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Mon Blog Défense

vendredi 29 janvier 2010

La flotte de la Baltique ne se renforce pas par Patriot-isme !

Alors que Varsovie projette de déployer les Patriot américains près de la frontière russe (près de la ville de Morag et non dans la banlieue de Varsovie comme prévu initialement), RIA Novosti avait initialement rapporté que la flotte de la Baltique allait être renforcée par des missiles de haute précision en guise de réponse. Avant de se raviser quelques heures plus tard, citant un porte-parole du ministère de la défense :
Les informations relatives au renforcement de toutes les composantes de la flotte de la Baltique suite aux projets de Varsovie de déployer des missiles américains Patriot à proximité de la frontière russo-polonaise ne correspondent pas à la réalité.
Toutes les mesures de réarmement et de modernisation des flottes russes, notamment de celle de la Baltique, sont réalisées d'une façon planifiée, conformément au programme d'État pour les armements.
Quoiqu'il en soit, des tensions sont à prévoir entre Pologne, USA, OTAN d'un côté et Russie de l'autre, d'autant que début janvier Varsovie annonçait la la mise en service d'ici 2012 d'une base militaire sur la Baltique, destinée à protéger le pays contre une attaque ennemie, et notamment équipée de missiles NSM.


A lire également dans RIA Novosti, une courte analyse d'Ilya Kramnik sur la nécessaire modernisation de la flotte russe, notamment en mer Baltique :
Malheureusement, le rythme de dotation de la flotte dans son ensemble (et non seulement de celle de la Baltique) est loin d'être conforme aux plans jadis annoncés et, à plus forte raison, à ses besoins.
[...]
Le nombre insignifiant de navires en construction prend une dimension plus réduite encore si l'on se souvient que la Russie possède quatre flottes éloignées l'une de l'autre et que chacune attend d'être complétée par de nouveaux navires, sans parler de la flottille de la Caspienne, mer fermée.
[...]
Dans cette situation, il est évident que les volumes des achats ne permettent nullement de compenser le retrait du service du matériel obsolète, il est donc indispensable de moderniser les systèmes existants, y compris les navires et les sous-marins de la Marine de guerre, en les dotant d'armements modernes pour prolonger leur durée de vie.
[...]
Avant tout, du point de vue théorique, il convient d'adopter une nouvelle doctrine militaire et, en se basant sur des dispositions précises, donner une réponse nette à la question de savoir quels sont les systèmes d'armements vraiment nécessaires à l'armée, et en quelles quantités. D’autre part, ces chiffres ne doivent pas rester un sujet de discussion de couloir, ils doivent être rendus publics, comme cela est pratiqué dans les pays de l'OTAN qui publient régulièrement des prévisions en matière de défense où sont analysées les menaces éventuelles, ce qui permet de déterminer la future image des forces armées.

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jeudi 28 janvier 2010

Online Security Jam du 4 au 9 février

Avis aux amateurs, Security & Defence Agenda, think-tank de défense bruxellois, organise du 4 au 9 février une jam session en ligne, mobilisant des participants prestigieux autour de sujets comme le réchauffement climatique, l'Afghanistan ou les droits de l'homme. Voici une petite présentation de l'évènement, organisé avec le soutien de la Commission Européenne et de l'OTAN.

***

The online Security Jam – a chance to pitch some ideas to the top

You may not be able to pick up the phone and call the head of NATO or the European Commission, but at the beginning of next month you’ll have your chance to do the next best thing – and pitch your ideas - when you log on to the online brainstorm session, the Security Jam that’s being held online from 4th to 9th February.

Even better, the Security Jam will give you wider opportunity to make your voice heard – because not only will senior VIPs from NATO, the European Commission and host of major stakeholders be talking it up online, but you’ll also be able to share your ideas and security concerns with literally thousands of participants who, like you, will be contributing to a wide range of security-related discussions.

Climate Change, Human Rights and Development will be key topics, as well as core security areas such as Crisis Management, Piracy, Afghanistan, Relations with Russia & China etc…

Discussions will be moderated by key individuals, and there will be a guaranteed online presence of senior VIP figures such as:
  • Ambassador Kai Eide, United Nations Special Representative to Afghanistan
  • Carl Bildt, Swedish Foreign Affairs Minister
  • Josette Sheeran, Executive Director of the United Nations World Food Programme
  • José Manuel Barroso*, European Commission President
  • General Håkan Syrén, Chairman of the European Union Military Committee
  • Admiral Giampaolo Di Paola, Chairman of the Military Committee, North Atlantic Treaty Organisation (NATO)
  • Jaap de Hoop Scheffer, Former NATO Secretary General
  • Ambassador Marc Perrin de Brichambaut, Secretary General of the Organization for Security and Co-operation in Europe (OSCE)
  • Paul Collier, Professor at Oxford University, author of 'The Bottom Billion'
  • Admiral Mark Fitzgerald, Commander of the Joint Force Command Naples & US Naval Forces in Europe
  • Mark Pyman, Director of the International Defence and Security Programme at Transparency International
  • Kenneth Roth, Executive Director of Human Rights Watch
  • Miroslav Lajcák, Slovak Foreign Affairs Minister
  • Fernando Perpiñá-Robert Peyra, Secretary General of the Club of Madrid, member of the NATO Group of Experts on new Strategic Concept
  • Mark Laity, Chief for Strategic Communications, NATO (SHAPE)
  • General Henry Anyidoho*, Acting Joint African Union – United Nations Special Representative for Darfur
  • Wahu Kaara, Nobel Peace Prize Nominee, Kenyan Social Justice Activist and Former Ecumenical Coordinator for the Millennium Development Goals
  • Jacqueline McGlade, Director of the European Environment Agency (EEA)
  • Anders Fogh Rasmussen*, NATO Secretary General
*to be confirmed

And the results? The best and most practicable ideas for improving global security will be put forward as important contributions to the new strategic concepts being prepared by NATO and the EU, both of which are official supporters of this highly original event.

How to get involved?

Registration to the Jam is mandatory, see online at www.securityjam.org

Just register online, and you’ll get your 5-day pass to log on and log off the jam at your convenience. The programme will be published before the event and updated during it, so all you need to do is check the website to see who’s on and at what time.

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mercredi 27 janvier 2010

Focus Stratégique n°11 Bis : La Transformation, pour quoi faire ?

Je signale la parution du Focus Stratégique numéro 11 bis de l'IFRI, contenant la traduction de l'article de John Gordon (ancien de l'US Army, analyste de la RAND), "Transforming for what? Challenges Facing Western Militaries Today", initialement publié en novembre 2008.


John Gordon

En voici l'argument :
Le terme de « transformation » est fréquemment employé au sein des cercles militaires occidentaux, notamment aux États-Unis. Les forces armées de la plupart des pays démocratiques demeurent toutefois confrontées à la question suivante : en vue de quels types de missions se transforment-elles ? Examiner cette question déterminante suppose de se focaliser sur la nature des opérations les plus probables à court terme, puis sur leurs implications pour des forces armées occidentales engagées dans la préparation de l'avenir.
En une vingtaine de pages, l'auteur revient donc sur la définition de transformation, dresse un cahier des charges à destination des armées occidentales issu d'une synthèse du contexte stratégique (dans lequel apparaissent la Russie, la Chine, le Moyen-Orient et les conflits "irréguliers" ainsi que la réduction de taille des forces) et enfin résume les principaux types d'opérations (plus ou moins) envisageables dans le futur (stabilisation, reconnaissance-frappe, confrontation face à des puissances régionales nucléaires...).

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mardi 26 janvier 2010

L'USAF réfléchit à ses technologies pour 2030

Les scientifiques de l'USAF ont réalisé une petite étude d'anticipation des technologies à maîtriser opérationnellement par l'Armée américaine en 2030. Pas de scoop ni de focus trop spécifique, mais plutôt quelques thèmes et tendances clés. Avec pour objectif une orientation des efforts financiers (et aux USA, cela signifie quelque chose !) offrant le meilleur retour sur investissement, sur le terrain.

Un X-51 de Boeing

Ainsi, les éléments clés qui se dégagent sont les suivants :
  • Systèmes composables à la demande : réduire la part d'équipements développés de bout-en-bout pour un unique objectif défini à l'avance, en développant des briques plus élémentaires, interopérables et réutilisables. Ceci permettrait de diminuer considérablement la durée du cycle besoin terrain - livraison d'un système répondant à 80% du cahier des charges. Finalement dans l'esprit COTS/GOTS
  • Drones aériens : gagner en autonomie et en taille, l'Air Force Research Laboratory positionnant le premier Micro Air Vehicle (de la taille d'un insecte) opérationnel autour de 2015, pour une utilisation principalement urbaine
  • Vitesses hypersoniques : permettre aux missiles, puis aux véhicules ISR, d'évoluer à Mach 5 et au-delà pendant une durée suffisante. L'enjeu est de conserver une température acceptable au sein du moteur, afin d'éviter la fusion des matériaux qui le composent. Ceci est possible grâce au scramjet, ou statoréacteur à combustion supersonique. Dès février, le premier vol du X-51 de Boeing permettra de voir où en est ce type de technologie
  • Automatisation : réduire le temps de prise de décision ainsi que le nombre d'humains nécessaires au sein d'un CAOC (Combined Air Operations Center, en charge de la programmation, du contrôle et de l'évaluation des missions aériennes sur une région donnée). Il s'agit là ni plus ni moins qu'une accentuation des efforts NCW...
En somme, l'USAF souhaite mettre l'accent sur certains thèmes qui sont déjà d'une manière ou d'une autre sur la table. Une façon de montrer qu'on ne s'est pas trompé ?

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lundi 25 janvier 2010

Le triangle institutionnel européen et le Traité de Lisbonne

Thibault Lamidel (étudiant en droit) nous livre une petite analyse de l'effet de l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne sur le triangle institutionnel européen. Cet article est publié simultanément sur le site de l'Alliance Géostratégique.

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Le triangle institutionnel ou triangle décisionnel désigne les trois institutions principales au cœur de la gouvernance de l'Union Européenne. A savoir la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne (on préférera l'expression aussi usitée de Conseil des Ministres). Ce triangle ne saurait exister sans la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) qui joue le rôle d'arbitre équilibrant les rapports institutionnels dans l'Union (« l'équilibre institutionnel », à valeur constitutionnelle).

Petit retour en arrière historique

La construction institutionnelle de l'Europe, au centre de laquelle il se trouve, commence réellement par le Traité de Paris en 1951. Il s'en suit l'apparition des premières communautés : la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) en 1952, la Communauté Européenne de l'Energie Atomique (Euratom) en 1957. Et enfin, le traité de Rome de 1957 qui instaure la Communauté Économique Européenne (CEE).

Dès lors le besoin se fait sentir d'organiser ce tout pour gouverner au mieux. A leur création, les communautés disposaient chacune de leurs structures de gouvernance. Un mouvement s'opère alors pour les rapprocher sous un ensemble unique. L'aboutissement final en est le traité de Bruxelles de 1965. Le Parlement, la Commission, le Conseil des ministres et la Cour de Justice deviennent le sommet de la construction européenne balbutiante.

La chose aurait pu être une simple amélioration dans le but d’atteindre une plus grande efficacité. Mais cela ne fut pas si anodin. Comme le dit Robert Schuman le 9 mai 1950 : « Ainsi sera réalisée simplement et rapidement la fusion d'intérêts indispensables à l'établissement d'une communauté économique et introduit le ferment d'une communauté plus large et plus profonde ». C'est un discours politique, certes, mais sans avoir à lire entre les lignes, le postulat d'une « Union sans cesse plus étroite » est posé. L'ambition des pères fondateurs européens ne se limitaient déjà plus à la seule économie. Ce qui permet de dire deux choses. La première est qu'il existait dès l'origine la volonté d'une construction politique. Deuxièmement, au vu de la déclaration ci-dessus, il est difficile de croire de « bonne foi » que certains pays « européens » aient sous-estimé l'ampleur de l'ambition et du phénomène de construction européenne.

Ce rapide passage historique permet de replacer le triangle institutionnel européen dans son contexte. C'est l'instrument de gouvernance d'une « fédération d'États-nations ». Il peut donc être intéressant de voir ce que le Traité de Lisbonne apporte à ce triangle. Ce qui sera aussi l'occasion d'essayer de pousser un peu la réflexion pour l'avenir.

Les organes parlementaires de l'Union Européenne

Le Parlement est le représentant des populations des États membres. L'article 14-2 du Traité de Lisbonne indique qu'un État ne peut avoir moins de 6 députés ou plus de 96. Cette disposition n'est pas encore entrée en vigueur car les députés actuels furent élus avant sa mise en application. Par ailleurs, malgré le traité, cette représentation n'est pas tout à fait proportionnée aux populations. Les « petits États » sont toujours considérés comme sur-représentés. Un député de Malte n'a pas le même « poids » en voix qu'un député de Pologne. C'est une légitimité populaire qui reste encore trop influencée par une représentation indirecte des États membres.

C'est problématique puisque c'est le rôle du Conseil des ministres. Cet organe représente les États membres. L'assemblée qui constitue son cœur est appelé COREPER ou Comité des Représentants Permanents. Les États disposent dans ce comité d'un nombre de voix pondérés par leur population, leur économie et leur pouvoir politique. C'est une représentation assez complexe (a contrario, le Sénat américain qui représente les États fédérés le fait avec deux sénateurs par État). Ce comité prépare les travaux du Conseil des ministres. Ce dernier est constitué des ministres des États membres selon le dossier (affaires étrangères, agriculture, etc...). Tandis que l'on assimile le Parlement européen à notre Assemblée Nationale, il faudrait se représenter le Conseil des ministres comme une sorte de seconde chambre parlementaire doté de sous-chambres (réunion en conseil des affaires étrangères par exemple). Et il faut préciser que cette seconde chambre aux formations nombreuses est dirigée par une présidence tournante attribuée à un nouveau pays (par ordre alphabétique) tous les six mois. Pour simplifier, le COREPER est le premier lieu de vote sur chaque sujet ; en cas de désaccord c'est le rôle des ministres de trancher.

Le traité actualise la répartition des votes des États dans le COREPER. Et l'instauration prochaine de la « double majorité » (65% des États membres représentant au moins 55% de la population de l'Union) en son sein (l’ancien système réclamait une majorité supérieure aux deux tiers). C'est une évolution qui bouleversera la vie de l'Union seulement quand la double majorité sera effective. Elle "entrerait" en vigueur en 2014 (contrebalancée par un compromis institutionnel, dit de Ioannina).

La mission des deux chambres est d'édicter la norme communautaire. Le traité modificatif renforce l'utilisation de la co-décision qui devient la procédure par défaut. Cette procédure est assimilable au vote d’une loi en France. A la différence fondamentale qu'une chambre du Parlement ne peut pas avoir le dernier mot (en France, l'Assemblée a le dernier mot).

Le traité ne change pas la « double casquette » du Conseil des ministres. A la fois Conseil des ministres et deuxième chambre, à la fois représentant partiel des populations et des États membres, il aurait pu être sur une position tenable. En effet, l'Union n'est pas un État. Mais c'est la reconnaissance du Conseil Européen qui bouleverse un peu la donne dans le triangle.

Le Conseil Européen

C'est une formation des chefs d'États et de Gouvernements qui existe depuis 1961. Formalisé en 1974 par le président Valéry Giscard d'Estaing. Le traité de Maastricht lui reconnaît le rôle « d'impulser la politique générale » de l'Union. Sa présidence était assurée jusqu'alors par la présidence tournante du Conseil des ministres. Le traité de Lisbonne induit des changements majeurs.

Le premier est que la présidence du Conseil Européen devient distincte de celle du Conseil des Ministres. Elle reste tournante pour le second, tandis que le premier voit son président se faire élire (pour deux ans et demi, renouvelable une fois) par les membres du Conseil Européen. Le constat qui vient rapidement à l'esprit est que l'on tire une plus grande légitimité de l'élection.

Deuxième chose, le Conseil Européen propose un candidat au poste de Président de la Commission, qui doit être approuvé par le Parlement. Ce qui fait naître un lien direct entre Conseil Européen et Parlement avec à la clé un pouvoir politique de l'un sur l'autre.

Troisième chose, ce Conseil se réunit au moins deux fois par semestre. Son président doit rendre compte du bilan de la réunion devant le Parlement. Ce dernier n'a pas de pouvoir direct sur le Président, mais il peut essayer d'en trouver. L'arme favorite du Parlement pour modifier l'équilibre des pouvoirs est la question budgétaire (c'est lui qui vote le budget). Cela pourrait être l'ébauche d'une responsabilité parlementaire du Président. Stricto sensu ce n’est pas le cas mais c'est une façon d'affirmer qu'il y aura certainement une recherche de pouvoir, par le Parlement, pour peser sur le Président.

Quatrième chose. Les débuts de la première présidence du Conseil Européen confronté à la présidence du Conseil des ministres illustre le changement. Mais pose de multiples questions. C'est donc une lutte qui va s'opérer de la part du Conseil Européen pour gagner en consistance institutionnelle et politique. Le seul perdant possible est le Conseil des ministres. Cette institution possède trop de casquettes. Une montée en puissance du Conseil Européen lui en fera perdre une partie.

C'est un équilibrage dont on ne peut deviner l'issue. Il pourrait arracher des « domaines réservés ». Le plus déterminant dans l'édification du nouveau schéma sera certainement la politique étrangère. Est-ce que le Conseil Européen en retirera tout le bénéfice puisqu'il la définissait déjà ? Après Lisbonne il continue à la définir. Elle sera mise en oeuvre par une Haute Représentante qui devrait a priori s'en tenir à l'appliquer (et actuellement à mettre sur pied son service diplomatique unifié). On peut d'ores et déjà se demander comment l'Union, désormais elle-même dotée d'une personnalité juridique, va gérer la relation entre le Conseil, la Haute Représentante et un Conseil des ministres qui a une formation en affaires étrangères. Existera-t-il une dichotomie entre d'une part, les intérêts des États membres propres représentés par le Conseil des affaires étrangères de l'Union, et d'autre part l'intérêt général de l'Union définie par le Président du Conseil européen et exécutée par sa Haute Représentante qui coordonne l'action communautaire (via son statut de commissaire européen) ?

