La semaine dernière s'est tenue en Chine la rencontre bilatérale annuelle entre l'Empire du Milieu et l'Inde concernant les questions de défense.
Alors qu'ils ont signé un mémorandum commun en 2006 lié à la sécurité et conduit des exercices de façon conjointe en 2007, les sujets de discorde entre les deux membres principaux du BRIC sont nombreux :
Les frontières
La brève guerre de 1962 entre les deux voisins géants n'est pas encore réglée : presque quarante ans après, il sont encore en conflit autour de ce qui est aujourd'hui la plus grande frontière disputée au monde, s'étendant sur près de 100 000 km² dans les zones montagneuses de l'Himalaya. Peu de progrès sur la question ont été réalisés depuis les années 1980. Depuis lors, l'Inde accuse la Chine d'un nombre impressionnant de violations de la ligne de démarcation. Et elle a haussé le ton depuis quelques années, n'hésitant pas par exemple à expulser des milliers de travailleurs chinois.
Le collier de perles et le Pakistan
La coopération entre la Chine et le Pakistan, ennemi héréditaire de l'Inde, inquiète et agace cette dernière. La construction d'une base navale chinoise au sein du port de Gwadar est censée constituer une pièce maîtresse du "collier de perles", que beaucoup voient comme un moyen d'étouffer l'Inde.
La puissance militaire chinoise
Plus largement, l'Inde voit d'un très mauvais oeil l'augmentation régulière (et officiellement sous-estimée, selon de nombreux analystes) du budget militaire chinois. En juillet dernier, le rapport annuel du ministère de la défense indien insistait sur le fait que la modernisation de l'APL devait être "surveillée avec attention". Dans l'autre sens, l' "arc des démocraties" en Asie-Pacifique, comprenant l'Inde, le Japon et l'Australie, a de quoi décevoir Beijing, qui a accepté l'intégration comme observateur de New Dehli au sein de l'Organisation de Coopération de Shanghai.
La relation Inde-USA
La Chine ne souhaite pas que les USA puissent développer avec l'Inde une relation militaire du type de celle qu'ils ont avec le Japon par exemple. On se souvient qu'à la suite de la définition d'un cadre de coopération de défense et d'accords sur le nucléaire USA-Inde en 2006, l'ambassadeur chinois à New Dehli avait parlé de "Tibet du Sud" pour désigner l'état indien d'Arunachal Pradesh. Cependant sur ce sujet, au vu de la dernière tournée "asiatique" de Barack Obama, et du sticky power chinois, on voit que la première puissance mondiale est désireuse de conserver au moins en surface des liens équilibrés entre les deux géants d'Asie.
Le dalaï-lama
La France n'est pas la seule à déplaire à la Chine sur la question du leader tibétain. Mais là où nos dirigeants se sentent obligés de s'excuser dès qu'ils estiment que leur propre pays est allé trop loin, l'Inde semble gagner en détermination, comme après les protestations chinoises suite à l'invitation du dalaï lama dans un temple bouddhiste à Tawang.
Les opinions publiques
Les opinions publiques des deux pays sont marquées par l'antagonisme. Ainsi, du côté chinois, un sondage en ligne réalisé par huanqiu.com révèle que pour 90% des sondés, l'inde est une menace pour la sécurité de l'Empire du Milieu. Une autre étude indique que 40% des Chinois voient l'Inde comme la deuxième plus grosse menace après les États-Unis. En Inde, les études sur l'opinion semblent indiquer un souhait de voir la Chine reconnaître la sphère d'influence indienne, et de ne pas intervenir au Pakistan ou au Bangladesh.
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Pour autant, des sujets comme le commerce sont facteurs de rapprochement entre les deux géants : ainsi la Chine est devenue le premier partenaire de l'Inde, avec une augmentation de 15 à 40 milliards de dollars en cinq ans, la barre des 60 étant attendue pour 2010. On peut aussi voir le dernier succès de Copenhague comme un succès pour deux alliés d'opportunité (celle de pouvoir continuer à croître sans être gênés par des objectifs chiffrés de réduction de l'effet de serre).
Cependant, si la Chine promeut un monde multipolaire, il n'est pas sûr qu'elle voie d'un très bon oeil une Asie de l'Est sur le même mode (Inde, Japon, Russie, Indonésie...). Et de son côté, l'Inde veut se montrer prudente, comme le rappelle le vice-amiral V.K. Singh :
Indians generally agree that we must have excellent economic and diplomatic relations with China, but we must also keep our powder dry.
We feel our foreign policy must be backed by sufficient power — a steel fist in a velvet glove.
3 commentaires:
Salut,
Je demande la permission de partager cet article sur mon blog (http://mecanoblog.wordpress.com/). Je m'intéresse beaucoup à l'Asie et au-delà à toute la géopolitique eurasienne.
Merci d'avance.
Permission accordée, même si chacun des points évoqués mériterait des tonnes d'approfondissement
Je vous remercie.
En effet, il y aurait beaucoup à dire sur chacun des points évoqués qui sont détaillés clairement dans leurs grandes lignes, juste le nécessaire pour interpeller le lecteur qui s'y intéresse sans être un grand spécialiste de la question.
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