A la Une

Mon Blog Défense

samedi 30 juillet 2011

"Breivik s’est radicalisé et a commis ses actions seul", entretien avec Jean-Marc Flükiger

A la suite de la double tuerie survenue en Norvège le 22 juillet dernier, Jean-Marc Flükiger, auteur de Nouvelles guerres et théorie de la guerre juste (dans lequel il traite notamment du concept de résistance sans leader), a accepté de répondre à quelques questions. Il est rédacteur pour le site d’études sur le terrorisme, www.terrorisme.net pour lequel il a publié de nombreuses contributions, notamment autour du mouvement radical de libération des animaux, d’Al-Qa’ida et du terrorisme en général.


AFP / Jan Bjerkeli


1 – Qu’est-ce que la résistance sans leader et en quoi Anders Breivik en est-il ou non, à la lumière des éléments connus à ce stade, une illustration ?


Pour bien comprendre ce qu’est la « résistance sans leader » et son ancrage dans les mouvements d’extrême-droite américains, il est intéressant de se référer aux écrits de Jeffrey Kaplan, un chercheur américain, spécialiste de l’extrême-droite et notamment son important article « Leaderless resistance » paru en 1997. C’est d’ailleurs sur la base de ses travaux que je développe mes réflexions autour du concept et de son histoire dans mon ouvrage, Nouvelles guerres et théorie de la guerre juste.

Selon Kaplan, on peut définir la « résistance sans leader » comme « une opération impliquant un individu seul ou une cellule composée d’un (très) petit nombre d’individus qui s’engage(nt) dans des actions violentes, souvent antiétatiques (mais pas nécessairement) indépendamment du soutien d’un quelconque mouvement, d’un quelconque leader ou d’un réseau de soutien ».

Selon cette définition, je pense que l’on peut interpréter les attaques de Breivik (au centre d’Oslo et sur l’île d’Utoya) comme des manifestations de « résistance sans leader ». Celui-ci a très probablement agi seul, sans le soutien d’un quelconque réseau ou d’une quelconque cellule. Selon sa publication, celui-ci accusait le gouvernement norvégien de contribuer à une islamisation de son pays. Ses visées étaient donc politiques, même si beaucoup de gens les considèrent comme irréalistes (voir simplement folles). Pour une analyse de son pamphlet et de ses motivations, j’attire également l’attention sur une intéressante analyse publiée par Jean-François Mayer sur le site terrorisme.net,

Les précédents les plus connus d’un tel type de terrorisme sont sans doute Timothy McVeigh (auquel Breivik fait référence à plusieurs reprises dans son texte), auteur des attentats d’Oklahoma en 1995 ou d’autres extrémistes de droite comme David Copeland en Grande-Bretagne (auteur d’une série d’attentats en 1999 à Londres).

Au niveau du mouvement radical de libération des animaux et de la Terre, il est intéressant de constater les similarités entre les écrits de Breivik et les propos d’un ancien porte-parole de l’Animal Liberation Front (ALF), Robin Webb. Celui-ci déclare que « On peut raisonnablement argumenter qu’on devient un membre de l’ALF en exécutant une action de l’ALF (...). Toute personne (…) peut entreprendre une action qui tombe sous le coup de ces règles et peut déclarer qu’il s’agit d’une action du Front de Libération Animale. Il n’y a pas de hiérarchie, pas de leader (…). Tous, chacun de vous : vous êtes l’ALF ».

En substance, on retrouve des propos similaires dans l’ouvrage de Breivik, celui-ci déclare « aucune cellule dormante ne peut rester inactive à attendre des ordres venus d’en haut. Votre obligation en tant que Chevalier justicier/commandant de cellule est d’agir selon votre initiative propre. Tout patriote seul qui souhaite établir une cellule et commencer des actions (« begin action ») peut le faire et ainsi devenir une partie de l’organisation ».


Dans les deux citations, on retrouve l’idée d’une affiliation, non par la soumission à une organisation (et ses leaders), mais par une action ou plusieurs actions qui se revendique(nt) du mouvement que Breivik imagine créer.

2 – Sans un leadership idéologique s'appliquant aux cellules et/ou membres d'un "mouvement de résistance", comment celui-ci peut-il définir et faire appliquer ses propres limites, y compris dans les moyens utilisés pour atteindre ses objectifs (si applicable, i.e. hors situation où il n'a rien à perdre et où tous ses membres doivent être prêts à tout) ?


C’est un problème important pour les mouvements organisés selon la « résistance sans leader ». Lorsqu’il écrit son article, Louis Beam, le « père » du concept, est confronté à la même question. Il propose un système de cellules, au sein duquel « tous les individus opèrent de manière indépendante, sans avoir à rendre des comptes à un quartier-général central ou à un leader individuel ».