De plus, il faut garder en mémoire que le Conseil Européen réunit les chefs d'États et de Gouvernements. Il existe un rapport hiérarchique préexistant à l'Union. Jouera-t-il pour équilibrer les rapports entre les deux Conseils ? C'est un questionnement de plus pour affirmer que le Conseil des ministres a tout contre lui pour se vider de substance politique inter-gouvernementale.

Le nouveau venu, le Conseil Européen, pourrait-il pousser le Conseil de l'Union Européenne à devenir un simple « sénat fédéral » et à perdre ses « attributions gouvernementales » ?

La Commission Européenne

La Commission reste composée d'un commissaire par État membre, ce qui est un recul par rapport aux ambitions affichées lors du traité constitutionnel (resserrer le nombre de commissaires). Son but depuis toujours est de faire vivre l'esprit des traités et donc de l'intérêt général de l'Union. Le développement du marché commun, notamment, est l'une de ses missions principales.

Son Président est désigné par le Conseil Européen. Avec Lisbonne, nous l’avons vu, le candidat proposé (et non plus choisi) peut être désapprouvé par le Parlement. Il est donc difficilement imaginable que le Conseil envoie un candidat à la présidence de la Commission ne reflétant pas la couleur politique du Parlement acquise lors de l'élection.

Les Commissaires sont toujours auditionnés et approuvés, ou non, par le Parlement. Mais Lisbonne apporte un changement assez profond. Le Président de la Commission européenne peut « obliger » un Commissaire à démissionner. Il devient par là un véritable chef de Gouvernement.

Et c'est un Gouvernement européen très limité. La Commission ne peut se saisir que de prérogatives qui lui ont été conférées par un texte.

En guise de conclusion

Le traité de Lisbonne introduit des changements qui tendent à ce que l’Union s’engage plus à ressembler à un État qu’à une organisation internationale. Le Parlement européen (à deux chambres) se renforce et ressemble peu ou prou au Parlement français par exemple. Il existe un Conseil Européen qui fait office de présidence face à deux gouvernements : le Conseil des ministres (représentant les intérêts des États membres) et la Commission (intérêt de l’Union).

L'UE n’est pas un État au sens classique du terme (elle n’a pas de population ni de territoire propres, et n'a pas « la compétence de sa compétence »). Mais elle dispose d'un ensemble gouvernemental et d'un Parlement.

Si un prochain traité sépare fonction gouvernementale et législative du Conseil des ministres on avancera encore un peu plus vers un État. Un seul gouvernement serait la consécration suprême... et peut être l’avènement d’une nouvelle forme d'État.

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vendredi 22 janvier 2010

"A nos chers Navigateurs !" par Maurice Larrayadieu

crédits : caea.free.fr

Suite à l'article "Rafale Biplace Marine, JSF et collision" de Thibault Lamidel, l'Association Nationale des Forces Aériennes Stratégiques (ANFAS) m'a signalé le billet de Maurice Larrayadieu (paru dans le numéro de janvier 2010 d'ANFAS Contact, le bulletin de liaison interne de l'association) qui comporte quelques points de convergence. Je le reproduis ici dans son intégralité.

***

Farouche utilisateur de monoplaces, formé à l' « académie de Dijon »... mais pas sectaire et l'esprit volontiers curieux, j'ai débarqué ... 15 ans après, dans le Bombing et eu la chance de voler sur Vautour A et B, en prélude au Mirage IV. Il m'apparut que les navigateurs utilisaient les mêmes outils que moi auparavant, à savoir la règle-rapporteur Jean Cras, le crayon, le cap et la montre et... la tête : peut-être plus professionnels ? Je remarquai bientôt qu'ils convertissaient, à tout coup, des erreurs de route volontaires et des incertitudes, en ETA et en TOT fichtrement précises.

Talentueux navigateurs.

Lors de mon premier vol MIRAGE IV, Mascetti, navigateur de forte réputation, me fit observer qu'il ne disposait pas, en place arrière, d'anémomètre (vitesse indiquée) ni d'incidencemètre... : dur, dur, pour contrôler l'inconnu de la place avant ! Mais ils avaient un hyposcope et un calculateur et peut être des poils sensoriels ? Je finis par comprendre que ces gens voyaient ... plus loin qu'ils ne le laissaient paraître.

Mystérieux navigateurs ... « maîtres du DOA » !!

L'Escadron de Bombardement dans lequel je fus affecté, maria, non sans malice, le chasseur réputé avec un navigateur, commandant de bord du... COTAM ! Pragmatiquement, j'admis que dans cet avion magnifique, mais à l'ergonomie intérieure indigente, le pilote n'avait pour mission que de décoller la « bête », la gaver en vol, et, très éventuellement - si les serveurs de DCA avaient abusé de la Smirnoff - la poser au retour : pas de quoi parader !

Je n'étonnerai donc personne en rapportant que le couple M.Perrais / M.Larrayadieu , qui faisait chambre commune à l'ombre inquiétante de la « Bombouze » en ZA, traversa des cieux innombrables et toujours paisibles, entrant et sortant à l'heure dite des paniers ravitailleurs : une amitié sincère et forte perdure.

M'étant attaché, au CIFAS, à faire voler le plus possible les NAV en place arrière du Mirage III B et ayant noté qu'ils accaparaient facilement le manche pour conclure d'ailleurs très honnêtement une approche GCA, je dirigeai rapidement ma réflexion vers le problème de la formation des futurs Nav et Opérateurs Système d'Armes. La chance vint à moi lorsque Marcel Lannevère, ancien navigateur devenu pilote de talent, me confia son intention de faire sur ce problème un sujet de thèse. Nous eûmes de nombreux échanges sur le sujet. Il était évident que seule l'utilisation du biplace permettrait de faire évoluer le concept opérationnel des missions dans un partage des tâches, basé sur la séparation stricte d'un pilotage devenu plus exigeant - basse altitude, grande vitesse, tout temps - et de la fonction navigation, augmentée d'actions attentives dans la gestion de l'armement, des capteurs et des contre-mesures.

Lors de l'expérimentation du bidon photo CT 52 à Mérignac, je mesurai combien, au cours de missions longues et échevelées - cher Delphin et regretté Hiron, « le yéyé » - l'initiative souvent et parfois l'improvisation étaient facilitées par la grande cohésion du tandem pilote/navigateur, la présence réconfortante de l'autre, avec le résultat appréciable, à l'arrivée, après 5 à 8 h. de vol, de kilomètres de photos réussies. Pendant ce temps, les pilotes de Mirage IIIE, malgré des fonctions découpes en tout genre du radar, s'épouvantaient, en faisant des ronds nocturnes à basse altitude, dans la R45.

Merveilleux navigateurs.

On peut supposer que l'étude brillante et exhaustive du Gal Lannevère a eu un retentissement positif dans les Etats-majors : la refonte de la filière navigateur semble en porter la marque. Par ailleurs, l'expérience incomparable, obtenue en vol en équipage par les nombreux pilotes de Chasse, venus pour un temps dans les unités FAS avant de prendre des commandements au retour dans leurs unités d'origine, a laissé une empreinte.

Ce que l'on peut lire dans les revues spécialisées vante la réussite, en opérations lointaines au Moyen Orient, des tandems de choc des Mir IV P et Mirages 2000D ou N.

Il y a un bémol cependant : le choix inexplicable - crédits insuffisants ? – d’un Rafale monoplace et multi-missions, au lieu d’un biplace pour tous les escadrons de combats.

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jeudi 21 janvier 2010

Introduction à l'histoire de notre temps, de René Rémond

Back to basics...

Suite à un billet d'Olivier Kempf portant sur des ouvrages de référence dans un certain nombre de domaines (économie, droit public, philosophie politique, histoire, géopolitique...), je me suis replongé dans l'Introduction à l'histoire de notre temps de René Rémond, écrit dans les années 1970.
Je ne saurais que conseiller à tous ceux qui souhaitent avoir un aperçu rapide (mais néanmoins fouillé) des bouleversements touchant (principalement, mais pas seulement !) la France et l'Europe depuis la fin de l'Ancien Régime. Mais attention, il ne s'agit en aucun cas de "Deux cents ans d'histoire pour les nuls". Car des évènements et des faits, les trois tomes en contiennent finalement assez peu. Pour briller lors des dîners en ville avec quelques dates bien placées, ce n'est clairement pas le livre idéal ! L'emphase est plutôt mise sur les causes et les conséquences des grandes ruptures survenues entre le milieu du XVIIIème siècle et la deuxième moitié du XXème. René Rémond prend le temps de brosser le portrait de la (ou des) société(s) des différentes époques, que ce soit sur les plans politique (l'ouvrage contient par endroit de vrais bons morceaux de philosophie politique), social, économique, juridique... Il est ainsi conseillé d'avoir au préalable lu d'autres ouvrages plus portés sur la chronologie, afin notamment de saisir les nombreuses allusions dont l'auteur émaille son propos.


