En ces temps troubles pour le deuxième porte-avions français (PA2), je souhaiterais revenir sur l'information révélée par le New York Times ce dimanche 20 avril 2008, concernant la "manipulation" par l'administration Bush d'analystes militaires médiatiques (dont nombre d'anciens gradés) afin de diffuser et promouvoir son message auprès du public américain.
Au-delà des connivences entre mondes politique et industriel (la plupart des experts concernés sont des lobbyistes pour des acteurs majeurs de la Défense), cet "épisode" montre clairement l'importance toujours plus grande accordée à l'image, et ce par l'ensemble des parties engagées. On se souvient que lors de la Guerre du Vietnam les images des cercueils de soldats rapatriés avaient joué un rôle prépondérant auprès de l'opinion américaine, et dans l'issue du conflit...d'où une reprise en main sévère et un encadrement strict des images lors de la Première Guerre du Golfe (et les fameux journalistes "embedded").
Dans le monde militaire comme dans le monde de l'entreprise, l'opérationnel est au-dessus du tactique, et le stratégique et au-dessus de l'opérationnel. Cependant, et cela est de plus en plus vrai, au-dessus du stratégique, il y a le politique...et le politique est très sensible, opinion publique oblige, à l'image (le lien stratégique-politique est extrêmement complexe à analyser, notamment dans tout ce qui concerne la prise de décision, j'y reviendrai éventuellement dans un prochain billet).
Dans un contexte de guerre longue, asymétrique (où il ne s'agit plus de batailles "organisées" entre armées conventionnelles de pays souverains), où les objectifs (de part et d'autre) ne sont pas bien définis (ou du moins, n'apparaissent pas comme bien définis), gagner sur le terrain de l'image (à la fois auprès de son propre peuple mais aussi auprès des populations impactées plus directement, voire auprès de l'ensemble de la "communauté mondiale") est primordial :
- cela permet de mobiliser en termes de moyens : financiers (notamment du côté "conventionnel"), humains (des deux côtés)
- cela joue grandement sur les opérations tactiques, menées au coeur de la population, qu'elles soient de stabilisation ou de subversion
La propagande (dans son acception générale, c'est-à-dire la stratégie de communication utilisée par une personne ou organisation pour influencer la population dans sa perception des événements ou des personnes) est donc au coeur des préoccupations des pouvoirs militaires et politiques. Dans le cadre plus large de la "guerre de l'information", il s'agit par tous les moyens (dont certains illégaux ou immoraux) de déstabiliser l'adversaire
- en répandant sur son compte des informations négatives (vraies ou fausses),
- en lui faisant croire à des choses fausses (empiétant sur le domaine du renseignement) et en semant chez lui la confusion
- en valorisant ses propres actions, en faisant si nécessaire diversion sur ce qui fâche, ou en mentant par omission
- en faisant apparaître comme neutre et/ou objective ses propres idées (notamment au travers de tiers, comme des analystes ou journalistes)
Ces outils, qui peuvent s'appuyer sur des moyens technologiques (mais sans que cela ne soit primordial, les canaux de communication étant souvent "mis à disposition" par des tiers : médias, sites Internet...tiers qui sont soit du même bord, soit se voulant "neutres"), sont utilisés selon des modalités assez proches par une force "conventionnelle" ou une guérilla, mais avec quelques différences, dont les suivantes :
- beaucoup moins de "politiquement correct" du côté guérilla, dans le discours (moins de glissement sémantique que dans les discours officiels qui parlent de "frappes chirurgicales", de "victimes collatérales", de "guerre propre"...) et les images, avec un fond idéologique plus affirmé (qu'il soit local ou internationaliste)
- plus grande mise en avant de données chiffrées (plus ou moins honnêtement présentées) du côté conventionnel, alors qu'une guérilla insistera plus sur des faits d'armes précis (en ayant éventuellement recours à l'hyperbole)
- bien évidemment, appui beaucoup plus prononcé sur des acteurs médiatiques, industriels, politiques pour les forces conventionnelles
La réalité, sur ce terrain, compte finalement peu, seule la perception de la réalité par "le monde extérieur" étant importante.
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