Mais alors, sur quelle base un mouvement fondé sur la résistance sans leader pouvait-il fonctionner en termes de formation, d’information et d’organisation des actions ? Selon Beam, « la réponse à cette question réside dans le fait que les participants à un programme de résistance sans leader par le biais de cellules fantômes ou d’actions individuelles doivent savoir exactement ce qu’ils font et les moyens pour y parvenir. Il en va de la responsabilité de l’individu d’acquérir les compétences nécessaires et les informations quant aux actions qui doivent être entreprises. Ceci n’est pas aussi impraticable que cela en a l’air dans la mesure où, dans tout mouvement, toutes les personnes impliquées ont une vision commune des choses, partagent une même philosophie et réagissent généralement de manière similaire dans des situations données ».

En l’absence d’une hiérarchie et d’un leader, le partage d’une même philosophie par les membres d’un mouvement est décisif, non seulement pour la détermination des actions, mais également pour l’identité et la cohésion du mouvement en tant que tel.

On a constaté par exemple que les mouvements radicaux de libération des animaux et de la Terre fonctionnent sur un certain nombre de principes qui leur permet de pallier à l’absence de leader ou d’organisation. Pourtant, cette manière de fonctionner n’est pas sans soulever un certain nombre de problèmes.

D’abord, il existe toujours la question des « sous-mouvements » dissidents, qui n’acceptent pas les principes d’action du mouvement (ou seulement certains de ces principes). On l’a constaté avec la règle du Front de Libération des Animaux (ALF) selon laquelle « il faut prendre toutes les précautions pour ne blesser ni animal, ni être humain ». Certains « sous-mouvements » – comme l’Animal Rights Militia n’acceptent pas ce principe et passent outre. Comme le mouvement est totalement décentralisé, il n’y a pas un leadership pour « contraindre » les éléments récalcitrants à respecter les principes et à rentrer dans le rang. A terme, cela peut conduire à une radicalisation du mouvement, à des dissidences et un éclatement de ce dernier.

En l’absence d’un centre, on constate également que ces mouvements sont quasiment dans l’impasse lorsqu’il s’agit de « normaliser » leur message et de passer d’une action violente à une action politique non-violente. Il leur est extrêmement difficile de passer d’une phase « décentralisée » à une phase plus « centralisée ». Une des seules manières de continuer à propager leur message reste donc la « propagande par le fait », la continuation des actions.


3 – Un attentat du type de ceux d’Oslo est plutôt associé, depuis plusieurs décennies, aux mouvements violents de l’extrême-droite américaine (Timothy McVeigh, Eric Rudolph…). Y a-t-il une contagion européenne, idéologique ou même opérationnelle ? Quels en sont les médias ?


Ces dernières années, on a observé une « contagion » de la mise en œuvre de ce concept dans différents mouvements et nébuleusesqui n’ont rien d’autre en commun. D’une part, les mouvements radicaux de libération des animaux et de la Terre font usage de ce concept (sans nécessairement connaître les écrits de Beam par ailleurs) et sont également organisés de façon totalement décentralisée et en petites cellules.

On a également constaté que des individus et des cellules, se revendiquant d’Al-Qa’ida, ont également mis en pratique ce concept de résistance sans leader et son absence de liens hiérarchiques et d’organisation. L’exemple le plus frappant ces dernières années est la cellule responsable des attentats de Madrid en 2004 qui ne semblait pas avoir de contact direct avec Al-Qa’ida mais qui a été inspirée par son message.

Au niveau de la violence salafiste-jihadiste, il est probable que le théoricien Abu Musab Al-Suri et son Appel à la résistance islamique globale constitue le lien théorique entre lien entre l’extrême-droite et Al-Qa’ida. Il n’est pas clair dans quelle mesure Al-Suri connaissait les écrits de Beam, cependant on peut supposer qu’il connaissait l’ouvrage de fiction Turner Diaries de William Pierce. Cet ouvrage a eu une influence sur le développement du concept de résistance sans leader.

Même s’il est emprisonné depuis 2005, on constate que les écrits de Suri continuent à faire des émules. Ainsi, les premiers numéros d’Inspire - cette publication jihadiste en langue anglaise dont le lancement en 2010 avait été largement répercuté par les médias - contiennent des extraits de l’Appel à la résistance islamique globale.

L’explication de cette contagion entre extrême-droite et salafisme-jihadiste est multiple, mais une me semble particulièrement intéressante. Il s’agit de la peur, du désespoir pour les militants que leur groupe/organisation ne disparaisse. Même si elles ont été rédigées dans des cultures et à la lumière de luttes différentes, les théories de Beam et d’Al-Suri présentent de nombreuses similarités.