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mercredi 20 janvier 2010

[Le blog de la semaine] : Chroniques persanes

Cette semaine je rajoute à ma blogoliste le tout jeune blog de Vincent Eiffling, chercheur à l'Université Catholique de Louvain, Chroniques Persanes. Découvert par l'intermédiaire de Mars Attaque, il est consacré à la politique iranienne, dans ses aspects domestiques et internationaux, les deux étant souvent liés.

On y lit déjà et lira donc de nombreux articles originaux sur le nucléaire, l'énergie, le Sheitan américain, Moussavi et les mouvements de contestation qui semblent réussir à tenir sur la durée. Ce que l'on espère également pour ce blog.

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mardi 19 janvier 2010

Rafale Marine Biplace, JSF et collision par Thibault Lamidel

Suite à ses articles sur le programme nEUROn et les UCAV dans l'aéronavale, Thibault Lamidel nous livre ici une petite réflexion sur le Rafale Marine biplace. Comme à l'accoutumée, ses propos n'engagent que lui.

Dans la dotation de Rafale marine il était prévu une version biplace. Ce choix fut fait suite aux enseignements passés (Kosovo par exemple) et la prise en compte de l'évolution du métier de pilote, la charge de ce dernier ne cessant de s'alourdir. Car désormais en plus de gérer un appareil en vol il faut gérer un système d'armes de plus en plus complet. La team Rafale essaye d'ailleurs d'y remédier par la mise au point d'une interface homme-machine simplifiée par le recours à la reconnaissance vocale. Pour la marine par contre, il était plus naturel de s'orienter vers un biplace.

De l'autre côté de la Manche, le retour aux porte-avions classiques était là pour poser la question de l'appareil embarqué. C'est tout naturel. Le choix fût fait de s'orienter vers le programme Joint Strike Fighter développé en partenariat avec les États-Unis et d'autres États. Entre retombées industrielles et rationalisation le choix finit par se porter sur la version "Harrier" du JSF : le F-35B. La Royal Navy étant appelée à mutualiser son parc avec celui de l'armée de l'air depuis la fusion, regrettée, de l'aéronavale avec la Royal Air Force.

Cependant, pour peu que l'on s'intéresse à la chose, le programme JSF est depuis toujours dans une mauvaise passe. Et c'est à la croisée d'un projet français avorté et de menace anglaise d'acheter du Rafale face aux déboires programme JSF que le Rafale N continue à nous hanter.

Du Rafale BM au Rafale N

Un Rafale Marine
crédits : mer et marine

Le projet débuta dès 1999. On nomma le biplace marine « Rafale BM ». Mais de façon paradoxale, la version finit par prendre le nom de « N ». De sorte que c'est le biplace qui est « N » et le monoplace « M ».
Le prototype devait prendre l'air en 2005. Il était prévu que le canon soit supprimé pour réaliser cette version biplace. La verrière devait être agrandie en même temps que le cockpit. Ce qui impliquait que ce qui se trouvait derrière le cockpit alors soit déplacé ailleurs. L'emport de carburant réduit de 215 kg pour perdre le poids nécessaire devait permettre de rester ainsi capable d'être catapulté comme un monoplace. On imaginait alors de répartir les 60 Rafale marine en 25 M et 35 N.

L'épreuve ratée de la bosse budgétaire

Mais le projet est arrêté le 22 septembre 2004, l'état-major de la marine ayant dû faire un choix face aux 270 millions d'euros de développement impliqués ; mais aussi au doublement du personnel nécessaire à la mise en oeuvre de l'appareil. En période de disette, le choix a été fait d'avoir 60 monoplaces plutôt que de réduire le nombre d'appareils. De plus les crédits ont fini par se concentrer sur la mise au point du Rafale F3 « Roadmap » pour l'export (E.A.U.).

L'histoire s'arrête là ?

Le Royaume-Uni pourrait être le sauveur de cette version mort-née : les citoyens de sa Gracieuse Majesté se sont engagés dans le programme JSF (Joint Strike Fighter). On l'a dit dans l'article sur le programme nEUROn, cet engagement est le fruit du partenariat spécial entre Américains et Anglais. Ce dernier contenant des accords signés entre les deux gouvernements pour le développement commun de technologies furtives. Ce qui excluait de rejoindre le nEUROn. Cependant, la version « Harrier » du JSF est dans une zone de turbulence profonde qui pousse à s’interroger sur son avenir.

Un petit mot sur le programme JSF

Les Etats-Unis, épaulés par le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie, la Turquie, l’Australie, la Norvège, le Danemark, le Canada, Israël et Singapour sont les parties prenantes du programme Joint Strike Fighter. Il doit donner naissance à un avion de cinquième génération apte à prendre la relève des Harrier, F-16 et F-18 A/B, entres autres. Mais ce programme rencontre de lourdes difficultés depuis son lancement en 1996. Le prix unitaire ne cesse de grimper. Le nombre de commandes baisse inexorablement. Le programme s'étale. En somme, c'est une dérive généralisée. L'ambition (faire un F-22 au prix d'un F-16) y est sûrement pour quelque chose. Son origine aussi. Le JSF descend d'une grande lignée de programmes d'armement dont aucun n'a connu de fin réellement heureuse : sous-marin nucléaire d'attaque Seawolf (3 exemplaires), hélicoptère d'attaque Commanche (programme annulé), hélicoptère présidentiel (annulé), F-22 Raptor (187 exemplaires). Ces programmes ont été lancés, tous ou presque, à l’apogée de la lutte contre l’URSS. La technologie devant l'emporter face au nombre.

Image d'un JSF
crédits : fas.org

Le JSF qui doit donner naissance au F-35 est très lourdement discuté de l'Atlantique (USA, clients européens) au Pacifique (le Japon qui préférait le F-22, l'Australie de même).

Le Congrès américain a sauvé in extremis la version B (STOVL) en finançant la poursuite du développement de son réacteur spécifique. C'est cette dernière qui doit équiper les porte-avions britanniques. En son absence il reste la version C qui est plus classique (CATOBAR).

Cependant il existe un risque raisonnable que le programme n'aboutisse pas. Du moins, pas dans un temps raisonnable. Ses « ancêtres » accréditent cette hypothèse. Les 3000 commandes et quelques du programme JSF ne devant pas aveugler quant au manque de réussite de son développement.

Le Rafale N dans tout ça ?

Par deux fois il a été fait référence au Rafale en Angleterre. La première fois c'était en 2006 quand un journal britannique, le Financial Mail, avait prétendu que le gouvernement britannique s'intéressait au Rafale en lieu et place du JSF.

BRITAIN may consider buying up to 150 French fighter jets for two new-generation aircraft carriers scheduled to go into service with the Royal Navy in 2013.
If the Government went ahead with the £5bn deal, it would mean cancelling existing US contracts to supply aircraft for the carriers and could cause a major crisis in Anglo-American relations.
The unexpected verbal offer to buy the Rafale Marine jets came on January 24 when Defence Secretary John Reid met his opposite number, Michele Alliot-Marie, for crucial talks in London.
It followed well publicised difficulties between Britain and America on the Joint Strike Fighter (JSF) project, dogged by a row over sharing technology.
Effet attendu, une bombe explosa dans la sphère médiatique et le MoD anglais démentit. Mais le démenti ne fut pas vraiment ferme. De sorte que la thèse d'un coup de semonce contre les Américains, face aux difficultés du JSF, était la plus crédible. Deuxième référence, l'ancien pilote de la patrouille acrobatique de la Royal Air Force, Peter Collins, fait l'éloge du Rafale dans la revue Flight International.
The aircraft felt alive in my hands. I have never flown any aircraft that responded so instantly and so powerfully to stick input. The Mirage 2000 had previously been my favourite FBW aircraft in terms of handling qualities, but the Rafale with its DFCS betters it in every aspect of handling by a significant margin. […] At 450kt, the same steady-state roll rate was achieved, but the rate of roll onset was simply staggering. I have never experienced any fighter aircraft start or stop to roll so quickly. […] In close formation, I initially found the Rafale over-sensitive in pitch, but telemetry informed me that I was holding the sidestick too high up, and after changing my grip, I could hold echelon position without problem. However, it was another clear indication of just how agile the aircraft is. […] The aircraft can be flown in a “bang-bang” manner between axes, rather than requiring “rolling pulls”. The Rafale is an outstanding close-in dogfighter whenever it wants to be. […] I could not fault the carefree handling characteristics or the throttle response of the Rafale in any regime, and the only limit I ever had to remember in the flight was the gear limit (230kt). The Rafale was an absolute pleasure to fly, while remaining almost unbelievably responsive.
La revue centenaire a une assise profonde dans le monde de l'aéronautique. La qualité du pilote, à la carrière très riche, qui se prononce, fait encore une fois l'effet d'une bombe. Quand on proclame que le Rafale est certainement le meilleur avion de sa génération, on ne pouvait pas attendre mieux.
C'est donc une ouverture outre-manche qui a été faite au Rafale. Il existe donc l'hypothèse de pouvoir vendre le Rafale aux Anglais. L'accord pourrait être aisé en proposant à ces derniers de produire leur Rafale marine localement. Et même, de produire les Rafale marine français. L'occasion serait trop belle de reproposer le Rafale N pour équiper les deux marines.

