A la Une

Mon Blog Défense

vendredi 2 octobre 2009

Le double écueil qui guette le directeur technique

La technologie, en particulier dans le secteur défense, est un levier majeur de compétitivité, tant sur le plan militaire que sur le plan économique. Sa toute-puissance et son rapport à la dimension stratégique sont largement débattus, notamment sur la blogosphère.

Ma modeste expérience m'a conduit à travailler auprès de diverses directions techniques (entités en charge, notamment, de définir les orientations technologiques d'une entreprise) et m'amène ici à évoquer un danger qui les guette, celui d'un double éloignement :
  • vis-à-vis des chefs de produits / commerciaux / gestionnaires de comptes (et donc, si tout cela est bien fait, de la stratégie business de l'entreprise) : ces derniers portent la vision marketing ("marché") et des besoins de leurs clients, notamment dans une optique export où la compétition fait rage et le besoin de disposer d'une roadmap produit, prospective rendue évolutive notamment grâce aux apports de la technologie, est très importante.
  • vis-à-vis des équipes de réalisation (qui souvent ne dépendent pas directement de la direction technique mais sont disséminées dans les diverses entités opérationnelles ou business units), c'est-à-dire finalement les ingénieurs développement qui mettent en oeuvre et qui utilisent les technologies au quotidien. Souvent tentés par la réutilisation de concepts éprouvés (du fait des contraintes de délais et de budget), ils peuvent manquer de recul sur les innovations et l'état de l'art technologiques (qu'ils soient issus de l'entreprise ou du marché), et la manière de les intégrer à leur problématiques court-terme


Pour éviter cet écueil, la direction technique doit sortir de sa tour d'ivoire et se rapprocher des opérationnels en :
  • définissant une feuille de route d'adoption et de maîtrise des technologies en concertation avec les besoins des produits et programmes
  • s'assurant de l'appropriation et de l'utilisation des technologies (et des méthodes/outils de développement) par les équipes d'ingénierie (en aidant également à identifier les technologies en cours d'obsolescence, et donc les besoins en reengineering, ainsi que les moyens d'y parvenir)
  • amenant de la transversalité entre les différentes services d'ingénierie de l'entreprise, afin de partager les expériences et bonnes pratiques, et de permettre une capitalisation transverse
  • travaillant avec la DRH et la direction des achats pour s'assurer d'un sourcing des compétences (recrutements et fournisseurs) adéquat
  • conservant un pied dans l'opérationnel, pour ne pas uniquement manier des concepts abstraits et s'assurer une certaine crédibilité
  • assurant une veille technologique permettant d'identifier rapidement les concepts émergents et les opportunités qu'ils portent
Cet ancrage dans le "concret" est d'autant plus crucial quand il s'agit de faire le lien entre le "R" et le "D" de "R&D" (à complexifier en ajoutant potentiellement entre les deux le "T" de "technologie")...mais ce lien mérite à lui seul des livres entiers, j'y reviendrai à l'occasion.

Le risque encouru est finalement qu'elle soit totalement déconnectée de la réalité du marché et des programmes de développement... pour finalement n'être qu'une "direction de la communication" (interne et externe) maniant des concepts plus ou moins théoriques et vaporeux (le buzzword a tendance à sévir) sans se soucier de savoir s'ils sont :
  • adaptés aux besoins des clients, i.e. des militaires (et des doctrines d'emploi)
  • appropriés par les équipes internes et effectivement utilisés dans les produits et programmes
  • pertinents d'un point de vue économique
Enfin, un rappel évident : la direction technique doit s'assurer que la technologie est mise en oeuvre pour servir la stratégie, et non pour elle-même !

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

Aucun commentaire: