique et industrielle ; mais également sur la relation avec l’OTAN et la perception qu’en ont les opinions publiques des pays de l’Union ou sur la question de la prolifération nucléaire.

Ses réponses sont à lire sur le site de l'Alliance Géostratégique.

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mardi 24 novembre 2009

En Russie (comme ailleurs), l'armement ne connaît pas la crise

Dmitri Medvedev a annoncé la semaine dernière que la crise économique actuelle n'aurait quasiment aucun effet sur les programmes d'armement russe. La fourniture de nouveaux équipements à l'armée est une priorité politique, le président russe ayant demandé au gouvernement de réfléchir à un mécanisme permettant un équilibre entre production pour l'export et pour les forces nationales.

Les composants d'un système Iskander
crédits : globalsecurity.org

Parmi les matériels cités, devant être mis en service d'ici à 2020, figurent notamment trois sous-marins nucléaires, 30 hélicoptères, 28 avions de chasse, une corvette, 300 véhicules blindés et six systèmes (lanceur, commandement, maintenance, assistance médicale...) de missiles tactiques Iskander.

Voir également : l'industrie de défense ne connaît pas trop la crise

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lundi 23 novembre 2009

Raccourcissement et intégration de la boucle OODA : double danger

En complément de mes articles sur la boucle de rétroaction / OODA ainsi que sur le C4ISTAR, deux facettes d'un même écueil guettent le circuit de décision et le lien avec le politique :
  • le raccourcissement de la boucle OODA, notamment grâce aux technologies de l'information et à la mise en réseau massive, permet une plus grande autonomie en local des unités militaires, qui, si elle s'inscrit dans un commandement par objectifs associé une subsidiarité bien appliquée, est un atout. Cependant, il faut faire attention à ce que l'intégration poussée sensor-shooter n'évince pas le contrôle politique, pour lequel l'action militaire n'est qu'une des dimensions d'un conflit, s'inscrivant dans une démarche globale. On voit là apparaître un des biais originels dans lesquels s'inscrivent la RMA et le NCW américains, à savoir l'absolue primauté du militaire et de la coercition sur l'approche indirecte...ce qui est en train de changer, au moins dans les intentions, sous l'impulsion de Barack Obama. Notamment en Afghanistan, avec l'affirmation de la nécessité d'une approche multidimensionnelle, dans laquelle le militaire serait subordonné à un objectif

Un poste de C2
crédits : General Dynamics Canada
  • d'un autre côté, l'intégration des informations de toutes les dimensions du théâtre donne aux décideurs politiques une vision quasiment (voire faussement) directe et "temps réel" de la situation. La tentation peut alors être très grande de s'adonner à du pilotage direct des opérations militaires depuis la capitale. Ce micro-management en mode "jeu vidéo" est bien entendu néfaste, car non seulement le politique n'est pas un militaire professionnel, mais en plus, pour des raisons électoralistes, il peut être tenté de réagir à la va-vite sous le coup d'une émotion publique (voire de la sienne), pour satisfaire l'opinion à court-terme. Sans compter qu'il s'appuie sur une vision forcément simplifiée et aplanie de la réalité du terrain.
Une capture d'écran de Starcraft
crédits : Wiki Gamer

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samedi 21 novembre 2009

La spectaculaire progression de l'enseignement du chinois

La diffusion de la langue est un élément important du soft power. Surtout quand cette langue est très liée à son pays d'origine, comme le français, le japonais ou le chinois.

Selon les autorités chinoises, près de 40 millions de personnes dans le monde (comprendre : hors de Chine) apprennent le mandarin comme seconde langue en 2009, contre 25 millions en 2005. Bien sûr, il s'agit de la première langue maternelle au monde, avec près de 900 millions de locuteurs (ce chiffre excluant les minorités chinoises et les personnes parlant le cantonnais en première langue). Le nombre d'Instituts Confucius, l'équivalent de nos Alliances Françaises ou du Goethe Institut allemande, ne cesse de croître (plus de 250 dans 80 pays, et un objectif de 500 pour 2010 !) partout dans le monde, de même que les écoles et universités offrant des cours de chinois.


Quant au Hanyu Shuiping Kaoshi (HSK), le test d'évaluation standardisé de chinois reconnu par les universités et les entreprises locales (le "TOEFL chinois"), il ne cesse de voir son nombre de candidats augmenter depuis sa création au début des années 1990 : il y aurait aujourd'hui plus de 500 000 candidats annuels.

Selon Ji Baocheng, président de l'Université Populaire de Chine
La tendance est irréversible, parce que la Chine est maintenant la troisième économie mondiale et le deuxième plus grand pays commercial
Certes, en tant que langue d'échange, et surtout comme langue pivot entre "locuteurs non natifs", on est à des années-lumière de l'anglais, qui ne sera probablement pas rattrapé à moins d'un cataclysme. Par ailleurs, il est évident que bon nombre d'étudiants arrêtent avant d'avoir acquis un niveau "opérationnel" en chinois, qui pour un Français est plus difficile à atteindre qu'en anglais ou en espagnol... et autant dire que sans pratique régulière, la perte de niveau est exponentielle, langage non alphabétique oblige. De même, les candidatures au HSK se concentrent sur les niveaux les plus élémentaires (le nombre annuel de reçus en France au niveau le plus avancé, n'étant pas d'origine chinoise, est de l'ordre de grandeur de la dizaine).

Cependant, on ne peut plus parler d'effet de mode comme il y a une dizaine d'années. La Chine commence à comprendre l'intérêt de l'exportation et de la diffusion de sa langue pour le tissage de liens. Et comme dans d'autres domaines, elle a décidé de mettre le paquet !

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vendredi 20 novembre 2009

La bombe terroriste : nucléaire ou sale ?

La guerre globale contre le terrorisme jihadiste est actuellement médiatisée au travers des guerres en Irak et en Afghanistan et de la problématique de la contre-insurrection. Cependant, l'accès d'un groupe terroriste à des armes de destructions massives est aussi au centre des préoccupations des services de sécurité du monde entier, de par le danger qu'il représente. Ce petit article a pour but de lever une légère ambigüité sémantique.

En effet, il convient de bien distinguer la notion de "bombe nucléaire" de celle de "bombe sale" (ou "radiologique"). La confusion provient du fait que l'on mélange "fission nucléaire" (voire "fusion nucléaire") et "radioactivité". Et pas seulement dans les mainstream media et le grand public, puisque comme l'indique Bruno Tertrais (cf. Le marché noir de la bombe aux éditions Buchet Chastel) même Al-Qaeda et les Talibans s'y mélangeaient les pinceaux en Afghanistan.

Pour résumer, la matière fissile est constituée d'atomes qui, sous l'effet d'un bombardement de neutrons lents, vont subir une fission (on parle d'atome fissible quand la fission est obtenue par bombardement avec des neutrons rapides). Une fission nucléaire dégage une importante quantité d'énergie, qui peut l'être à des fins civiles ou militaires : l'uranium 235, seul isotope naturellement fissile (également fissible), est utilisé dans la plupart des centrales électronucléaires actuelles, mais aussi dans les bombes nucléaires (quoiqu'il soit de plus en plus délaissé pour le plutonium 239, plus puissant).

Il est également radioactif, c'est-à-dire que son noyau atomique est instable, et va se désintégrer en dégageant de l'énergie sous forme de rayons, dits ionisants, très néfastes pour la santé. La matière radioactive artificielle (i.e. due à l'activité humaine) est souvent obtenue à partir de déchets radioactifs (polonium 210, césium 137, plutonium 239) du cycle électronucléaire ou du secteur médical, d'où l'appellation "bombe sale".

A noter qu'une réaction de fission dégage des rayons ionisants.

Bombe nucléaire

Pour qu'un groupe quelconque se dote de l'arme nucléaire, il doit alternativement :
  1. développer par lui-même un programme nucléaire, même rudimentaire, nécessitant de se procurer et/ou d'enrichir la matière fissile (uranium ou plutonium), fabriquer l'arme en elle-même voire un vecteur (bombe ou missile). Quitte à se faire un peu aider, comme d'ailleurs plusieurs puissances nucléaires actuelles
  2. acheter ou se faire offrir l'arme par une puissance nucléaire
  3. voler l'arme nucléaire
Bien évidemment, il y a des combinaisons possibles sur les différents éléments constituant l'arme (matière fissile, arme en elle-même, vecteur) : la matière fissile enrichie peut être volée, le plan d'arme peut être développé "localement" et un missile peut être volé. Cependant l'assemblage entre chacune des pièces est légèrement plus complexe qu'un Lego ou même qu'un meuble Ikea (c'est dire !).