Hypothèse farfelue ?

Peut être... Ou pas du tout. Cela l'est moins si le JSF continue à s'effondrer. La crise qui touche les forces armées britanniques est bien réelle. L'argument financier fera mouche. Il porte déjà d'ailleurs, la commande anglaise de F-35 ayant été ramenée de 150 à 132. Et ce serait même 50 aujourd'hui. L'argument capacitaire joue pour beaucoup aussi. Un nouveau « White paper » doit voir le jour au Royaume-Uni. Est-ce que la Royal Navy disposera d'un seul porte-avions ? Sera-ce un CATOBAR ? Cette hypothèse est sérieusement envisagée par les Anglais puisqu'elle a même était chiffrée à 1 milliards de livres pour la "refonte" (alors même que les navires ne sont pas encore construits).
Mais si jamais la Royal Navy disposait d'un seul porte-avions, CATOBAR qui plus est, elle aurait les mêmes problèmes que notre marine pour entretenir son outil. Le soutien mutuel passerait par une coopération cordiale. Alors, quid du Rafale dans ces différentes hypothèses ?

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lundi 18 janvier 2010

Russie et Chine, ennemies pour le terrorisme islamiste

Lu sur un blog qui se réclame d'une mouvance proche d'Al-Qaïda (je ne vais quand même pas lui faire de pub directe, mais le lecteur trouvera facilement la source) :
Il y a deux ennemis bien pire que les Occidentaux, ce sont la Russie et la Chine et il va falloir les combattre plus fortement.
La Russie et la Chine ont, depuis des siècles, été les ennemis des Musulmans. La Russie a aidé les Serbes à faire des génocides contre les Musulmans en Bosnie et au Kosovo. Les Russes martyrisent nos frères dans le Caucase ainsi que nos frères Tatars, Bachkirs et autres. La Chine essayent de faire disparaître nos frères Ouighours, Kirghizes ou Hui.
Quand les croisés occidentaux quitteront l'Irak et l'Afghanistan, qu'aucun militaire occidental ne sera sur un territoire de la Umma et qu'ils arrêteront de soutenir l'entité sioniste, nous pourrons faire une trêve avec eux. Cette trêve nous permettra de consacrer nos forces à la lutte contre la Russie et la Chine.
Je ne sais pas quel est le niveau de partage de cette opinion au niveau de la mouvance terroriste islamiste, mais voilà qui fait contrepoint au le soft power chinois (sachant que durant l'été dernier AQMI avait menacé de venger les morts Ouïghours) ou même au fort souhait de la Russie de renforcer sa coopération avec l'Organisation de la Conférence Islamique. Est-ce là la marque d'une nécessaire solidarité qu'Al-Qaeda ne peut s'empêcher de manifester pour des raisons de PR ? On se souvient en tout cas que des experts ont estimé que la nébuleuse ne pouvait se permettre d'ouvrir de nouveaux "fronts" simultanément aux conflits actuels.

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vendredi 15 janvier 2010

Un débat sur l'Europe de la Défense

L'antenne de Vanves du Mouvement Européen organise un débat le mercredi 20 janvier à partir de 20h, sur le thème "L'Europe des armées ou l'Europe désarmée ?".

Les principaux sujets abordés seront les suivants :

  • Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) : depuis quand, pourquoi, comment ?
  • Structures militaires permanentes de l’Union Européenne
  • Moyens et les terrains d’action : l’exemple de l’EUFOR au Tchad
  • Ce qui divise les États : questions internationales, relations avec l'OTAN, contraintes budgétaires...

Le débat se fera en présence du Colonel Eric Labourdette, chef de la section Union Européenne, à l’Etat-Major des Armées, et Dominique David, directeur exécutif de l’Institut Français des Relations Internationales.

Pour les détails pratiques, voir ici.

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mercredi 13 janvier 2010

Discussion autour de la Russie

Suite à la lecture de "La Russie menace-t-elle l'Occident" de Jean-Sylvestre Mongrenier, j'ai souhaité recueillir l'avis d'un blogueur spécialiste du sujet. Le résultat en est une discussion avec Yannick Harrel, animateur de Cyberstratégie Est-Ouest, retranscrite (après quelques reformulations) ci-dessous.

Cet article est simultanément publié sur le site de l'Alliance Géostratégique.

*
L'ouvrage de Jean-Sylvestre Mongrenier explique que l'échec des réformes sous Eltsine est largement imputable non pas au gouvernement central et aux oligarques mais principalement aux 89 "sujets" de la Fédération, "mauvais élèves" et soucieux avant tout de s'accaparer les richesses. Qu'en pensez-vous ?

En réalité, les sujets de la Fédération (en tête le Tatarstan et la Tchétchénie) n'ont fait que suivre le mot d'Eltsine qui avait déclaré "prenez autant de souveraineté qu'il soit possible". Dans le but évident d'affaiblir les structures de l'Union Soviétique. Seulement le calcul était erroné, puisque c'étaient aussi porter atteinte aux structures de la Fédération de Russie naissante. Mon point de vue est que le fiasco des réformes tient pour une partie (c'est multifactoriel) à une incapacité de penser l'après-URSS de la part des dirigeants d'alors, réveillant et même initiant les orientations centrifuges de la Russie. Le calcul politique d'Eltsine fut très mauvais de ce point de vue.

Le terme d' "autoritarisme patrimonial",
tranchant avec celui de "démocratie dirigée" avancé par Vladislav Sourkov, idéologue du Kremlin, est utilisé par Jean-Sylvestre Mongrenier pour décrire le "système Poutine", mis en place depuis la fin des années Eltsine :
C'est en accédant au pouvoir que l'on s'enrichit et l'on s'y maintient par l'utilisation des 'ressources administratives'.
S'applique-t-il bien à la Russie actuelle ? Qu'en est-il des contre-pouvoirs au sein de la société russe ?

Je pourrais citer certains exemples en Occident où cet "autoritarisme patrimonial" n'est pas exempt, disons qu'il est moins médiatisé car moins accepté.
Cependant si la popularité des dirigeants de la Russie perdure c'est aussi parce qu'ils ont redistribué les cartes du pouvoir et de l'économie en opérant une meilleure répartition sociale des richesses (les oligarques demeurent détestés en Russie pour avoir accaparé puis privatisé les biens nationaux). Cela ne signifie pas que les séides du pouvoir n'en profitent pas, bien au contraire, mais ils savent qu'il y a une limite à ne pas franchir et que des actes concrets sociaux et matériels doivent être attestés (Medvedev ayant encore récemment soufflé dans les bronches de Sergueï Tchemezov, président de Rostekhnologuii en le traitant quasiment de "branleur", et ce en public !).

Quant aux contre-pouvoirs c'est une vision typiquement anglo-saxonne, du genre checks and balances qui n'est guère connue en Russie disposant surtout d'une verticalité de l'autorité (avec cependant une volonté manifeste de redonner une plus grande importance au pouvoir civil, timidement sous Poutine, fortement sous Medvedev). Il faut cependant prendre en compte que les régions ont paradoxalement plus d'autonomie au sein de la Fédération de Russie que par exemple les régions françaises, on ne peut certes pas les considérer comme un contre-pouvoir mais comme une dilution de ce même pouvoir (et qui dispose par ricochet d'une caisse de résonance au sein du Conseil de la Fédération, le Sénat Russe pour simplifier).

Quelle est, dans la Russie de Medvedev, l'influence des siloviki et leur niveau de pénétration des sphères de pouvoir ?

Toujours aussi forte que sous Vladimir Poutine pour la simple et bonne raison que l'administration n'a que très peu évolué. Si ce n'est par des touches homéopathiques, et malgré quelques changements de postes cosmétiques. Disons que Medvedev de son côté constitue son propre réseau qui n'est pas celui des forces de l'ordre, mais plutôt des gens issus du monde civil bien que lui étant dévoués cela va sans dire. Ne pas oublier Sergueï Lavrov qui semble aussi placer des pions à lui de son côté : cet homme a poursuivi une carrière rectiligne dans les coulisses du pouvoir malgré les bouleversements, et vient d'arriver à un poste d'importance. Toutefois Poutine le tient à l'oeil et n'a pas hésité à le "remettre en place" suite à des déclarations malheureuses.

Passons aux aspects internationaux. Les concepts d'Eurasisme et de Néo-eurasisme (particulièrement les écrits de Lev Goumilev) ont-ils une quelconque influence sur la politique étrangère de la Russie et son désir de puissance, notamment dans "l'étranger proche", c'est-à-dire principalement les anciennes républiques soviétiques d'Europe de l'Est et d'Asie Centrale ? Quid de l'importance du Heartland hérité de McKinder, support de la vision d'une Russie-Eurasie et qui semble avoir les faveurs des dirigeants russes ?