Du point de vue de l’analyse politique, elles considèrent que le contexte (ou l’environnement) politique national (Beam) ou international (Al-Suri) a changé et que ce changement vise la suppression des mouvements d’extrême-droite (Beam) ou jihadistes (Al-Suri). Du point de vue de l’analyse des conséquences, Beam et Al-Suri arrivent à la conclusion que les organisations classiques structurées hiérarchiquement doivent se transformer si elles veulent survivre et c’est pour cela qu’ils se font les défenseurs de la « résistance sans leader » (Beam) ou « l’école du jihad individuel et de petites cellules » (Al-Suri).


4 - Est-il envisageable que les forces de sécurité européennes aient sous-estimé leur probabilité de passage à l’acte au profit d’autres groupes terroristes ?


Dans le cas présent, je ne « jetterais pas la pierre » aux services de renseignement et de sécurité. Breivik n’a pas commis d’erreur dans sa préparation (ou peut-être une, lorsqu’il essaie d’acquérir des armes à Prague ou essaie de se rapprocher des Hells Angels) et il était donc très difficilement repérable. Même avec des pouvoirs de surveillance accrus, je pense que Breivik serait passé entre les mailles du filet sécuritaire.

Il est cependant vrai que, en se focalisant essentiellement sur le terrorisme jihadiste ces dernières années, il y a un risque de sous-estimer d’autres formes d’extrémisme et de danger. Dans cette perspective, il me semble important de ne pas perdre une vue d’ensemble.


5 – Internet a contribué à la dématérialisation des liens idéologiques et opérationnels, facilitant ainsi le fonctionnement distribué de ses membres et cellules. Mais cela ne peut-il pas également contribuer à surestimer l’autonomie réelle dont ces derniers bénéficient, en brouillant leurs interactions ?


Votre question me rappelle la discussion autour du « jihad sans leader » qui a fait rage en 2008 (et depuis) entre Marc Sageman et Bruce Hoffmann (et d’autres). Pour Hoffman, la menace d’un jihad sans leader, auto-radicalisé, indigène est largement surestimée. C’est ce qu’il reproche à Sageman, qui défend justement cette position (voir une présentation succincte de ce débat).

Beaucoup de gens ne croient pas en la possibilité d’une auto-radicalisation ou une radicalisation virtuelle. Je me souviens d’une discussion avec un spécialiste du jihadisme en 2006-2007. Ma thèse de « résistance sans leader » l’avait fait sourire. Pour un certain nombre de gens, la radicalisation doit toujours être le résultat d’une rencontre « concrète », « physique ». Par exemple, dans son récent ouvrage The Longest War, The Enduring Conflict between America and Al-Qaeda, Peter Bergen, qui a consacré plusieurs livres à Al-Qa’ida, cite un responsable du contre-terrorisme américain selon lequel « il est facile de trouver des «têtes brûlées» (hotheads) dans des cafés. Mais «Al-Qa'ida central» constitue un élément critique pour transformer ces têtes brûlées en une cellule disposant de capacités».

On voit que certains ont encore de la difficulté à admettre la possibilité de l’auto-radicalisation, sans une rencontre, un contact direct ou indirect. Cette problématique est d’ailleurs discutée dans la recension de l’ouvrage de Matthieu Guidère, Les nouveaux terroristes.

En acceptant la thèse d’une auto-radicalisation, sans « interaction concrète », il existe effectivement un risque de ne pas voir que des interactions personnelles peuvent exister. Pour moi, le plus grand danger réside cependant dans l’aveuglement par rapport à la possibilité d’une auto-radicalisation. L’exemple de Breivik apporte un exemple très concret – et tragique - du contraire. Si c’est possible pour quelqu’un comme Breivik et la cause qu’il estime défendre (lutter contre ce qu’il estime être « l’islamisation de l’Europe »), cela est également plausible pour d’autres causes.


6 – Concernant les raisons de la double tuerie d’Oslo, on assiste à un débat entre les tenants de causes idéologiques et ceux qui insistent sur une explication « personnelle » intrinsèque à Anders Breivik. Comme l’indique Marc Sageman, «la radicalisation est un processus collectif plutôt qu’individuel, dont les liens d’amitié et de parenté sont des éléments clés ». Peut-il y avoir des loups solitaires « auto-radicalisés » sans accord et partage, au sein d’un mouvement plus large, des moyens à mettre en œuvre, au-delà des seuls objectifs ?