1. Je ne vais pas revenir en détail sur le principe de fonctionnement d'une bombe nucléaire A, H ou N (voir mon article introductif ici), mais il faut bien comprendre qu'un programme complet est hors de portée d'un groupe terroriste, fut-il transnational, et ce pour des raisons technologiques, logistiques et tout simplement pratiques. Contrairement aux cas des armes chimiques ou bactériologiques, deux ou trois savants dans un laboratoire clandestin, fussent-ils très fous et très savants, ne sont pas suffisants pour enrichir l'uranium (ou générer du plutonium) et/ou concevoir une arme nucléaire (i.e. pratiquer de l'ingénierie de très haute précision pour assurer le déclenchement de la réaction de fission en chaîne au bon moment). Cela requiert des installations (selon la matière utilisée, réacteur plutonigène, usine d'enrichissement ou de retraitement) et matériels (centrifugeuses) très importants et divers, des matières premières pas forcément faciles à obtenir et manipuler (notamment le plutonium, si cette filière était retenue), des équipes très nombreuses et très qualifiées, et pas mal de temps... sachant qu'en plus il faut envisager les essais (à froid et en charge, ou s'en passer au risque du flop total), pas vraiment un modèle de discrétion.

Et en un sens ce serait assez contradictoire avec l'approche des terroristes observée ces derniers temps, à savoir des stratagèmes extrêmement low-tech et invisibles, avec une structure très décentralisée et éclatée (petites cellules autonomes, armes rudimentaires). D'ailleurs les camps d'entraînement d'Al-Qaeda dans la campagne afghane furent les premiers à être détruits et démantelés, car très visibles et finalement assez vulnérables.

2. Acheter une arme complète suppose qu'il y ait un vendeur. Aujourd'hui, seuls quelques états en disposent. Et il n'y a aucun indice portant à croire que des groupes non étatiques (pas forcément terroristes mais également mafieux, les plus enclins à revendre tout matériel illégal) en possèdent, même s'il est par ailleurs possible que certaines valises nucléaires soviétiques aient disparu.

Un état, même l'Iran ou la Corée du Nord, se permettrait-il de risquer la vitrification pour un tel objectif ? En offrant la bombe à un groupe incontrôlable (notamment par lui), qui en ferait un usage sans négociation, il perdrait instantanément les bénéfices de la dissuasion. Certes il faut également envisager le cas d'éléments peu scrupuleux, ou ayant des sympathies pour les "causes" terroristes, dans la chaîne nucléaire, qui détournerait une arme ou de l'uranium hautement enrichi. Ceci, pour passer inaperçu, nécessiterait de nombreuses complicités (étant donné la ségrégation des responsabilités et compétences), et donc serait signe d'un état totalement vérolé. Même le Pakistan n'en est pas (pour combien de temps encore ?) à ce niveau.

Quant à la matière fissile, les données compilées par l'AIEA au sein de son Illicit Trafficking Database (forcément imparfaite, mais faute de mieux...) font état de 15 incidents relatifs à de l'uranium hautement enrichi ou du plutonium entre 1993 et 2008. Et à chaque fois sur des quantités bien en-deçà de la masse minimale à la fabrication d'une bombe.

3. Imaginons qu'un groupe terroriste mette la main sur un plan d'arme valable et sache reconstituer les informations potentiellement lacunaires. Il lui manque au moins la matière première. On l'a vu au-dessus, il lui est impossible de monter un programme d'enrichissement de l'uranium ou de fabrication de plutonium. Il lui en faut donc du prêt (presque prêt) à l'emploi. Et justement, des lieux de stockage et des réacteurs, il y en a quand même quelques uns.

Pour le plutonium, il paraît compliqué d'aller directement l'extraire par effraction des réacteurs, sans parler de son extrême dangerosité...

Il est évident que la sécurité des stocks d'uranium enrichi n'est pas optimale partout autour du globe, notamment autour de certains sites de recherche, en général moins surveillés que les militaires, mais même en ex-URSS (qui a été aidée par les USA) elle s'est grandement améliorée depuis les années 1990. Des progrès restent certes à réaliser... d'autant que l'effondrement d'un pays disposant de stocks de matière fissile (et il n'y a pas que les puissances nucléaires actuelles, Pakistan en tête, dont la situation a pu inquiéter et continue de le faire, notamment à moyen et long termes) pourrait faciliter les choses.

Bombe sale

Pour fabriquer une bombe sale, c'est en revanche beaucoup plus simple. Il "suffit" de se procurer de la matière radioactive et d'y attacher un explosif conventionnel. L'objectif recherché est la dispersion des substances radioactives et la contamination de nombreuses personnes.

Il existe de très nombreuses sources de déchets radioactifs un peu partout autour de globe, et il est plus facile d'en voler ou d'en acquérir que de l'uranium hautement enrichi. D'autant que les "disparitions dans la nature", de niveaux de dangerosité divers, sont en fait extrêmement fréquentes.

Bien sûr une telle arme est beaucoup moins destructrice qu'une bombe nucléaire. Et plus elle le sera, plus la matière radioactive qui la constitue sera difficile et dangereuse à manipuler par les terroristes. Pour autant, son utilisation, encore inédite malgré des ambitions affichées, aurait des conséquences potentiellement dévastatrices, en termes humains, économiques, psychologiques mais également de symbole : le centre ville d'une mégapole fermé pendant des semaines pour décontamination aurait de quoi rappeller furieusement l'après 11 septembre.

Ainsi il faut concilier en même temps une radoactivité suffisante pour irradier de façon nocive, une certaine maniabilité par les terroristes, et une capacité de dispersion importante pour toucher une zone assez étendue. Tout ça pour dire que malgré la relative facilité par rappport à une bombe nucléaire, la bombe sale n'est pas non plus à la portée du premier venu.

Le terrorisme radiologique peut également se passer d'explosif : la dispersion de la matière radioactive peut se faire par exemple dans le circuit de distribution d'eau d'une agglomération ou, plus simplement, par "contact", un peu comme l'infortuné Alexandre Litvinenko, mort semble-t-il après un empoisonnement au polonium 210, matière hautement radioactive.

Conclusion

On ne peut évidemment jurer de rien, mais même si elle est extrêmement effrayante, la perspective de voir Al-Qaeda se doter de l'arme nucléaire à moyen terme est très faible. L'hypothèse de la bombe sale, qu'il ne faut pas confondre avec la précédente, serait beaucoup plus dans les moyens du groupe terroriste, et en même temps beaucoup plus proche de son mode d'action classique basé sur les IED, même si elle nécessite une certaine maîtrise technologique.

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jeudi 19 novembre 2009

Lettre d'information sur le renseignement du CF2R


Je signale le lancement de la lettre d'information du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), I-Sources.
Avec une fréquence mensuelle à bi-mensuelle, elle aura pour objectif d'offrir un panorama des principales nouvelles relatives au renseignement (y compris cyberguerre, forces spéciales, terrorisme, prolifération...), en France et à l'international, et ce en français et en anglais.

Un nouvel outil à intégrer à sa panoplie de veille stratégique...

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mercredi 18 novembre 2009

Consolidation du secteur terrestre en Europe : scénarios possibles, par Thibault Lamidel

Suite à mon article sur les rapprochements évoqués par le DGA entre Thales et Nexter, Thibault Lamidel nous livre son analyse relative à la consolidation de l'industrie européenne de défense terrestre, en détaillant quelques scénarios d'évolution possibles. Bien évidemment, ses propos n'engagent que lui.

***

Le temps est venu en France de faire un choix sur les premiers rapprochements du secteur industriel de défense terrestre. Les premières manœuvres ont déjà étaient faites en interne. Mais il est l’heure qu'elles se déploient à l'échelle européenne. Elles ont été réalisées dans l’aéronautique avec le succès, parfois mitigé, que l’on sait : EADS. Et sont en cours dans le naval : DCNS, HDW et leurs coopérations et implications en Europe. Dans le terrestre, tout reste à faire.