En réalité, et sans nier l'apport de Lev Goumilev, il semblerait qu'un Alexandre Douguine ait eu une prégnance intellectuelle certaine sur les instances dirigeantes du temps où Poutine était Président. Exemple : il a popularisé le terme de multipolarisme qui a été repris à satiété depuis. De plus, et pour ce que j'en observe ça devient très clair, Poutine a clairement réorienté sa vision vers l'Asie Centrale et l'Extrême-Orient depuis quelques années suite aux rebuffades des Européens. Medvedev lui garde le cap avec les Occidentaux, Européens en tête, mais comment interpréter le fait que ses deux premiers voyages officiels auront été le Kazakhstan et la Chine ? Sans omettre la mise en chantier de nouveaux réseaux énergétiques avec la Chine et le Japon, loin d'être parfaitement anodins.
L'Eurasisme effectivement reprend les bases des théories géopoliticiennes de la fin du XIXème et début XXème quant à cet Heartland. Mais en partant plus d'un postulat culturel/civilisationnel que territorial (même si la profondeur stratégique demeure). Le Kazakhstan à travers son Président Nazarbaïev y est très sensible, et certaines élites Russes de même. L'union douanière et économique qui s'avance devrait lui donner une meilleure consistance à terme si les volontés politiques sont maintenues. Ce faisant, elle poserait en corollaire la place de l'Europe vis à vis ou au sein de ce nouvel espace de pouvoir.

On met souvent en avant le soft power chinois. A contrario, la Russie est dépeinte comme plus ouvertement conquérante et montrant ses muscles. Tourne-t-elle le dos, comme l'écrit Jean-Sylvestre Mongrenier, au soft
power ?

Non elle ne tourne pas le dos au soft power. Encore moins avec Medvedev qui est un homme bien moins veule qu'on ne tente de le faire croire. Cependant il est net que la Russie accuse une réelle déficience en matière communicationnelle. Les changements s'opèrent mais très lentement. De plus dans les médias occidentaux il y a un effet de rémanence : l'on conserve encore une vision soviétique d'une société Russe qui a énormément évolué depuis (il faut avoir une expérience du terrain pour s'en rendre compte), ce qui donne des papiers parfois abracadabrantesques décalés par rapport à une certaine réalité. La diplomatie russe est très active, même discrète, mais elle n'a plus les moyens de l'URSS, alors elle doit clairement consacrer ses énergies à des cibles prioritaires que sont l'Asie Centrale, la Chine, l'Inde, la Syrie, l'Iran, le Venezuela et quelques autres pays où il y aurait moyen d'influence (Cuba où la Russie revient petit à petit, de même que la Turquie qui va bénéficier d'un rôle énergétique majeur à l'avenir de par les tuyaux de Samsung-Ceyhan, Blue Stream, Nabucco et même South Stream pour lequel les autorités ont publiquement déclaré leur intérêt quant à une participation).

La Russie essaie-t-elle de semer la discorde au sein de l'UE afin de provoquer une impuissance collective, notamment par des relations bilatérales poussées avec certains "grands" comme l'Allemagne, l'Italie et la France ?

Pour les relations bilatérales avec les membres de l'Union Européenne, et l'avènement d'un Président de l'UE n'y changera rien pragmatiquement, la Russie continuera à traiter séparemment car les intérêts des pays sont divers : exemple, le Royaume-Uni n'a pas la même approche diplomatique ni les mêmes intérêts financiers en Russie que l'Italie qui est très présente par ses PME, sans parler de l'Allemagne qui elle pose d'abord des mastodontes économiques pour asseoir virilement sa présence sur place. Penser faire parler l'Europe d'une seule voix est utopique à 27 dès lors qu'un ou des intérêts stratégiques de l'un des pays est touché par une mesure potentielle. Pensons par exemple à Nabucco, projet adoubé pour la Commission Européenne mais délaissé d'office par l'Italie (ENI) et postérieurement par la France (EDF) suite à sa candidature rejetée, ces deux membres fondateurs de l'Union ayant rejoint le tracé concurrent South Stream piloté par Gazprom.

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L'Inde et la Chine parlent ensemble de leur sécurité

La semaine dernière s'est tenue en Chine la rencontre bilatérale annuelle entre l'Empire du Milieu et l'Inde concernant les questions de défense.

Le secrétaire à la défense indien Pradeep Kumar et le général Ma Xiaotian
crédits : China Daily

Alors qu'ils ont signé un mémorandum commun en 2006 lié à la sécurité et conduit des exercices de façon conjointe en 2007, les sujets de discorde entre les deux membres principaux du BRIC sont nombreux :

Les frontières
La brève guerre de 1962 entre les deux voisins géants n'est pas encore réglée : presque quarante ans après, il sont encore en conflit autour de ce qui est aujourd'hui la plus grande frontière disputée au monde, s'étendant sur près de 100 000 km² dans les zones montagneuses de l'Himalaya. Peu de progrès sur la question ont été réalisés depuis les années 1980. Depuis lors, l'Inde accuse la Chine d'un nombre impressionnant de violations de la ligne de démarcation. Et elle a haussé le ton depuis quelques années, n'hésitant pas par exemple à expulser des milliers de travailleurs chinois.

Le collier de perles et le Pakistan
La coopération entre la Chine et le Pakistan, ennemi héréditaire de l'Inde, inquiète et agace cette dernière. La construction d'une base navale chinoise au sein du port de Gwadar est censée constituer une pièce maîtresse du "collier de perles", que beaucoup voient comme un moyen d'étouffer l'Inde.

La puissance militaire chinoise
Plus largement, l'Inde voit d'un très mauvais oeil l'augmentation régulière (et officiellement sous-estimée, selon de nombreux analystes) du budget militaire chinois. En juillet dernier, le rapport annuel du ministère de la défense indien insistait sur le fait que la modernisation de l'APL devait être "surveillée avec attention". Dans l'autre sens, l' "arc des démocraties" en Asie-Pacifique, comprenant l'Inde, le Japon et l'Australie, a de quoi décevoir Beijing, qui a accepté l'intégration comme observateur de New Dehli au sein de l'Organisation de Coopération de Shanghai.

La relation Inde-USA
La Chine ne souhaite pas que les USA puissent développer avec l'Inde une relation militaire du type de celle qu'ils ont avec le Japon par exemple. On se souvient qu'à la suite de la définition d'un cadre de coopération de défense et d'accords sur le nucléaire USA-Inde en 2006, l'ambassadeur chinois à New Dehli avait parlé de "Tibet du Sud" pour désigner l'état indien d'Arunachal Pradesh. Cependant sur ce sujet, au vu de la dernière tournée "asiatique" de Barack Obama, et du sticky power chinois, on voit que la première puissance mondiale est désireuse de conserver au moins en surface des liens équilibrés entre les deux géants d'Asie.

Le dalaï-lama
La France n'est pas la seule à déplaire à la Chine sur la question du leader tibétain. Mais là où nos dirigeants se sentent obligés de s'excuser dès qu'ils estiment que leur propre pays est allé trop loin, l'Inde semble gagner en détermination, comme après les protestations chinoises suite à l'invitation du dalaï lama dans un temple bouddhiste à Tawang.

Les opinions publiques
Les opinions publiques des deux pays sont marquées par l'antagonisme. Ainsi, du côté chinois, un sondage en ligne réalisé par huanqiu.com révèle que pour 90% des sondés, l'inde est une menace pour la sécurité de l'Empire du Milieu. Une autre étude indique que 40% des Chinois voient l'Inde comme la deuxième plus grosse menace après les États-Unis. En Inde, les études sur l'opinion semblent indiquer un souhait de voir la Chine reconnaître la sphère d'influence indienne, et de ne pas intervenir au Pakistan ou au Bangladesh.

*

Pour autant, des sujets comme le commerce sont facteurs de rapprochement entre les deux géants : ainsi la Chine est devenue le premier partenaire de l'Inde, avec une augmentation de 15 à 40 milliards de dollars en cinq ans, la barre des 60 étant attendue pour 2010. On peut aussi voir le dernier succès de Copenhague comme un succès pour deux alliés d'opportunité (celle de pouvoir continuer à croître sans être gênés par des objectifs chiffrés de réduction de l'effet de serre).

Cependant, si la Chine promeut un monde multipolaire, il n'est pas sûr qu'elle voie d'un très bon oeil une Asie de l'Est sur le même mode (Inde, Japon, Russie, Indonésie...). Et de son côté, l'Inde veut se montrer prudente, comme le rappelle le vice-amiral V.K. Singh :
Indians generally agree that we must have excellent economic and diplomatic relations with China, but we must also keep our powder dry.
We feel our foreign policy must be backed by sufficient power — a steel fist in a velvet glove.