Comme je l’ai écrit précédemment, je pense effectivement que la possibilité d’une auto-radicalisation existe – Breivik est un excellent exemple. Le plus grand danger serait de rester aveugle face à cette possibilité.

A l’opposé, il est important de rester prudent et de ne pas verser dans une « psychose sécuritaire » en donnant des pouvoirs de surveillance trop larges aux organisations de renseignement ou de sécurité. Breivik s’est radicalisé et a commis ses actions seul. Il a été extrêmement minutieux et méthodique dans sa préparation. De ce point de vue-là, il constitue une exception. Généralement, les gens qui préparent de telles actions commettent des erreurs, par exemple lors de l’acquisition de matériel, qui permettent de les repérer. Breivik n’en a – malheureusement – pas commis, même si, pour prendre un exemple, sa tentative d’acquisition d’armes en République tchèque ou son rapprochement avec les Hells Angels aurait pu le faire repérer.


7 – De nombreux médias et commentateurs ont eu pour premier réflexe d’attribuer les attaques à Al-Qaïda, ce qui ne manque pas aujourd’hui de provoquer des réactions sur l’islamophobie en Europe. Mais, alors que Breivik fait lui-même référence à Ben Laden dans son « manifeste », y a-t-il des points communs organisationnels et opérationnels entre le jihadisme d’aujourd’hui (tel que théorisé par Al-Suri) et les tenants occidentaux de la leaderless resistance ?


On constate qu’il existe des similarités théoriques relativement importantes entre la « résistance sans leader » prônée par Beam et « l’école du jihad individuel et de petites cellules » d’Al-Suri. Les deux arrivent à la conclusion que les organisations classiques structurées hiérarchiquement doivent se transformer si elles veulent survivre.

Cette transformation est essentiellement structurelle. Étant donné qu’elles peuvent être facilement infiltrées, les structures hiérarchiques représentent un danger pour la cause et il est donc nécessaire d’abandonner le système pyramidal (hiérarchique).

Du point de vue de leurs solutions respectives, Beam propose une structure d’individus ou de petites cellules « opérant de manière indépendante sans avoir à rendre des comptes à un quartier-général central ou à un leader individuel ». La solution proposée par Al-Suri est identique à celle de Beam : il s’agit d’organiser la lutte autour « d’unités de la résistance globale islamique » composées soit d’individus, soit de cellules sans aucun lien entre elles.

Beam et Al-Suri insistent également sur le fait que le seul élément commun entre les combattants individuels est une vision du monde et une philosophie partagées, et non l’appartenance à une structure hiérarchique. Alors que Beam parle d’une « même vision du monde » et d’une « même philosophie », Al-Suri parle « d’un nom, d’un programme, d’une doctrine et d’un but communs ». Du fait que les structures de résistance sans leader sont déterminées par une philosophie et un programme communs, Beam et Al-Suri découragent les contacts entre les cellules opérationnelles et le leadership du mouvement.


8 – Dès lors que l’identité de Breivik a été révélée, une réticence est apparue quant à l’appellation de « terroriste ». Cela est-il dû selon vous uniquement aux explications relatives à son état psychiatrique supposé ?


N’étant pas psychiatre, il m’est difficile de me prononcer sur la santé mentale de Breivik. Ce que je constate, c’est qu’il semble extrêmement difficile d’abattre des gens de sang-froid, qui plus est en si grand nombre. Il y a ici des barrières psychologiques et éthiques très importantes. De ce point de vue-là, je pense qu’il y a ici une part de folie dans son action.

Pourtant, la lecture de son pamphlet de 1500 pages (même s’il semble avoir puisé dans d’autres écrits) ainsi que la manière dont il a préparé son action révèle quelqu’un d’articulé, de rationnel, méthodique et minutieux. Peut-être également mythomane (on pense ici à ses propositions d’ordres et de médailles). J’ai beaucoup de mal à concevoir son action uniquement comme celle d’un fou. Cela me paraît trop réducteur.

Pour ma part, je la considère comme celle d’un terroriste: il semble guidé par un objectif politique (lutter contre ce qu’il estime être l’ « islamisation de l’Europe »), il utilise la violence comme canal pour véhiculer un ou plusieurs message(s) que l’on retrouve dans son pamphlet, utilise ses victimes comme des symboles pour propager la peur dans la population. Qui plus est, une deux attaques visait directement des installations gouvernementales, ce qui confirme le caractère politique de cet acte. Même si ses objectifs politiques semblent irréalistes (ou fous), cela ne veut dire qu’ils n’existent pas.

De ce point de vue, son action est politique et entre dans la catégorie des actes terroristes.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

jeudi 28 juillet 2011

Focus stratégique No. 20 bis: Toward the End of Force Projection?