On n’a pas encore décidé en France s’il fallait faire un champion unique français rassemblant tout le secteur (Renault Trucks Defense (RTD, propriétaire d’Acmat), Nexter, Auverland (propriétaire de Panhard), Thales) ou s’il fallait partager le "marché" en constituant par exemple deux pôles terrestres avec d’autres Européens. Le débat semble au même point en Allemagne avec Rheinmetall et Kraus-Maffei-Weggmann (KMW). Les choix seront lourds de conséquences pour l’avenir. Le couple franco-allemand aura un rôle à jouer, c’est certain. Néanmoins, il faudra compter avec des entreprises espagnoles (Santa Barbara Sistemas (filiale de General Dynamics) et GTD), italiennes (Iveco, Oto Melara, Fincantieri) et finlandaise (Patria) pour les principales.

L’hypothèse anglaise a disparu dès lors que le VBCI n’a pas été retenu pour le programme FRES. De plus, l’implication de BAE Systems aux États-Unis le dispense de tout besoin de rapprochement européen pour atteindre une masse critique. Pour y voir plus clair dans ce méli-mélo européen (dont la liste est loin d’être exhaustive), il faut voir qu’il existe d’une part la volonté franco-allemande. Et d’autre part, si elle faisait défaut, il existe pour nos deux pays d’autres solutions pour consolider le secteur européen. Tout dépend de la volonté politique. Et des choix de structure industrielle ! Veut-on simplement des industriels terrestres ? Ou des conglomérats électroniciens/plate-formistes sur le modèle de BAE Systems et Boeing ?

Scénario franco-allemand 1

Suite à l'échec de la candidature du VBCI, qui a tué un possible rapprochement avec BAE, l'idée d'une vente par appartement de Nexter est apparue. Une offre conjointe menée par Thales et RTD consisterait à ce que ce dernier reprenne l’activité véhicule tandis que Thales récupérerait les activités électroniques. Ce scénario exclut donc Auverland qui n’y est pas intégré. De plus, on se retrouverait dans la même situation que le secteur naval français : Thales avec une participation (de plus) dans un plate-formiste terrestre "unique". Ce n’est rien de moins que la constitution d’un BAE Systems à la française.

Mais quelle serait la réaction des Allemands ? Ils auraient deux options majeures : soit rassembler leur industrie de défense, soit la garder séparée en deux pôles mais en les faisant grossir par le biais d’autres acquisitions européennes. Il est presque certain qu’ils ne laisseront pas l’industrie de l’armement terrestre aux seuls Français en Europe. Ils devront choisir. D’autant plus qu’un champion français aurait une masse critique confortable pour discuter avec les Allemands, surtout s’ils restent divisés. Tout comme un champion franco-allemand écraserait la concurrence en Europe. C’est toute la volonté politique commune qui fera la différence. Depuis EADS, des griefs sont passés par là. Le non-rapprochement de DCNS et HDW laisse planer des doutes.

Scénario franco-allemand 2

Une offre autonome de Thales (sans RTD) sur Nexter qui aboutirait au même résultat que le premier scénario, un BAE Systems français. Mais quelle place pour RTD et Auverland à ce moment là ? Ce n’est pas à l’ordre du jour, mais si cela arrivait, comment exclure la constitution d’un autre champion français ? RTD se sentant éventuellement floué pourrait essayer de grossir avec Auverland pour commencer, car il ne ferait pas le poids par rapport au couple Nexter/Thales tant dans sa gamme que dans sa taille industrielle. Et en l’absence de rapprochement allemand, ce serait imaginable. Le couple Nexter/Thales continuerait sur sa lancée en s’associant à Rheinmetall comme le signale JGP. A charge au possible autre champion français de se positionner pour Krauf-Maffei-Wegmann et de profiter du complément de gamme pour tenter d’atteindre l’ampleur du premier. Pour RTD/KMW la gamme serait des plus complètes, du léger au plus lourd avec deux clients obligés, les armées française et allemande. Et dans le cadre du programme Scorpion par exemple, Thales/Nexter pourrait se rapprocher de la FN belge pour combler les lacunes en armes légères. Tandis que RTD/KMW se rapprocherait de Glock par opposition.

L’avantage de cette option est de constituer deux groupes moins lourds, ce qui laissera une souplesse d’action pour se rapprocher d’autres Européens. In fine, les deux groupes franco-allemands pourraient structurer le reste de l’Europe autour d’eux.

Ces deux scénarii sont remplis d’incertitude, que ce soit un ou deux champions franco-allemands, cela implique une volonté de rapprocher les industries de nos deux pays. Les programmes de transformations terrestres feraient le reste (FN, Glock, PGM par exemple).

Mais, dans le reste de l’Europe, reste un ensemble d’options qui, quelle que soit la volonté franco-allemande, aura raison des certitudes les mieux établies en proposant des alternatives puissantes.

Scénario EADS

C’est ce qui va compliquer la donne. Le groupe franco-allemand possède une participation dans le finlandais Patria, très actif dans le secteur terrestre. EADS désire depuis des années militariser ses activités pour s’échapper des seuls cycles civils. La consolidation du secteur terrestre en Europe lui donne un grande chance de le faire. C’est un groupe qui pourrait forcer la porte des options franco-allemandes. Une première option consisterait à imaginer EADS qui absorberait un certains nombre d’entreprises allemandes et françaises (RTD/KMW de notre hypothèse). En opposition au regroupement de Thales/Nexter/Rheinmetall. Cela aboutirait à deux électroniciens/plate-formistes, ce qui pourrait rassurer les Allemands.

Une deuxième option serait qu’EADS absorbe les européens non-concernés par RTD/KMW et Thales/Nexter/Rheinmetall. Polonais, Finlandais, Espagnols, Suisses... seraient autant d’options pour un grand pôle terrestre dans EADS. L’avantage ? Un deuxième ou troisième acteur franco-allemand. Politiquement ce serait ingénieux puisqu’en Europe le terrestre, au moins, serait dans le giron franco-allemand.

Scénario italien

La France peut-elle rester indifférente à l’offensive italienne au Brésil ? Français et Italiens sont alliés dans le naval. Il a déjà été relevé par la lettre TTU l’évocation d’un rapprochement entre Fincantieri et Thales. Les réalisations franco-italiennes sont concrètes (torpilles, FREMM, Horizon). Mais les choix italiens s’inscrivent en porte-à-faux vis-à-vis de la philosophie française. Nos industriels misent sur les grands pays émergents alors que les Italiens, comme les Anglais, misent sur le marché américain pour beaucoup. Les deux choix sont-ils compatibles ? D’autant plus que le symbole de la réussite, ou de l’échec, de ce choix sera le vainqueur de l’appel d’offres des avions ravitailleurs américains. Il sera inutile de s’investir aux États-Unis si le marché n’est pas plus sincère, et donc par ricochet dans une société pariant sur ce marché.

Scénario espagnol

Évoquons le cas espagnol, avec la possibilité d’un rapprochement de Nexter avec un industriel ibérique si le VBCI perçait dans ce pays. Une fois encore, le dossier naval (Scorpène) complique la donne. Le Scorpène a autant été le symbole de la réussite d’une coopération européenne que celui du risque américain en Europe. C’est bien ces derniers qui ont ruiné l’avenir de cette réussite.

