De son côté, l'Iran, dont le territoire est riche en hydrocarbures, voit son potentiel sous utilisé, la faute à un manque chronique d'investissement et des capacités de production trop faibles, en partie dus à la loi d'Amato. Aussi il accueille avec plaisir les compagnies russes (Gazprom notamment) et chinoises (CNOOC) qui souhaitent explorer, exploiter des gisements et remettre en état les puits de forage et les raffineries iraniennes; bref, moderniser un peu tout ça.
La Russie, en retour, y trouve un ancrage caspien dans LE pays de la région non soumis aux États-Unis.
L'Organisation de la Coopération de Shanghai (OCS)
L'OCS est une organisation intergouvernementale regroupant la Russie, la Chine, le Kirghizstan, l'Ouzbékistan, le Kazakhstan et le Tadjikistan. Elle porte sur une coopération économique et politique. L'Iran en est observateur (de même que l'Inde et le Pakistan). Il est ici intéressant de noter que la population totale des 6 états membres dépasse les 1,5 milliard d'habitants, et que si l'on ajoute celle des pays observateurs, on dépasse les 2,7 milliards.
Le 24 mars dernier, lors d'une visite au Tadjikistan, le ministre iranien des affaires étrangères a annoncé que son pays avait déposé officiellement une demande d'adhésion à part entière à l'OCS. Il s'agit pour la pays des mollahs, au travers de cette adhésion, de rentrer pleinement dans le concert des nations, qui plus est dans une vaste région où il souhaite consolider et accroître son influence.
Comme le souligne
RIA Novosti, l'Iran a déployé des efforts colossaux pour s'attirer les grâces des membres, mais sait que Pékin, qui souhaite ménager l'Occident et les Etats-Unis, sera l'obstacle numéro un :
En ce moment, l'Iran est un des principaux agents économiques précisément dans la zone des intérêts naturels de l'OCS: la région de la Grande Asie centrale (GAC), où s'implantent activement les Etats-Unis au grand dam de Moscou.
Les mérites de l'Iran dans cette région sont évidents. Il suffit de citer la construction de deux tunnels au Tadjikistan et des deux centrales hydroélectriques de Sangtouda et Chourabskaïa, les plus grandes de la région. Douchanbé (capitale du Tadjikistan) a également choisi le partenaire iranien pour un projet stratégique sur le plan régional: la construction d'un chemin de fer qui reliera le Tadjikistan, l'Afghanistan (enfin!) et l'Iran. Ce dernier est également chargé de créer des zones de libre échange au Tadjikistan.
Téhéran est passé maître dans l'art de la tactique. Sa demande officielle d'adhésion ne fait pas exception. Pour Moscou et Pékin (adversaire numéro un de l'Iran à l'OCS), principaux fondateurs et gardiens des principes de l'organisation, cette initiative iranienne est certainement un problème difficile, car une demande officielle implique une réponse officielle.
Et si la Russie appuie l'entrée de Téhéran, c'est encore une fois pour une question d'influence en Asie Centrale, une zone décidément "attaquée" par les Américains, avec l'Afghanistan pour point focal :
L'Iran déploie des efforts non moins énergiques en vue de pénétrer sur les marchés d'autres républiques d'Asie centrale, notamment le Kirghizstan et le Turkménistan. Il convient de mettre l'accent sur l'Afghanistan, car les Etats-Unis tentent d'attirer toutes les républiques d'Asie centrale vers ce pays, et de les arracher à l'influence de Moscou. C'est pourquoi la Russie cherche à entraîner l'Afghanistan dans l'OCS, mais, pour l'instant, ses efforts s'avèrent peu fructueux. En Afghanistan, l'Iran est traditionnellement présent sur les plans économique, culturel et politique plus que tous les autres membres de l'Organisation de coopération de Shanghai.
L'Iran de son côté joue plus ou moins son rôle de "caution musulmane" de la Russie dans la région, notamment en intervenant comme médiateur (pour rappel, l'Iran est fortement soupçonné d'avoir participé à la guerre civile du début des années 1990) au Tadjikistan dans le conflit entre
le Nahzati Islomi Tojikiston (Parti de la Renaissance Islamique du Tadjikistan) et le
Hizbi Demokrati-Khalkii Tojikston (Parti Démocratique Populaire du Tadjikistan).
ConclusionOn l'a vu, le rapprochement Russie-Iran s'est fait sur des domaines stratégiques (énergie, armement), très souvent dans le cadre d'une opposition plus ou moins directe aux États-Unis, et encore plus souvent par la rencontre d'intérêts convergents et circonscrits. Le cadre géographique de leur relation est naturellement le Caucase et l'Asie Centrale, terre d'affrontement économique avec les USA. Bien sûr les sujets de désaccord ne manquent pas, et notamment une position un peu trop radicale sur le dossier nucléaire ou des histoires de concessions en Mer Caspienne.
De plus, si la Russie a besoin de l'allié iranien, à la fois pour ses débouchés mais également pour faire contrepoids à l'influence unilatérale américaine, elle n'a pas forcément tout à gagner d'un Iran nucléarisé et extrêmement puissant, qui viendrait à son tour empiéter potentiellement sur ses plates-bandes dans le Caucase ou en Asie Centrale.
Enfin, la Russie, sur le dossier iranien, est à la fois allié et adversaire de la Chine, autre poids lourd de l'OCS, qui a des visées sur le marché intérieur et les ressources de l'Iran, mais qui doit également composer avec son désir de puissance globale.
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