Je signale la parution du numéro 20 bis de Focus Stratégique par l'IFRI, consacré à la projection de force. L'auteur en est Corentin Brustlein, que vous avez notamment pu voir sur un tout autre sujet lors du Café Stratégique relatif à la défense anti-missile balistique en novembre 2010.

En voici la présentation :

Force projection has become a general posture and a fundamental dimension of the influence Western powers intend to exert over the world by means of their armed forces. However, for the last fifteen years, Western states' adoption of expeditionary postures has encouraged the proliferation of certain technologies. The latter favor strategies based on naval and air interdiction, and threaten to render foreign interventions too costly. This article thus seeks to provide some clues for understanding and assessing the threat anti-access strategies pose to Western, and especially European, force projection capabilities. In order to illustrate in a concrete way the potential problems regional adversaries can pose, this article will focus on assessing the Iranian anti-access threat.

Corentin Brustlein is a research fellow in Ifri’s Defense Research Unit. He is also the deputy editor the Proliferation Papers, and blogs at Ultima Ratio.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

mardi 26 juillet 2011

EADS et Thales en tête des entreprises préférées des futurs ingénieurs français

Dans le classement Universum des entreprises préférées des élèves des grandes écoles d'ingénieurs française publié au printemps, les entreprises de défense, comme les années précédentes, se taillent encore la part du lion.


EADS et Thales sont aux deux premières places, alors que Dassault Aviation est sixième et Safran dix-neuvième. A noter également la présence dans le top 10 de Google et Apple, au recrutement certes infinitésimal dans l'hexagone, mais qui savent s'appuyer sur une image de marque dynamique, innovante, jeune, hype...


Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

dimanche 24 juillet 2011

Nouvelles guerres et théorie de la guerre juste, de Jean-Marc Flükiger

Il est parfois des coïncidences étranges. Alors que se déroulait la double tragédie d'Oslo, je terminais l'ouvrage de Jean-Marc Flükiger, Nouvelles guerres et théorie de la guerre juste (Infolio, 2011, 120 pages). Au passage, je découvre la collection Illico, qui se veut une sorte de Que Sais-je ?, avec des livres courts concentrés sur un sujet précis.




L'auteur y confronte la théorie de la guerre juste (structurée autour des jus ad bellum, jus in bello et plus récemment jus post bellum) à la "transformation" de la nature de la guerre ces dernières décennies. Mais quel lien avec les attentats d'Oslo et Anders Breivik ? Tout simplement le fait qu'au-delà de la guerilla, du terrorisme, des conflits asymétriques ou irréguliers, Jean-Marc Flükiger met en avant le concept de "résistance sans leader" ("leaderless resistance"), popularisé dans les années 1980 par Louis Beam, membre du Ku Klux Klan et de la Nation Aryenne. Vu comme le seul moyen d'éviter l'infiltration de l'extrême-droite raciste, racialiste et survivaliste par les agents gouvernementaux et de contourner les faiblesses d'une structure pyramidale, il promeut le fonctionnement autour de cellules extrêmement réduites voire individuelles, opérationnellement indépendantes, mais partageant une même vision des méta-objectifs à atteindre. Et met à l'honneur les "loups solitaires". On voit bien là, et l'ouvrage le souligne, un point commun avec les thèses d'Al-Suri, "stratège" d'Al-Qaeda et théoricien du jihad moderne (pour simplifier).

Louis Beam

D'autant que Breivik, dans son "manifeste" de 1500 pages largement copié sur celui de Ted Kaczynski, plus connu sous le nom d'Unabomber, cite Al-Qaïda et Ben Laden comme exemples de succès dans l'activité terroriste (quelle que soit la réalité d'une telle opinion).

Jean-Marc Flükiger ne s'attache pas aux aspects militaires ni opérationnels des "nouvelles guerres", mais plutôt à la manière dont elles constituent un défi pour l'évaluation morale "traditionnelle" de la guerre, autour notamment de la question des cibles légitimes (distinction entre combattants et non-combattants, notion de légitime défense, d'autorité légitime, de société minimalement juste...), en mettant en avant la prise en compte de l'individualisation des combattants (alors que traditionnellement le soldat, régulier ou non, n'est envisagé comme "dangereux" que par son appartenance à une organisation militaire), et conclut finalement à la pertinence de la théorie de la guerre juste, pour autant qu'elle soit adaptée à cette nouvelle configuration.