Permettons-nous ici une petite digression sur ce dossier. Le sous-marin est conçu par la DCNS et ce qui deviendra Navantia. Les Espagnols sont passés de la réalisation de sous-marin français en transfert de technologie à la conception. Après les succès à l'export du sous-marin, il était question que l'Armada commande au moins 4 Scorpène. Il n'en fut rien, l'État espagnol prit la décision que le sous-marin serait de conception espagnole, avec un système de combat américain, une propulsion AIP américaine et des tubes de lancement de missiles de croisière américains (Tomahawk en lieu et place du Scalp naval). Ainsi est né le S80, et le divorce fut consommé. On n'a pas eu d'explication publique convaincante sur ce revirement. Une volonté américaine de trouver un chantier européen pouvant concevoir et construire des sous-marins diesel électrique pour Taïwan ? Un positionnement dans le même registre que l'Italie et l'Angleterre sur le marché américain ? Il est certain que les liens entre Espagnols et Américains dans le naval militaire ont été sous-estimés. Le succès export de Navantia en Australie (2 BPE, 3 frégates F100) n'a pas déplu aux Espagnols, c'est certain aussi. Par contre, leur volonté de renouer avec la DCNS a marqué un tournant. On n'a pas entendu, depuis le S80, de déclaration de responsable français voulant renouer le partenariat, au contraire de Navantia. Vous avez dit divorce ? Récemment, l'Espagne a abandonné le Tomahawk. Il est raisonnablement imaginable de penser que le Scalp naval fera parler de lui. D'autant plus que la version proposée du missile américain était limitée à 300km (contre 1000 pour le Scalp, 1600 pour le missile américain dans sa version la plus endurante). Va-t-on vers un renouveau de ce partenariat ? En attendant, le S80 est toujours proposé contre le Scorpène. Le succès du Brésil a montré que la France peut se passer de l'Espagne. Dans ces conditions, est-ce possible de s’allier à elle de manière durable et non pas ponctuelle ? L'aventure du Scorpène montre que les industriels espagnols manquent de poids pour constituer une alternative pleinement suffisante aux Allemands.

En guise de conclusion

Il a été vu la multiplicité des options de rapprochement en Europe entre Allemands et Français. Ce débroussaillage n'a pas pu pleinement tenir compte des munitionnaires, des producteurs de poudre ni, dans une moindre mesure, des producteurs d'armes légères, tant le dossier est complexe. Il l'est d'autant plus que l'électronique en est le point central. Les transformations exigées dans les programmes FRES et Scorpion, pour ne citer qu'eux, impliquent un haut degré de cohésion technologique pour réaliser la guerre en réseau. L'enjeu industriel se situe dorénavant sur le terrain de l'intégration électronique. C'est pourquoi il est de plus en plus courant de voir des électroniciens agréger autour d'eux des entreprises réduites à de simples "plateformistes" (DCNS dans le giron de Thales, les divisions navales, terrestres et aériennes de BAE Systems). C'est pourquoi les mouvements et rapprochements éventuels franco-allemands dans le terrestre toucheront forcément les dossiers navals... Ou pas. Tout dépendra des électroniciens de référence.

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mardi 17 novembre 2009

Vente du Mistral à la Russie : la visite de Poutine en France déterminante ?

Le quotidien russe Vedomosti indique que la visite en France du premier ministre Vladimir Poutine prévue le 27 novembre prochain devrait permettre de régler l'achat du BPC Mistral. L'accord envisagé prévoit la construction d'un navire en France et de quatre autres en Russie. Officiellement, Rosoboronexport affirme ne pas encore avoir été sollicitée pour entamer des négociations. Les Echos nous informaient dès octobre que du côté français, Nicolas Sarkozy avait donné son autorisation.

En ce moment même, un navire est à Saint-Petersbourg où il doit être évalué par l'armée russe, qui doit notamment tester l'appontage d'un hélicoptère Ka-52. L'un des enjeux est d'asseoir la crédibilité et la pertinence du Mistral, alors que des concurrents, comme les Hollandais, sont aux aguets.

Un Ka-52
crédits : jetfly.hu

Vedomosti souligne que des deux côtés, on est en attente d'une réelle impulsion politique, d'autant que comme je l'avais déjà mentionné, certains experts russes doutent de la pertinence d'un tel achat, en soulignant que pour un tel prix (près d'un milliard de dollars), d'autres priorités pourraient être satisfaites (modernisation des chars par exemple), quitte à se fournir en France. Et bien sûr au sein de notre propre état-major, la perspective d'armer la Russie et de lui permettre de mieux projeter ses forces (comme en Géorgie par exemple ?), ne fait pas non plus l'unanimité.

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dimanche 15 novembre 2009

Courte histoire des programmes nucléaires de l'Iran

Cet article est publié simultanément sur l'Alliance Géostratégique.

Les ambitions nucléaires de l'Iran font la Une des relations internationales depuis plusieurs années, la situation actuelle étant particulièrement tendue sur le front diplomatique, certains évoquant même le spectre de la guerre.

Cet article a pour objectif de retracer de façon synthétique l'histoire du nucléaire iranien depuis un peu plus de cinquante ans, et ne veut en aucun cas exhaustif. Le titre en est au pluriel car si le programme civil a une histoire quasiment à ciel ouvert, le militaire, nous le voyons tous les jours dans le bras de fer entre l'Iran et la communauté internationale, est l'objet de toutes les interrogations. Mais également parce que comme nous allons le voir, il n'y a pas forcément de lien direct entre les deux.

1 - En guise d'introduction : le triptyque nucléaire

Commençons, de façon extrêmement simplifiée, par une introduction sur trois éléments essentiels à la fabrication et à l'utilisation d'une arme nucléaire, et qui sont les supports de la prolifération.

Pour fabriquer une bombe nucléaire (disons une bombe A, voir mon article sur le sujet), il faut d'abord de la matière fissile. Celle-ci peut être alternativement
  • de l'uranium 235 (U-235), présent en faible quantité dans le minerai d'uranium. Il faut donc enrichir celui-ci, i.e. augmenter la proportion d'U-235 au moyen de centrifugeuses, qui vont permettre de séparer, grâce à la différence de masse, l'U-235 des autres isotopes (i.e. des atomes ayant le même nombre de protons mais un nombre de neutrons différent) d'uranium. Une utilisation militaire requiert un enrichissement très élevé (plus de 90%), alors que pour les centrales électronucléaires on se contente de 3 à 5%
  • de plutonium 239 (PU-239), obtenu par retraitement à partir du combustible usagé de certaines centrales de production d'électricité ou des réacteurs de recherche
On voit donc que cette matière peut être issue soit de l'amont du cycle nucléaire, soit de l'aval. Aujourd'hui, les principales puissances nucléaires ont opté pour la filière plutonium, car elle permet de construire des armes moins volumineuses.

L'arme en elle-même, dans laquelle va être introduite la matière fissile, et qui va commander le début de la réaction en chaîne au moment voulu est justement le deuxième élément du triptyque. Inutile de préciser que sa conception nécessite des connaissances et compétences pointues en ingénierie, le plan d'une arme valant très cher sur le marché noir de la prolifération.

Enfin, si l'on exclut le cas de la valise nucléaire, il faut pour transporter l'arme un vecteur, c'est-à-dire un missile balistique ou de croisière, si l'on excepte les bombes largables depuis un aéronef. Je ne reviendrai pas ici sur le programme balistique iranien et les fameux Shahab-3.

2 - Le programme civil


Des débuts en fanfare et un arrêt brutal

Le programme civil iranien est lancé avec la coopération des États-Unis dans les années 1950, peu après l'Opération Ajax qui a déposé le premier ministre Mossadegh. En 1959 est créé le Centre de Recherche National de Téhéran, géré par l'Organisation de l'Énergie Atomique d'Iran (OEAI). Un premier réacteur fonctionnant à des fins de recherche est opérationnel dès 1967. Le Shah Mohammed Reza Pahlavi acquiert très vite de grandes ambitions concernant le développement de l'atome, puisqu'il vise le nombre de 23 centrales à l'horizon de l'an 2000. En 1968, l'Iran signe le TNP et en 1975, les Allemands de KWU remportent le projet de construction de la centrale de Bushehr sur le Golfe Persique, soit deux réacteurs à eau pressurisée d'une puissance d'un peu plus d'1 GW.

KWU se retire du chantier de Bushehr en 1979, alors que le projet est inachevé, en affirmant que c'est à cause du non-paiement de factures par l'Iran.

Dans les années 1970, la France et l'Iran créent la Sofidif (Société franco–iranienne pour l’enrichissement de l’uranium par diffusion gazeuse), qui doit opérer (pour simplifier) une usine d'enrichissement de l'uranium basée sur le sol français. En 1976, le Shah signe également un accord avec les États-Unis prévoyant que ces derniers livrent à l'Empire Perse une usine de retraitement permettant l'extraction de plutonium du combustible nucléaire usagé.