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mardi 12 janvier 2010

[Le blog de la semaine] : Cyberstratégie Est-Ouest

Cette semaine, je rajoute à ma blogoliste le blog de Yannick Harrel, Cyberstratégie Est-Ouest. Comme son nom l'indique, il contient de nombreux articles consacrés à la Russie, mais pas seulement, "Est" renvoyant également à l'Est de la France et plus précisément à Strasbourg.

crédits : russie.net

Yannick Harrel a déjà publié deux articles sur le site de l'Alliance Géostratégique :

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lundi 11 janvier 2010

Ouvrage : la Russie menace-t-elle l'Occident ?

Je signale la parution de "La Russie menace-t-elle l'Occident" de Jean-Sylvestre Mongrenier (professeur agrégé, docteur en géographie-géopolitique, chercheur à l'Institut français de géopolitique (Paris VIII) et chercheur associé à l'Institut Thomas More), aux éditions Choiseul.


Remarque : le présent billet ne fait que présenter l'ouvrage et son contenu. Un prochain article reviendra plus en détails sur différents thèmes évoqués ci-dessous, avec parfois un point de vue un peu différent.

Autant le dire tout de suite, il s'agit là d'un ouvrage au ton offensif. Le sous-titre de l'introduction, "La Russie, embarras géopolitique et problème de sécurité collective", annonce la couleur. La préface d'Yves Lacoste avait auparavant prévenu les étourdis :
Ce titre, qui est une bonne accroche pour le lecteur, risque d'être jugé un peu trop alarmiste par ceux qui ne percevront pas qu'il s'agit aussi d'une représentation.
Accordant une grande importance aux temps longs, l'auteur revient sur les origines de la Russie, depuis la Rus' médiévale jusqu'à la Fédération actuelle, en passant par Nevski, Ivan le Terrible, Pierre le Grand, Catherine II ou Gorbatchev. Il entend ainsi mettre en lumière l'héritage à la fois des influences occidentales mais aussi des "despotismes orientaux" (citant les travaux de Karl Wittvogel, un temps membre du Komintern), tout en soulignant l'importance historique de l'orthodoxie, Moscou devant être la "troisième Rome" selon la prophétie de Philotée, moine de Pskov.

Le "système Poutine" est décrit comme un autoritarisme néo-patrimonial (i.e pour simplifier, selon les classifications en vigueur, un régime dans lequel les dirigeants assimilent biens de l'Etat et leur propre patrimoine, où l'on devient riche en accédant au pouvoir et en le conservant). Les siloviki, fonctionnaires issus des agences de sécurité et notamment du KGB/FSB, y sont dépeints comme régnant en maître sur un régime refusant largement le soft power et obsédé par la derjava, la volonté de puissance. Les dirigeants russes, sujets aux "passions tristes", apparaissent obsédés par le concept d'Heartland hérité de McKinder, nourris du néo-eurasisme de Douguine et Goumilev (doctrine héritée de l'eurasisme, datant des années 1920 et promeuvant l'idée d'Eurasie, ensemble formé de la Russie et de ses voisins proches, continent à part entière, différent de l'Europe et de l'Asie) et sont désireux d'assurer la transition entre une ex Russie-Soviétie et une Russie-Eurasie.

Un panorama des relations internationales de la Russie est dressé, développant notamment sur les aspects suivant :
  • Relations avec l'Europe Occidentale et particulièrement l'UE, avec notamment un retour sur le concept d'Europe "de l'Atlantique à l'Oural", et le refus clair d'une Union forte et unie, venant empiéter, comme le montre l'exemple le "Partenariat Oriental", sur les plates-bandes russes. L'auteur insiste sur le fait que les relations bilatérales établies avec certains grands de l'UE (Allemagne, France, Italie) nuisent à cette dernière en tant qu'ensemble supranational, la Russie pariant sur la désunion pour asseoir son point de vue. Pour lui, les alliances russo-occidentales sont en trompe l'oeil et vouées à l'échec
  • Peur d'un néo-containment par l'OTAN, mené par les USA, en Europe (cf. le bouclier anti-missile, un faux problème selon Jean-Sylvestre Mongrenier) et en Asie Centrale
  • Positionnement de la Russie sur les dossiers nord-coréen (sur lequel sa faible influence est soulignée) et iranien ; avec une description des relations commerciales, énergétiques, diplomatiques avec le régime des mollahs
  • Relation avec la Chine, autour du point focal de l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) : l'auteur avance l'idée que très bientôt le géant asiatique aura dépassé, de loin, la Russie dans tous les domaines, et pourrait donc se positionner en "grand frère". Sont également évoqués les problèmes entre les deux pays relatifs au peuplement de l'extrême sud-est russe, l'auteur soulignant qu'il ne doit pas être exagéré. Les liens avec la Chine sont tempérés par la volonté russe de ménager l'Inde, comme l'illustre la participation aux manoeuvres Indra
  • Interactions et visées sur l'"étranger proche", c'est-à-dire principalement l'ex-URSS, et notamment la CEI, décrite comme le "syndicat de faillite" de l'ancien empire soviétique. Certains "enfants terribles" (Ukraine, Géorgie, Moldavie mais également Azerbaïdjan) ainsi que la portée limitée de l'Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), que Moscou veut voir en alternative crédible de l'OTAN, notamment en Asie Centrale (cf. la volonté de reprise de la base de Manas au Kirghizistan) sont autant de freins à l'ambition russe dans cette sphère d'influence. L'OTSC est d'ailleurs décrite comme largement éclipsée par l'OCS
  • Importance de la problématique énergétique (gaz et pétrole), à la fois vis-à-vis des consommateurs principalement ouest-européens mais aussi des anciennes républiques soviétiques traversées par les différents tubes déjà constuits ou en projet, voire de nouveaux débouchés en Asie (comme en témoignent par ailleurs les récentes délrations de Gazprom), nécessitant cependant des investissements énormes
Bref, une Russie se voulant conquérante et puissante, même si ses moyens propres (armée, économie, population, diplomatie) sont décrits comme bien en-deçà de ces objectifs, en particulier hors du strict périmètre de la CEI. Face aux USA, à la Chine et même à l'UE, entités bien plus peuplées et beaucoup plus riches, la vision d'une Russie "Etat-monde" semble bien loin, Jean-Sylvestre Mongrenier appelant les dirigeants russes à un changement radical d'attitude :
Les déconvenues de l'espace post-soviétique ne ramèneront pas la Russie à une forme plus sage de géoéconomie, axée sur le développement à long terme et les relations de bon voisinage
[...]
Il serait bien difficile pour Moscou de prétendre donner forme à un troisième pôle de puissance de rang planétaire
[...]
Consolider le pays, aménager le territoire et ouvrir des opportunités, en bonne coopération avec l'Occident, plutôt que de rêver de sphères de contrôle et d'Etat-monde.
Sur la forme, je regrette les nombreux allers-retours historiques, induisant certaines redites, mais conséquences naturelles du découpage thématique. La bibliographie indicative mentionne peu d'ouvrages russes (non francophones plus généralement), et j'aurais également souhaité que les nombreux chiffres cités soient accompagnés de sources plus nombreuses.

A suivre donc, quelques développements connexes...

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vendredi 8 janvier 2010

Pour la réhabilitation de l'HUMINT

Pour finir la semaine, juste une petite remarque.

L'attentat manqué contre le vol Amsterdam-Detroit devrait normalement offrir de larges débouchés aux fabricants de scanners corporels, occasionnant des coûts énormes et compliquant potentiellement les processus d'embarquement (n'est-ce pas in fine l'un des buts poursuivis par les terroristes ?), sans parler des problèmes évoqués d'atteinte à la vie privée voire de discriminations. Pour des résultats qui restent à prouver sur le long terme.

On peut aussi espérer, modestement, qu'il contribue à réhabiliter la composante humaine du renseignement, au détriment du tout technologique :
  • En l'espèce le père de l'aspirant kamikaze avait alerté dès novembre les services de sécurité, notamment la CIA, sur la dangerosité potentielle de son fils. Mais l'information n'a pas vraiment circulé entre les agences concernées... des problèmes de communication ?
  • On semble découvrir, pour la énième fois, que le plus difficile et le plus important n'est pas forcément de collecter des tonnes de données provenant de millions de sources et capteurs au moyen d'usines à gaz techniques mais plutôt de savoir sélectionner, filtrer, croiser, analyser l'information pertinente et la transmettre aux décideurs adéquats en temps voulu. Et ceci, ça nécessite un peu d'intelligence humaine.
L'adaptation à l'asymétrie, ça ne doit pas uniquement s'appliquer aux IED...

Voir aussi :

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jeudi 7 janvier 2010

Le thème du mois de l'Alliance Géostratégique

Le thème de ce mois de janvier de l'Alliance Géostratégique est "l'Europe après Lisbonne".


On quitte donc un peu la sphère purement défense, avec ce sujet très ouvert puisqu'il touche aussi bien à la construction européenne et les péripéties de ces derniers mois qu'à la place l'Union dans le monde, notamment face ou avec les USA, la Russie ou même la Chine. Sans oublier sa position (et son poids) sur les dossiers chauds du moment, après l'échec de Copenhague, et ses relations aux autres instances internationales, et au premier chef, puisqu'on est quand même sur AGS, l'OTAN. Mais également l'UPM, si tant est que celle-ci décolle. Et parce qu'elle occupe une place particulière dans la coopération interétatique (plus que l'intégration) européenne, j'essaierai de consacrer au moins un billet à l'UEO.

Merci d'avance pour vos commentaires, voire carrément si vous êtes courageux et inspirés, pour vos contributions !

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mercredi 6 janvier 2010

La Suède va se doter d'une agence pour l'exportation d'armement

En 2008, les exportations d'armements suédois ont connu une hausse de 32% par rapport à 2007, pour s'établir à 12,7 milliards de couronnes (environ 1,3 milliard d'euros au cours de l'époque) grâce notamment aux ventes vers 5 pays : Danemark, Pays-Bas (véhicules de combat CV90), Grèce, Afrique du Sud (Gripen) et Pakistan (radar aérien Erieye).

La Suède, qui a vu ses propres forces armées être fortement réduites depuis la fin de la Guerre Froide, se doit d'être extrêmement performante à l'export pour maintenir son savoir-faire et sa base industrielle de défense (comptant plus d'employés que le ministère de la défense, civils et militaires inclus), qui contient quelques entreprises de renom : Saab, Bofors (aujourd'hui coupée en deux, dont l'une appartient à la précédente et l'autre à BAE Systems), Kockums (filiale de l'Allemand HDW), Norma (munitions)... L'industrie suédoise étant principalement concentrée sur quelques secteurs : aéronautique, véhicules blindés, systèmes de communication et armes de courte portée.

Erieye et Gripen de Saab
crédits : Saab

En ce début 2010, et en attendant les chiffres pour 2009, le gouvernement suédois a nommé un chargé de mission afin de préparer la création, effective dès le mois d'août prochain, d'une agence unique dédiée aux exportations d'armes. Les missions de celle-ci seront d'assumer la responsabilité des ventes d'armements ainsi que l'écoulement à l'étranger des surplus des stocks de l'armée suédoise ou des industriels. Les gains attendus s'élèvent à 400 millions de dollars, grâce à la centralisation de fonctions et de responsabilités aujourd'hui éclatées entre plusieurs parties prenantes publiques et privées. L'une d'elles étant le FMV (Försvarets materielverk, sorte de DGA principalement consacrée à l'équipement de l'armée suédoise), qui devra également être réorganisé d'ici à 2012.

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mardi 5 janvier 2010

Afghanistan : le compte à rebours a commencé ?

Selon un cadre de l'OTAN, qui souhaite conserver l'anonymat, le temps commence sérieusement à être compté en Afghanistan pour l'ISAF :
Time is running out. Taliban influence is expanding
L'Express rapporte même que la même source parlerait d'un délai d'un an tout au plus, avant que la défaite ne soit inexorable au train où vont les choses.


crédits : US Army

Le principal facteur de puissance des insurgés est la faiblesse du gouvernement afghan actuel, facilitant l'exploitation de son impopularité et de sa corruption. D'autant qu'en face, l'organisation, l'efficacité et la cohésion se font chaque jour plus grandes. Le haut fonctionnaire parle même de "gouvernement fantôme" dans 33 des 34 provinces que compte le pays. Et il semblerait même que l'ISAF ait des leçons à recevoir sur le plan logistique de la part de son adversaire, qui se prépare à faire face aux prochains renforts (30 000 Américains et 7000 issus d'autres pays de l'OTAN).

D'autant que contrairement au théâtre Irakien, les IEDs restent un problème majeur en Afghanistan, causant par exemple plus de 80% des pertes britanniques (voir d'ailleurs à ce sujet l'article de Mars Attaque sur l'Alliance Géostratégique).

Le président Obama l'a dit, les forces US n'ont pas vocation à rester éternellement en Afghanistan, avec un retrait annoncé dès 2011. D'ici là, la stratégie a mille occasions de changer, mais les Taliban n'ont finalement qu'à résister sur cette période...le temps jouant en leur faveur.

Le financement des opérations de l'insurrection, pour un total estimé entre 100 et 200 millions de dollars annuels, proviendrait d'Al-Qaïda, du commerce de la drogue et d' "impôts" prélevés plus ou moins par la force auprès de la population.

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lundi 4 janvier 2010

L'invasion des buzzwords

Alors que la période des fêtes de fin d'année est derrière nous, une indigestion d'une toute autre nature nous guette.

Il est normal que toute discipline, qu'elle soit scientifique, culturelle ou même sportive, développe son propre vocabulaire, utilisé pour définir les notions et concepts qui lui sont spécifiques ; son jargon, en quelque sorte. Certains termes sortent parfois soudainement de leur contexte initial et deviennent des buzzwords, expressions très "marketing" recouvrant souvent des notions aux contours évanescents et parfois fourre-tout, que tout le monde se met à utiliser d'un coup, très fréquemment sans en maîtriser le sens. Bien sûr, certains termes sont directement créés pour faire office d'écran de fumée et « faire sérieux » de par leur complexité apparente.

Les intentions de ceux qui "inventent" et promeuvent ces expressions sont donc rarement neutres, même si leur création peut parfois leur échapper. C'est souvent le cas des locutions du jargon technologique, récupérées par les sociologues, les publicitaires, les futurologues...

« Synergie », « proactivité », « B2B », « business model », « Web 2.0 », « gouvernance », «transversalité», « outside the box » sont ainsi souvent entendus dans le monde de l'entreprise. « Développement durable », « mondialisation », « réforme » ou « participatif » fleurissent dans les médias. La liste est quasiment infinie, et se renouvelle sans cesse.


Les buzzwords sont particulièrement présents dans la sphère politique, qui tend à intégrer l'ensemble des usages de la publicité et de la communication, storytelling et omniprésence des spin doctors oblige. Le monde militaire et de la défense n'est pas épargné, l'usage de tels termes y répondant souvent à un besoin d'euphémisation. Mais après tout, c'est normal, puisque la guerre est un concept politique.
Ainsi on a vu fleurir plus ou moins récemment la liste suivante, où se mélangent des concepts, des slogans, des termes marketing :

  • la Guerre Propre

  • le Zéro Mort

  • une frappe chirurgicale

  • les dommages collatéraux

  • War on Terror

  • l'Axe du Mal

  • les munitions intelligentes

  • Network Centric Warfare...

Ces expressions, qui ne sont pas purement du jargon militaire à usage interne, sont principalement utilisées à des fins de communication vers des interlocuteurs non militaires (notamment les six premiers cités). Au vu de l'importance de l'image dans la guerre d'aujourd'hui, renforcée par le fait que les populations du monde entier sont abreuvées d'informations provenant de sources diverses, difficiles à contrôler, il est important pour la force militaire et politique de promouvoir (à juste titre ou non) une vision positive de ses actions. Ne serait-ce que pour susciter l'adhésion de sa propre population. Ceci passe donc nécessairement par une volonté de masquer le sang, la chair et les larmes, pour faire de la guerre (au moins en surface) une notion aseptisée, presqu'aussi ludique qu'un "serious game" et modélisable par des chiffres.

L'édulcoration va bien sûr au-delà des buzzwords : ainsi on entend de moins en moins le terme "guerre" au profit de "conflit", on ne parle plus de "soldats morts / tués" mais de "soldats tombés / perdus".

">Une autre fonction possble de ce type d'expressions est le recyclage, ou plutôt l'enrobage d'un existant ancien dans un concept nouveau, qui peut servir à justifier un échec ou la mise en oeuvre de solutions radicales et souvent coûteuses. Pour provoquer un peu, on peut penser ici à la "guerre asymétrique" ou aux "engins explosifs improvisés".

Il est intéressant de voir à quelle vitesse ces buzzwords sont souvent repris par les journalistes, qui en font parfois des termes banalisés et neutres, alors qu'ils ne le sont évidemment pas. Le lobbying des industriels autour de la "guerre technologique" (terrain d'expression de la Revolution in Military Affairs et du Network Centric Warfare), qui porte la promesse d'opérations voire de conflits presque sans violence grâce à la toute puissance du matériel acheté à grands coups de milliards de dollars, n'y est pas étranger. De l'autre côté, les terroristes de la "War on Terror" n'ont pas le même souci de l'euphémisme, et utilisent volontiers des termes et images plus "crus", même s'ils savent également entretenir un champ lexical non exempt de grandiloquence creuse.

Bien sûr personne ne peut croire à une guerre totalement "propre" et faisant "zéro mort", d'autant que les opposants se saisissent des buzzwords pour en montrer les limites. Ces expressions peuvent aussi représenter des objectifs vers lesquels tendre...ou du moins communicables. En cette période où un nouveau surge doit avoir lieu en Afghanistan pour « finir le travail », alors que la France semble avoir redécouvert récemment que ses soldats risquaient la mort au combat, n'est-il pas grand temps pour les dirigeants politiques de tenir un discours de vérité et allant droit au but ?

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