Ce que je regrette principalement dans cet ouvrage, par ailleurs très pédagogique, est que les développements relatifs à la rencontre des nouvelles guerres et de la théorie de la guerre juste sont un peu courts, en comparaison notamment des très nombreuses pages concernant la description du jus ad bellum / in bello / post bellum dans un cadre classique, id est une guerre interétatique. Certes, on peut penser que le format imposé de l'ouvrage ne permet pas de s'épancher autant que souhaité.

Par ailleurs, d'autres facteurs sont peut-être à prendre en compte pour questionner cette théorie de la "guerre juste", comme la technologisation / robotisation de la guerre, l'interaction toujours plus grande entre guerre et économie (vous vous souvenez du thème du colloque du 1er juillet ?), le recours croissant aux SMP, la quatrième dimension et le cyberespace, la guerre en coalition...

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

mardi 19 juillet 2011

Le site du Sénat, une mine d'informations

Si vous avez du temps libre, je vous conseille de visiter le site du Sénat et en particulier les pages de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.



Y sont régulièrement publiés des rapports sur de nombreux sujets qui nous intéressent ici. Parmi les plus récents figurent :

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

dimanche 17 juillet 2011

La stratégie américaine pour le cyberespace dévoilée le 14 juillet


Le Pentagone a publié ce 14 juillet sa stratégie relative au cyberespace. Le document est en ligne et met en avant cinq initiatives :
  • Considérer le cyberespace comme un domaine opérationnel à part entière (au même tire que la terre, l'air ou la mer) nécessitant une organisation, un entraînement et un équipement spécifique, afin que le Department of Defense (DoD) en retire tout le potentiel
  • Développer de nouveaux concepts opérationnels pour mieux protéger les réseaux et systèmes du DoD (appui notamment sur les ressources humaines, prise en compte de la mobilité, du cloud computing, capacités de défense dynamique basée sur des logiciels, capteurs et autres senseurs...)
  • S'appuyer sur des partenariats avec d'autres administrations US et le secteur privé (IT au sens large, éditeurs, constructeurs et intégrateurs) pour la mise en place d'une approche réellement globale
  • Construire des relations solides avec les alliés des Etats-Unis pour l'émergence de réelles coalitions internationales (bizarement, l'OTAN n'est mentionné que dans la légende d'une photo et non directement dans le corps du document. On se souvient pourtant des déclarations de William Lynn, sous-secrétaire d'Etat à la défense : Lynn veut un bouclier triple action pour l'OTAN)
  • Tirer profit de et catalyser les compétences et les efforts de R&D étatsuniens dans le cyberespace, avec une volonté de réduire le time-to-delivery

Tout ceci dans un contexte, précise le rapport, sans grande surprise, où la dépendance du DoD au cyberespace n'est pas appuyée par une politique de cybersécurité adéquate. Des puissances étrangères (non nommées) s'efforcent d'accéder à de l'information classifiée ou de perturber les infrastructures américaines. Mais elles ne sont pas les seules, car des organisations non-étatiques se font également menaçantes, avec un impact potentiel sans commune mesure avec leur propre taille ni leurs moyens financiers. Pour certains, cette publication ne fait qu'entériner ce que d'aucuns affirment depuis longtemps : la cyberguerre est bien là.

Transparaît également dans le document la menace posée par la fabrication à l'étranger (i.e. en Asie) de matériels et systèmes conçus et utilisés aux Etats-Unis. C'est donc le boomerang de la délocalisation qui revient dans la figure des Occidentaux sur ce dossier.

En termes de coopérations, le rapport fait du Department of Homeland Security le responsable de la coordination inter-agences pour tout ce qui touche à l'identification et la maîtrise des menaces contre les cyber-infrastructures de la Nation. On se souvient que nombre d'experts critiquent la potentielle emprise du DoD et des militaires sur la cybersécurité intérieure (voir par exemple La cyberguerre aura-t-elle lieu ?).

Concernant la coopération avec le privé, il est intéressant de noter que le Pentagone est conscient de la compétition qui se joue pour l'attraction des talents, notamment dans un contexte de tensions budgétaires pour le secteur public. Par ailleurs, l'accent est mis sur la collaboration avec le tissu de PME, qui aux Etats-Unis est au coeur de l'innovation IT.

Pour le moment, peu de réactions à ce rapport se sont fait entendre. mais il est vrai que le sujet est moins polémique ou polarisant aux Etats-Unis que d'autres, comme la défense anti-missile.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

vendredi 15 juillet 2011

2012 : le G8 en sauveur de l'humanité ?