L'immédiat après-Révolution de 1979 met également un coup d'arrêt provisoire (ou du moins un sérieux coup de frein) au programme, qu'il s'agisse de construction de Bushehr, de l'acquisition de combustible ou de capacités de retraitement : le Guide Suprême, l'Ayatollah Khomeini, est hostile à l'énergie nucléaire, et les partenaires occidentaux, France et USA en tête, reviennent sur leurs engagements (sans les avoir concrètement honorés). Le début de la guerre contre l'Irak en 1980 joue également le rôle de facteur bloquant, les réacteurs étant bombardés par l'aviation de Saddam Hussein.

Un programme sous haute surveillance

La mort de Khomeini en 1989 marque un regain de volonté iranienne. Les Iraniens s'adressent aux Russes, car l'embargo les empêche de solliciter de nouveau KWU. En 1995, un accord prévoyant la reconstruction d'un réacteur (sur les deux initiaux) à eau pressurisée d'1 GW à Bushehr est signé pour un montant d'environ 1 milliard de dollars. Une somme non négligeable pour la Russie de Boris Eltsine et son l'économie chancelante.

Le projet, qui devait initialement se terminer en 2000, est cependant marqué par des problèmes techniques (incompatibilité des infrastructures originelles de KWU et du réacteur russe, transfert de compétences vers les Iraniens...) mais surtout géopolitiques. La Russie, qui ne veut pas trop se mettre à dos les Américains et les Européens, inquiets de voir l'Iran développer en parallèle des capacités militaires, ralentit les travaux. On se souvient également que pour apaiser la situation, Vladimir Poutine avait proposé que l'enrichissement de l'uranium se fasse sur le sol russe, ce qu'ont refusé les Iraniens, soucieux de maîtriser la quasi totalité du cycle, d'autant qu'ils possèdent sur leur sol des mines d'uranium. Ce qui effraie la communauté internationale, qui a peur qu'ils ne cherchent à fabriquer de l'uranium enrichi de qualité militaire (beaucoup plus enrichi que le combustible des centrales civiles, mais mobilisant les mêmes méthodes et matériels de centrifugation).

D'autant qu'en 2002 sont révélées publiquement l'existence
  • de l'usine d'enrichissement de Natanz, dont une partie est enterrée
  • du projet de centrale à eau lourde (pouvant utiliser de l'uranium naturel comme combustible) d'Arak, dont les travaux ont débuté en 2004 et la mise en service ne devrait pas intervenir avant 2011 voire 2013.
Ainsi donc l'Iran utiliserait en partie Bushehr comme "honey pot" pour attirer et focaliser l'attention, mais aurait d'autres installations nettement plus sensibles et dangereuses ailleurs.

Le jeu du chat et de la souris autour de l'enrichissement instauré au début des années 2000 et compliqué par la position de la Chine et de la Russie continue encore aujourd'hui entre l'Iran et
  • l'AIEA, surveillant-chef du respect du TNP, dont les inspecteurs ont fait de nombreuses visites plus ou moins fructueuses et les directeurs produisent une flopée de rapports (notamment en 2007-08)
  • le Conseil de Sécurité de l'ONU, qui a voté en pagaille des résolutions et des sanctions
  • les "Cinq plus un", soit les membres permanents du Conseil de Sécurité plus l'Allemagne
En 2004, par le biais de l'accord de Paris, l'Iran avait pourtant suspendu (officiellement) ses activités de retraitement et d'enrichissement.

La tension connaît une apogée en 2006, lorsque la Russie se joint aux autres membres du Conseil de Sécurité pour voter des sanctions dures contre l'Iran d'Ahmadinejad (résolutions 1696 et 1737 notamment). Celui-ci comprend que la Russie est difficilement remplaçable et signe avec elle des contrats pour d'autres réacteurs. Histoire de se rabibocher un allié incontournable.

En décembre 2007, la Russie a commencé les livraisons de combustible nucléaire pour la centrale de Bushehr, achevées en janvier 2009. En mars dernier, le directeur de Rosatom, l'agence russe de l'énergie atomique, a annoncé que les travaux étaient enfin terminés. Les tests finaux ont démarré en octobre, la production à plein régime ne devant pas être dans un futur trop lointain. Les tranches suivantes sont toujours à planifier...

3 - Le programme militaire

Au-delà des suspicions de la communauté internationale et des provocations à répétition des dirigeants iraniens, y a-t-il un programme militaire caché derrière son pendant civil ? Les installations d'enrichissement d'uranium et de retraitement, que l'Iran a longtemps dissimulées et dont la finalité reste largement opaque, sont-elles utilisées pour servir à la fabrication d'une bombe ? En bref, l'Iran cherche-t-il à se doter de l'arme nucléaire ?

Voix officielles

L'Iran a toujours nié développer des activités nucléaires militaires, et encore très récemment par la voix de son Président fraichement réélu, Mahmoud Ahmadinejad. Il a toujours affirmé que l'ensemble de son programme était strictement à vocation civile. D'ailleurs le Guide Suprême Khamenei n'a-t-il pas prononcé en 2005 une fatwa selon laquelle l'utilisation d'armes atomiques était contraire à l'islam ?

La piste pakistanaise

Bruno Tertrais, dans son récent ouvrage "Le marché noir de la bombe" (Buchet Chastel, 2009), évoque cependant des contacts dès 1984 entre le Pakistan et l'Iran, alors en guerre contre l'Irak depuis trois ans. Face à l'armée de Saddam Hussein mieux équipée et préparée, Khomeini aurait changé d'avis sur le nucléaire, le plus court chemin pour s'en doter étant de solliciter le pays du général Zia et du fameux Abdul Qadeer Khan.

Alors que les Iraniens se demandent si la centrale de Bushehr pourrait être utilisée pour produire du plutonium, ce dernier les aurait persuadé de plutôt s'engager sur la voie de l'uranium hautement enrichi. Un accord de coopération aurait été signé en 1987, et ce malgré les rivalités régionales entre les deux états. Du côté iranien, le Corps des gardiens islamiques de la Révolution mènent la danse, alors que chez les Pakistanais, Khan et son réseau international sont au coeur du programme, assurant la fourniture de plans de centrifugeuses et de composants nécessaires à la fabrication de plusieurs milliers d'entre elles. Il convient ici de noter que l'AIEA mentionne cet accord dans un rapport de septembre 2007, mais que selon l'Iran, il s'agissait d'une affaire purement civile, seule l'OEAI étant impliquée de son côté, à l'exclusion de toute partie prenante militaire...

Pour le détail et les différentes versions possibles des évènements, j'invite le lecteur à se référer au livre de Bruno Tertrais. Toujours est-il qu'il semble bien que Khan soit allé au-delà du mandat officiel que lui avait accordé Zia, soucieux de ne pas trop en faire pour l'Iran.

Après la mort de ce dernier en 1988, Benazir Bhutto, nommée premier ministre, refuse aux militaires pakistanais l'autorisation d'exporter des technologies nucléaires. Ils vont alors agir de leur propre chef, d'autant qu'en face, le nouveau Président iranien, Rafsandjani, est très favorable au programme nucléaire. Le successeur de Bhutto, nommé en 1990, Nawaz Sharif, est lui aussi réticent au partenariat étendu qu'essaient de lui vendre les militaires, et il va pousser vers la retraite le général Beg, adjoint du CEMAT, ainsi que le général Gul, chef de l'ISI (services secrets pakistanais). Ceci aurait signé plus ou moins la fin de la première phase de coopération entre Iran et Pakistan sur le nucléaire militaire.

Enrichissement à domicile

Au début des années 1990, l'Iran a du mal à avancer dans son programme d'enrichissement, malgré une coopération avec la Chine et une tentative avortée avec la Russie : problème d'approvisionnement des pièces détachées de centrifugeuses, difficultés techniques....

Le contact est rétabli avec la filière pakistanaise, mais rapidement, selon Bruno Tertrais, en raison de la guerre civile en Afghanistan, les relations entre l'Iran (qui se serait tourné sans succès vers l'Afrique du Sud) et le Pakistan se tendent. Cette fois-ci, le réseau de Khan aurait plus agi en autonomie vis-à-vis de ses propres gouvernants, fournissant des centrifugeuses voire un plan d'arme. Et le programme militaire iranien aurait véritablement pris son envol.

Opération Merlin

Les Etats-Unis prennent très au sérieux la menace d'un Iran militairement nucléarisé. James Risen, dans son ouvrage State of War, mentionne une opération clandestine des services secrets américains, appelée Merlin, visant en 2000 à tromper l'Iran et retarder son programme militaire en lui fournissant les plans erronés d'une arme nucléaire. Cependant elle semble avoir été un échec car les Iraniens auraient été informés des erreurs par l'intermédiaire russe de la CIA : elle aurait même accéléré les choses car l'Iran en aurait extrait des informations capitales, notamment en comparant les plans à ceux fournis par Abdul Qadeer Khan.

D'autres opérations indirectes de ce genre (sabotages, fausses informations...), visant à ralentir le programme ou à l'égarer dans de fausses directions, auraient été menées depuis, notamment grâce au retournement de certains membres du réseau Khan.

Des preuves irréfutables ?

Mohamed El-Baradei, directeur général de l'AIEA, déclarait en 2006 :
As you are aware, the Agency over the last three years has been conducting intensive investigations of Iran´s nuclear programme with a view to providing assurances about the peaceful nature of that programme. During these investigations, the Agency has not seen indications of diversion of nuclear material to nuclear weapons or other nuclear explosive devices. Regrettably, however, after three years of intensive verification, there remain uncertainties with regard to both the scope and the nature of Iran's nuclear programme.
Donc pas de preuve formelle, mais des incertitudes...

Incertitudes qui reposent sur des découvertes "étonnantes" réalisées par les inspecteurs de l'AIEA, notamment sur le site de Natanz après 2003 : traces d'uranium enrichi au-delà de 5%, document décrivant comment constituer des hémisphères d'uranium (dont l'application unique est la fabrication d'une arme)... mais également sur le suivi assez scrupuleux des avancées réalisées par l'Iran, comme en témoignerait le briefing d'Olli Heinonen devant l'AIEA, détaillant les "projets" en cours, et notamment le 111, censé permettre l'adaptation d'une arme nucléaire sur le Shahab-3.


Aujourd'hui, un peu plus de trois ans après les propos d'El-Baradei rapportés ci-dessus, comme le signale The Guardian, les incertitudes se sont transformées en doutes très sérieux : l'annexe d'un rapport de l'AIEA fait mention d'essais réalisés par l'Iran relatifs à des ogives à "double implosion". Celles-ci permettent de réduire la taille de l'arme et facilitent son adaptation aux missiles balistiques, comme les Shahab-3.

Par le passé, d'autres rapports de ce genre concernant des dispositifs de mise à feu ont été rejetés par l'Iran, ce dernier affirmant que toutes ses expérimentations avaient des applications purement civiles, sans pour autant indiquer lesquelles. Et El-Baradei lui-même a toujours fait preuve de scepticisme quant aux informations transmises par les services de renseignement occidentaux, qui servent souvent de sources aux rapports de l'AIEA. Mais là, il semble bien que quelque chose soit différent. Ainsi, il indique que la preuve (ou du moins la présomption) de la militarisation
...appears to have been derived from multiple sources over different periods of time, appears to be generally consistent, and is sufficiently comprehensive and detailed that it needs to be addressed by Iran.
En filigrane se profile la question du partenaire de l'Iran sur ce dispositif, car il semble peu probable qu'il ait agi totalement seul : les restes du réseau de Khan, ou un autre acteur de la prolifération ? En septembre dernier, un homme d'affaires Germano-iranien a été reconnu coupable par la justice allemande de vente d'équipement dual (détecteurs de radiations, caméras haute vitesse...), ayant des applications potentielles dans la mise en oeuvre d'armes nucléaires.

Bref, les indices tendant à montrer que l'Iran cherche à se rapprocher et se rapproche du seuil nucléaire. D'autant que dans le domaine du vecteur, comme on l'a vu plus tôt cette année, l'Iran, probablement grâce à la Corée du Nord, a réussi la mise en oeuvre de lanceurs à plusieurs étages, nécessaires aux missiles intercontinentaux. La tension sur le front diplomatique est donc à son comble en cette fin 2009, d'autant que les négociation relatives au transfert d'uranium faiblement enrichi iranien à l'extérieur du pays (Russie puis France) pour la fabrication du combustible civil semblent avoir échoué...

4 - Conclusion

Pas de preuves définitives, mais de très sérieuses présomptions. Toujours est-il que la révélation officielle d'un programme nucléaire militaire et surtout du franchissement du seuil nucléaire par l'Iran aurait des effets dévastateurs dans tout le Moyen-Orient. Pas seulement en Israël, qui dans sa doctrine interdit le nucléaire à tous ses voisins qui ne reconnaissent pas son existence légitime. Mais également dans les pays arabes, pas forcément ravis, pour plusieurs raisons, par une nouvelle de ce genre.

Et bien sûr, il s'agirait d'un camouflet pour le Conseil de Sécurité, mais aussi pour les USA, jugés alors incapables de faire entendre leur voix, par la voie diplomatique, face à un état qui leur tient tête. Quitte à ce qu'il inspire d'autres candidats officieux à l'arme nucléaire.

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samedi 14 novembre 2009

La tournée "asiatique" de Barack Obama

Les médias se font l'écho de la tournée actuelle de Barack Obama en Asie. Quels pays va-t-il visister ? C'est simple : le Japon, Singapour, la Chine et la Corée du Sud.

A cette occasion, les "Obama veut renforcer les liens entre les Etats-Unis et l'Asie" fleurissent (voir ici notamment).

Comme je l'ai déjà souligné, de même qu'Olivier Kempf sur l'Alliance Géostratégique, il s'agit encore d'un abus de langage ultra-simplificateur, puisqu'en guise d'Asie, il s'agit plutôt de l'extrême Est de ce continent majuscule...qui en contient certes les deux plus grandes puissances économiques actuelles.

Évidemment la Chine et le Japon sont dans l'opinion publique les deux figures les plus évocatrices de l'Asie, mais les journalistes pourraient faire un effort minime, quitte à parler d'Asie de l'Est. Voire d'Asie-Pacifique, dans la mesure où c'est bien d'un pendant aux relations transatlantiques dont il s'agit, même si la nature des liens entre les Etats-Unis et ces pays n'est pas la même qu'avec l'Europe.

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vendredi 13 novembre 2009

[Le blog de la semaine] : Actu Défense

Cette semaine, je rajoute à ma blogroll Actu Défense, le blog du jeune Romain Mielcarek, qui traite comme son nom l'indique de l'actualité de défense, qu'il s'agisse d'armements, de technologie, de géopolitique ou des conflits actuels.

Sa publication d'article est quasi quotidienne depuis fin mai 2009 avec un certain tropisme vers la vie des forces armées, et notamment l'Afghanistan, actualité oblige.

Je reproduis ici une partie de sa "lettre de mission" :
Alors les questions de Défense doivent-elles rester simplistes pour le grand public ou élitistes et réservées à un public averti ? Je ne crois pas. Il me semble que le lien Armée-Nation passe également par l'information. Plus que par l'information, il passe par la découverte, la curiosité et pourquoi pas l'émerveillement ? Beaucoup d'entre nous, jeunes ou vieux, ont un jour rêvé de porter un bel uniforme ou de piloter un avion de chasse. Pour d'autres, l'attitude martiale ou l'usage des armes sont une plaie. Pourtant nous pouvons tous avoir des questions à poser sur les armées françaises, européennes ou étrangères, sur les hommes qui les composent et leur quotidien ou sur les causes et le déroulement des conflits.

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jeudi 12 novembre 2009

[Le B.A.-BA] : la CIEEMG

Alors que le procès de l'Angolagate a livré ses conclusions, en attendant l'appel, je souhaite revenir sur un dispositif qui est au coeur des exportations d'armements en France, à savoir la Commission Interministérielle pour l'Étude des Exportations de Matériel de Guerre (CIEEMG).

Créée dans sa forme actuelle en 1955, elle a pour missions, comme indiqué dans les textes officiels :
  1. D'examiner les demandes d'autorisation relatives à la fabrication et à l'exportation des matériels de guerre à l'étranger et de donner un avis motivé sur lesdites demandes
  2. D'étudier l'orientation à donner à la politique de fabrication des matériels de guerre pour l'étranger et les moyens d'agir sur le volume et la qualité des fabrications et exportations
Placée sous l'autorité du Premier Ministre, elle est composée des membres suivants qui se réunissent tous les quinze jours, examinant ainsi plusieurs milliers de dossiers par an :
  • Le secrétaire général de la défense nationale (SGDN, rattaché à Matignon) ou son représentant, président
  • Un représentant du ministre des affaires étrangères
  • Des représentants du ministre de la défense nationale et des forces armées (état-major des forces armées, direction des services financiers et des programmes)
  • Un représentant du ministre des finances et des affaires économiques
  • Si pertinent, un représentant pour tout ministère/secrétariat d'état concerné (intérieur...)
En clair, elle donne un avis sur toute démarche commerciale (présentation d'une offre, essai, proposition commerciale, prise de commande...) d'un industriel français de la défense envers un pays étranger. Elle traite aussi bien les agréments préalables (accord écrit donné par le Premier Ministre à toute personne ou organisme public ou privé qui désire effectuer l'exportation de biens et prestations soumises à la législation des matériels de guerre) que les Autorisations d'Exportations (AEMG, nécessaires au franchissement physique des frontières) en elles-mêmes, et s'occupe également des dérogations (cas des pays en guerre notamment). Bien sûr elle n'est pas décisionnaire, mais aide plutôt le SGDN et donc le Premier Ministre, autorité de décision dans le domaine des exportations. Ses travaux s'appuient sur des expertises techniques réalisées par des intervenants de différents ministères : DGA/DDI pour le matériel en lui-même, DAS et DGSE pour les aspects liés au renseignement, Quai d'Orsay pour les aspects diplomatiques, Finances pour la dimension financière...

En cas de désaccord entre ministères, des arbitrages de plus haut niveau (cabinets des ministres et ministres) peuvent être réalisés.

Un Rafale, dont l'exportation se fait attendre
crédits : interet-general.info

Voici un extrait du Journal intime de marchand de canons, roman de Philippe Vasset, concernant la commission :
Présidé par le Premier Ministre (sic) , le (sic) CIEEMG contrôle toutes les ventes d'armes françaises à l'étranger : son autorisation est nécessaire pour faire une proposition commerciale, a fortiori pour signer un contrat. C'est un processus extrêmement bureaucratique, mais qui, en raison du secret qui l'entoure et du nombre relativement élevé de ministères concernés (Défense, Affaires étrangères, Finances), laisse une assez large place au lobbying. On peut intervenir soit auprès des experts qui vont rédiger les recommandations pour les membres du comité, soit directement au niveau ministériel : le soutien d'un politique est alors préférable. L'exercice demande beaucoup de doigté : il faut rester le maître d'un circuit de décision auquel on ne participe absolument pas, tout en apparaissant humble et responsable.
***

Voir également :

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mercredi 11 novembre 2009

14-18 : le bruit et la fureur

Alors que nous célébrons aujourd'hui le 91ème anniversaire de l'armistice de 1918, je signale que 14-18 : le bruit et la fureur est toujours disponible en DVD.



Ce film a été réalisé avec le soutien du Ministère de la Défense :

Tout n’a pas été dit sur la "Der des ders", l’histoire de cette immense tromperie, de ce gâchis infini. Loin de là.

Ce film a pour ambition d’expliquer l’inexplicable, comment des dizaines de millions d’hommes ont-ils pu supporter la dureté inouïe de la vie des tranchées pendant 4 ans, saisons après saisons, jour après jour, nuit après jour ?

Comment ont-ils accepté la perspective d’une mort ou d’une blessure quasi certaine alors qu’ils ne savaient pas clairement pourquoi ils se battaient ?

Ce que vous allez voir peut paraître fou : la Grande Guerre a été entretenue par un consentement général.

Cette oeuvre cinématographique se pose à la limite du documentaire et de la fiction (sans clairement l'afficher ?), de par le parti pris du narrateur omniscient et inventé, alors que des témoignages directs existent, mais également à cause de la sonorisation de certaines images. Lors de sa diffusion en prime time sur France 2, il avait, au milieu d'un concert de louanges assez large, fait couler un peu d'encre (voir notamment ici ou ), notamment en raison de la thèse de la "guerre par consentement général" qu'il défend.

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mardi 10 novembre 2009

Manoeuvres terrestres

Selon la Tribune datée du 29 octobre, le ministère de la Défense met la pression sur Thales pour que le systémier prenne le contrôle de Nexter, anciennement GIAT. Le DGA Laurent Collet-Billon a ainsi plaidé devant les députés pour la consolidation d'un pôle français de l'armement terrestre, et a rappelé que l'ancien PDG Denis Ranque avait une ambition forte de positionner son groupe comme le leader de l'intégration des systèmes terrestes et navals. Reste à voir ce que va faire Luc Vigneron, successeur de Raque et ancien PDG de... Nexter. D'autant que le feu vert de Dassault, actionnaire industriel de référence de Thales, et plutôt présent dans l'aéronautique, n'est pas acquis.



Reste que Nexter, fabricant du FA-MAS et du Leclerc, partie prenante du programme FELIN et, de même que Thales, de la future BOA (Bulle Opérationnelle Aéroterrestre), même avec ses bénéfices et son carnet de commandes plutôt rempli, garde une taille relativement modeste qui freine son développement international. Outre un rapprochement avec Thales, d'autres hypothèses d'alliances sont envisagées afin d'y pallier :
  • L'intégration par Nexter de TDA, l'ancien Thomson Armement, aujourd'hui propriété de... Thales
  • La piste de l'Allemand Rheinmetall (véhicules et armement terrestres)
  • Des coopérations avec le Belge FN Herstal (fusils, mitrailleuses, pistolets) sur le petit calibre, afin d'éviter une perte de savoir-faire chez Nexter
La France sur ce dossier essaie de jouer la bonne élève de l'UE en montrant des bonnes dispositions en faveur d'une rationnalisation de la Base Industrielle de Défense de niveau européen, du moins pour le terrestre. Il faut dire que depuis les achats réalisés par General Dynamics puis Bae Systems au début des années 2000, il reste une certaine marge de manoeuvre pour des rapprochements entre champions nationaux.

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lundi 9 novembre 2009

20 ans après la chute du mur, de Pierre Verluise

Pour marquer le 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin, je signale l'ouvrage de Pierre Verluise, 20 ans après la chute du mur, l'Europe recomposée (264 pages, Éditions Choiseul).


En voici le quatrième de couverture :

Le 9 novembre 1989, une foule immense abattait le mur de Berlin, symbole d’un monde bipolaire. Mstislav Rostropovitch jouait les Suites de Bach, les caméras du monde entier étaient braquées sur l’Allemagne, un vent de liberté soufflait.
Aujourd’hui, la Guerre froide n’est plus qu’un lointain souvenir. L’Union soviétique a disparu, les États-Unis sont devenus la seule puissance globale et la géopolitique de l’Europe a été révolutionnée.

Vingt ans ont suffi à opérer de profonds changements dans les relations internationales. Des stratégies déployées par les États-Unis pour défaire le bloc soviétique, à l’émergence d’une Union européenne rassemblant vingt-sept états, cet ouvrage révèle les aspects les plus méconnus du chemin parcouru : jeux américain et russe, ambiguïtés de la relation franco-allemande, enjeux des élargissements de l’OTAN, intégration d’anciens pays communistes à l’Union européenne.
A travers de nombreux témoignages et entretiens recueillis par l’auteur, qui marquent l’originalité de cet essai, Pierre Verluise dégage les lignes de force de la saga européenne. Il nous donne les clés pour comprendre les enjeux et les perspectives de l’Europe du XXIe siècle.
L'auteur se pose en témoin et observateur des bouleversements géopolitiques observés en Europe après la chute du mur et la fin de la Guerre Froide. La retranscription de nombreux entretiens donne au livre un ton assez inédit et contribue à rendre vivant et concret le déroulement de ces évènements majeurs.

La première partie revient sur les stratégies américaine et russe particulièrement durant la période Gorbatchev, menant à l'effondrement du bloc de l'Est et de l'URSS. L'auteur décrit ainsi ce "moment américain" marqué par la période difficile traversée par la Russie post-soviétique ainsi que l'élargissement de l'OTAN à des anciens pays communistes, et les interférences que cela provoque avec la construction européenne.
La deuxième est entièrement consacrée au couple franco-allemand, et illustre notamment les erreurs commises par la France, son retard à l'allumage au moment de la réunification, ainsi que ses défauts d'appréciation du nouveau contexte géopolitique européen, marqué par l'entrée dans l'UE de pays fortement atlantistes.
Enfin, la troisième et dernière partie revient sur les défis qui attendent l'Union Européenne :
  • élargissement, avec le dossier turc et la question des Balkans, mais aussi l'Ukraine et la Moldavie, voire la Russie, posant ainsi la question de la limite de l'UE
  • question du budget, reflet des ambitions de l'Union
  • place de l'Europe dans le monde, notamment face aux États-Unis, à la Chine et la Russie
Un livre à lire, ne serait-ce que pour son approche très et pour les éléments peu connus, sinon inédits qu'il révèle sur la géopolitique européenne depuis une vingtaine d'années.

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samedi 7 novembre 2009

Bilan d'octobre du blog

Quelques bonnes nouvelles pour ce mois d'octobre, puisque mon blog progresse à la 1957ème place du classement général de Wikio (874ème dans la catégorie "Divers"), et qu'à l'occasion de la dernière Google Dance, son PageRank est passé à 4.

La fréquentation est également en progression puisque le nombre de visites avoisine les 3700 (3200 en septembre) et le nombre de pages vues les 6000 (5200 en septembre). Les abonnés au flux RSS sont quant à eux 120 en moyenne par jour.

Cependant la principale nouveauté est bien sûr mon intégration à l'Alliance Géostratégique à l'invitation de cette dernière.

Merci encore à tous, pour la reconnaissance des efforts que ce blog représente !

J'essaie de préparer quelques surprises pour la fin de l'année...

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[Le blog de la semaine] : Armée du futur

Cette semaine, je rajoute à ma déjà longue liste la blog Armée du futur, tenu par des membres de l'ANAJ de l'IHEDN, et plus précisément de son comité "armée du futur".
Il a repris du poil de la bête depuis début septembre, et il propose des articles et fiches de lecture mais met surtout en avant le bulletin mensuel de veille également nommé Armée du futur, qui aborde un nombre assez conséquent de sujets.

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vendredi 6 novembre 2009

Skype inquiète l'Inde

Les services de renseignement indiens auraient demandé, selon la presse locale, au gouvernement d'interdire l'utilisation en Inde du logiciel de téléphonie et messagerie instantanée Skype.


Ils sont inquiets des moyens "grand public" pouvant être mis à profit par des terroristes pour communiquer et coordonner des attaques, à l'approche de l'anniversaire de l'attentat de Bombay, à l'automne 2008. J'invite le lecteur à se reporter à l'article "Guide du terroriste urbain" de Charles Bwele sur Alliance Géostratégique pour une description plus détaillée de ces moyens.


Toujours est-il que Skype, par le chiffrement des communications qu'il utilise, est difficile à surveiller. On se souvient que les États-Unis s'y étaient déjà cassé les dents. Certaines sources indiquent que depuis Skype a accepté de partager ses codes avec eux, et même avec la Chine...mais toujours pas avec l'Inde.

Devant le refus de la société basée au Luxembourg de livrer ses clés de cryptage, les services indiens veulent donc carrément bloquer le logiciel sur le sol national. La loi indienne autorise le gouvernement à accorder des licences et à intercepter tout type de communication téléphonique. Mais tout n'est pas si simple dans le cas de prestataires basés à l'étranger. Problème supplémentaire, Skype est extrêmement populaire parmi la population indienne, et notamment au sein des classes supérieures, qui envoient leurs enfants étudier à l'étranger, et apprécient donc de profiter de la messagerie/téléphonie gratuite sur Internet. D'autant que ce serait un signal envoyé à tout un pan extrêmement dynamique de l'industrie hi-tech indienne.

L'an dernier, une affaire similaire avait eu lieu avec RIM, qui produit et opère le fameux BlackBerry.

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jeudi 5 novembre 2009

Classements des universités de Shanghai : ça coince toujours pour la France

Malgré une légère progression, c'est encore une fois la soupe à la grimace pour les universités françaises dans le dernier classement mondial réalisé par l'université Jiao Tong de Shanghai.


Force est de constater qu'année après année, ce classement gagne en reconnaissance et en popularité, mais que dans l'Hexagone, il continue à irriter. Regardez plutôt : Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI), première représentante française, arrive 40ème (2 places de mieux qu'en 2008). Paris-Sud (Paris-XI) progresse de 6 places et se classe 43ème place, faisant un bond assez exceptionnel. L'Ecole normale supérieure (ENS), notre fleuron national, se contente du 70ème rang. Alors certes, il est important de noter, comme le rapporte Le Monde, que la progression de notre "trio de tête" depuis le premier classement de 2003 est de 25 à 30 places. Et globalement, la France est 5ème nation en plaçant 23 universités dans les 500 premières.

Les critères de classement, discutables, reposent exclusivement sur les aspects liés à la recherche, en privilégiant les universités versées dans les disciplines scientifiques et le management, au détriment d'autres champs académiques. La note est ainsi composée de la façon suivante :
  • Nombre d'anciens étudiants ayant obtenu un Prix Nobel ou la Médaille Fields (10%)
  • Nombre de chercheurs ayant obtenu un Prix Nobel ou la Médaille Fields (20%)
  • Nombre de chercheurs figurant dans les listes des "chercheurs les plus fréquemment cités" de l'Institute for Scientific Information (ISI) sur 21 domaines (20%)
  • Nombre d'articles publiés dans Nature et Science (20%)
  • Scores au Science Citation Index et au Social Sciences Citation Index, eux aussi issus de l'ISI (20%)
  • Performance académique par tête calculée sur la base des indicateurs précédents (10%)
Sans surprise, les universités US confisquent les premières places : Harvard, Stanford et Berkeley forment le trio de tête, tandis que Cambridge (4ème), Oxford (10ème) et l'Université de Tokyo (20ème) sont les seules non-américaines du top 20. Sur les 100 premières, 55 sont ainsi issues de la première puissance mondiale ! C'est assez normal, dans la mesure où l'un des objectifs des créateurs de ce classement était d'étalonner les universités chinoises par rapport aux américaines.

Les critères sont intrinsèquement de nature à favoriser la langue anglaise, et, mais c'est voulu, ne traitent absolument pas d'un des objectifs principaux d'une université, à savoir l'enseignement et le devenir des étudiants (hormis évidemment ceux qui gagneraient un Prix Nobel ;-)). En France, pays du fractionnement du supérieur, où une bonne partie de la recherche, même publique, est réalisée en dehors des universités (CNRS, CEA, INRIA...), on part forcément défavorisés ! Et ne parlons même pas de nos grandes écoles : Polytechnique et autres HEC sont loin...

*

J'en avais déjà parlé, l'Ecole des Mines de Paris, partiellement en réaction au classement de Shanghai, a défini le sien, dont le critère exclusif est le nombre d'anciens élèves devenus patrons d'entreprises du Fortune 500 (500 plus grandes entreprises mondiales selon Forbes). Et là, étant donné le système académique français et la façon dont marchent nos plus grosses entreprises, HEC, l'ENA, Polytechnique, Sciences Po et les Mines de Paris se retrouvent toutes dans les vingt premières.

Les points servant au classement sont divisés entre les différents établissements du parcours d'un patron donné. Ainsi par exemple Carlos Ghosn, patron de Renault, donne 0,5 point à l'Ecole Polytechnique et 0,5 point au Mines de Paris, car il est X-Mines. Dans le cas des Grands Corps Techniques de l'État, cette approche est discutable dans la mesure où la base de recrutement est quasiment réduite à l'École Polytechnique. Et c'est bien normal car il s'agit d'écoles d'application. Ainsi, pour le Corps des Mines, avant sa fusion avec celui des Télécoms, il y a chaque année une douzaine d'élus dont un seul est issu des Mines de Paris (cursus ingénieur civil), un autre de l'ENS, et tous les autres de Polytechnique. Une telle formation est plus un prolongement spécifique de Polytechnique qu'une offre totalement maîtrisée par l'École des Mines de Paris.

*

L'exemple des classements, au-delà des polémiques qu'il provoque, est là pour montrer que l'éducation et la recherche sont des enjeux majeurs de compétition (mais également d'alliance) entre les états, et donc touchent à la géopolitique.

*

Voir également : Les écoles d'ingénieurs forment-elles encore des ingénieurs ?

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