[Attention : ce qui suit contient des spoilers]

J'ai vu récemment 2012, ce chef-d'oeuvre d'anticipation du grand Roland Emmerich. Je sais c'est pas glorieux. Un détail m'a interpelé dans ce film par ailleurs extrêmement crédible (il n'est évidemment pas question de parler de "réalisme" pour ce genre de divertissement). Le président des États-Unis, interprété par Danny Glover, lorsqu'il apprend la nouvelle de l'imminence de la catastrophe, en 2009 (ce qui laisse tout de même trois ans pour venir voir le cataclysme), décide derechef d'échafauder un plan avec... les autres dirigeants du G8 (Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada, Russie).

Eh bien figurez-vous qu'en 2012, le super plan a porté ses fruits au travers de super arches embarquant quelques (milliers de) happy few vers le renouveau de l'espèce humaine. Bien sûr, Himalaya oblige, les Chinois ont fait le gros du travail, même si on ne voit pas la tête d'un leader du PCC de toute l'histoire. Il est à noter que le tournage du film, sorti sur les écrans du monde entier en novembre 2009, a commencé à l'été 2008, juste avant la montée en puissance du G20 (premier sommet réunissant les chefs d'états ou de gouvernements en nombre 2008 à Washington). Ceci dit, cette poussée de multilatéralisme de la part des USA fait très "fin du XXème siècle", peu en phase avec les réalités du monde actuel. Même si Barack Obama a réaffirmé très récemment que l'Occident restait "le plus grand catalyseur d'action mondiale".

La photo de famille lors du sommet du G20 à Washington (15 novembre 2008)
crédits : Wikimedia Commons


On en vient à penser que finalement, les films où les Américains assument seuls l'avenir de l'humanité sont quand même moins incroyables...

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

jeudi 14 juillet 2011

Rapport du CNISF sur la situation socio-économique des ingénieurs fin 2010

Le 22ème rapport annuel du CNISF (Conseil National des Ingénieurs et Scientifiques de France) sur la situation socio-économique des ingénieurs français est en ligne.




Basé sur une enquête réalisée auprès de 40000 ingénieurs en activité (dont moi, fidèle répondant depuis plusieurs années), il dresse un panorama de cette population assez hétérogène (on ne peut parler de "profession" étant donnée la diversité des débouchés et des activités en entreprise ou ailleurs...) autour de plusieurs sujets :
  • la formation et l'accès à l'emploi
  • l'activité professionnelle, le positionnement dans l'entreprise, en France et à l'étranger
  • les ingénieurs face à l'innovation et la création d'entreprise
  • le marché de l'emploi des ingénieurs (attractivité, mobilité...)
  • le salaire
  • les ingénieurs face aux questions d'actualité : éthique, diversité, mixité, emploi des séniors, crise économique

La synthèse et le rapport complet, ainsi qu'un petit outil de calcul de salaire en ligne, sont disponibles ici : 22ème enquête sur la situation socio-économique des ingénieurs français



Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

dimanche 10 juillet 2011

[Le blog de la semaine] : Ma pile de livres

Découvert un peu par hasard par le biais d'Historicoblog (Stéphane Mantoux), le blog Ma pile de livres se veut un recueil de "Notes de lectures historiques". On notera que lesdites notes ont toutes trait à l'histoire militaire, ce qui ne peut qu'intéresser de nombreux lecteurs de mon propre blog.



Deux critiques sont consacrées à Koursk et au Chaudron de Tcherkassy de Jean Lopez (par ailleurs rédacteur en chef de la revue Guerres & Histoire), qui figurent tous deux dans ma propre pile de livres, bien trop fournie pour mon faible rythme. On sent d'ailleurs une certaine appétence de l'auteur du blog pour la Seconde Guerre Mondiale, avec, c'est à noter, de nombreuses notes relatives aux "fronts" asiatiques.

Je relève aussi un billet sur l'opus de Martin van Creveld, La transformation de la guerre, dans lequel l'historien militaire israélien se livre à une critique de Clausewitz. A lier à son dernier ouvrage, The age of Airpower, dans lequel il explique que face aux guerres actuelles (et futures), l'arme aérienne n'a aucun avenir (voir son interview dans le numéro 2 de Guerres & Histoire mentionné ci-dessus).

Un blog à suivre donc.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

samedi 9 juillet 2011

Focus stratégique n°32 : La guerre des hélicoptères

Je signale la parution du Focus Stratégique n°32 intitulé "La guerre des hélicoptères. L'avenir de l'aéromobilité et de l'aérocombat", signé par Etienne de Durand, Benoît Michel et Elie Tenenbaum de l'IFRI.


Un Apache
crédits : checkpoint-online.ch

En voici le résumé :

Les évolutions successives de l’hélicoptère militaire ont abouti à un système d’armes très sophistiqué technologiquement. Pensé à l’origine pour contrer les blindés soviétiques, l’hélicoptère d’attaque est désormais confronté à un large spectre de menaces qui le ramène aux fondamentaux développés dans des contextes de contre-insurrection. Les manœuvres aéromobiles dans la profondeur et les forces héliportées autonomes ont ainsi laissé place à l’appui direct des forces.

L’hélicoptère n’en demeure pas moins indispensable comme plateforme de combat et comme vecteur de mobilité tactique. Toutefois, le prix élevé de ces plateformes sophistiquées constitue un véritable défi pour des budgets de défense en diminution. Concilier la forte sollicitation en hélicoptères et les contraintes budgétaires actuelles impose désormais une adaptation des parcs à laquelle les évolutions technologiques ne sauraient seules apporter une réponse. Dans ces conditions, le temps des parcs homogènes composés de plateformes de même génération et dédiées à un seul type de tâche semble révolu.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

lundi 4 juillet 2011

Liste de lecture prévisionnelle pour la période estivale

Les beaux jours sont là, à défaut des vacances, donc voici quelques ouvrages que je compte lire dans les prochaines semaines (sans aucune garantie, n'étant pas maître de mon emploi du temps).


Michel Kerautret : Histoire de la Prusse



Edouard Pflimlin : Le retour du Soleil Levant, La nouvelle ascension militaire du Japon



Yves Lacoste : Ibn Khaldoun, naissance de l'Histoire, passé du tiers monde


André Clot : L'Egypte des Mamelouks, L'Empire des esclaves : 1250-1516



Olivier Kempf : L'OTAN au XXIe siècle


Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

dimanche 3 juillet 2011

Colloque Guerre et Economie du 1er juillet : éléments de bibliographie




Voici quelques ouvrages que vous retrouverez dans la bibliographie des actes du colloque "Guerre et Economie" qui a eu lieu ce 1er juillet à l'Ecole Militaire, liés au sujet que j'ai traité, "Etat, grande stratégie et protection de l'économie" :
  • Stratégie, B. H. Liddell Hart, Perrin, 2007
  • La grande stratégie de l'Empire Romain, Edward Luttwak, Economica, 2009
  • Revue Géoéconomie, Numéro 56 : L'âge d'or de la diplomatie économique, Choiseul Editions, 2010
  • Le patriotisme économique ou la méthode Colbert, Olivier Pastré, Perrin, 2006
  • Quel patriotisme économique ?, Eric Delbecque, PUF, 2008
  • Patriotisme économique, Bernard Carayon, Editions du Rocher, 2006
  • Politiques industrielles d'hier et d'aujourd'hui en France et en Europe, sous la direction d'Ivan Kharaba et al., Editions Universitaires de Dijon, 2009
Par ailleurs je me suis également appuyé sur divers articles écrits sur ce blog ou celui de l'Alliance Géostratégique :

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

samedi 2 juillet 2011

Retour sur le colloque Guerre et Economie du 1er juillet

C'est un beau colloque "Guerre et Économie" auquel j'ai participé hier, autour du thème "État, grande stratégie et protection de l'économie", dans le cadre d'une table ronde "De l'économie à la guerre" animée par Jean-Jacques Patry, aux côtés de Nicolas Bouzou, Ali Laïdi et Mathieu Anquez. Les actes seront publiés prochainement, restez donc attentifs.



Évidemment en quinze minutes on ne peut entrer dans le fond d'un sujet aussi vaste, que j'avais choisi d'axer sur le lien entre État et secteur privé, que j'ai la prétention de connaître un peu, avec une vision "terrain". L'aspect "grande stratégie" m'échappant dans le cas de la France je dois l'avouer, mais c'est normal, car pour un pays tel que le nôtre, elle est plus difficile à établir et discerner que celle des États-Unis ou de la Chine, qui ont réellement une volonté de domination globale, tout azimut.

Par ailleurs quelques thèmes non adressés en tant que tels dans le colloque ont émergé durant les longs échanges que nous avons eus avec le public (grâce à notre animateur, gardien de l'horloge pendant nos interventions) :
  • la compétition des modèles éducatifs, académiques et universitaires
  • l'importance de l'aide au développement en général dans la recherche d'influence
  • la question d'une stratégie d'envergure européenne
Sur le premier point, je travaille actuellement sur quelque chose dans le cadre d'un projet dont vous entendrez parler d'ici à quelques mois. Sur le troisième, j'avais prévu une petite conclusion dans le cadre de mon temps de parole, mais je n'ai pas eu le temps de la développer. Étant donné qu'elle n'apparaitra pas dans les actes du colloque, je vous la soumettrai bientôt en exclusivité ;-)

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine