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dimanche 24 juillet 2011

Nouvelles guerres et théorie de la guerre juste, de Jean-Marc Flükiger

Il est parfois des coïncidences étranges. Alors que se déroulait la double tragédie d'Oslo, je terminais l'ouvrage de Jean-Marc Flükiger, Nouvelles guerres et théorie de la guerre juste (Infolio, 2011, 120 pages). Au passage, je découvre la collection Illico, qui se veut une sorte de Que Sais-je ?, avec des livres courts concentrés sur un sujet précis.




L'auteur y confronte la théorie de la guerre juste (structurée autour des jus ad bellum, jus in bello et plus récemment jus post bellum) à la "transformation" de la nature de la guerre ces dernières décennies. Mais quel lien avec les attentats d'Oslo et Anders Breivik ? Tout simplement le fait qu'au-delà de la guerilla, du terrorisme, des conflits asymétriques ou irréguliers, Jean-Marc Flükiger met en avant le concept de "résistance sans leader" ("leaderless resistance"), popularisé dans les années 1980 par Louis Beam, membre du Ku Klux Klan et de la Nation Aryenne. Vu comme le seul moyen d'éviter l'infiltration de l'extrême-droite raciste, racialiste et survivaliste par les agents gouvernementaux et de contourner les faiblesses d'une structure pyramidale, il promeut le fonctionnement autour de cellules extrêmement réduites voire individuelles, opérationnellement indépendantes, mais partageant une même vision des méta-objectifs à atteindre. Et met à l'honneur les "loups solitaires". On voit bien là, et l'ouvrage le souligne, un point commun avec les thèses d'Al-Suri, "stratège" d'Al-Qaeda et théoricien du jihad moderne (pour simplifier).

Louis Beam

D'autant que Breivik, dans son "manifeste" de 1500 pages largement copié sur celui de Ted Kaczynski, plus connu sous le nom d'Unabomber, cite Al-Qaïda et Ben Laden comme exemples de succès dans l'activité terroriste (quelle que soit la réalité d'une telle opinion).

Jean-Marc Flükiger ne s'attache pas aux aspects militaires ni opérationnels des "nouvelles guerres", mais plutôt à la manière dont elles constituent un défi pour l'évaluation morale "traditionnelle" de la guerre, autour notamment de la question des cibles légitimes (distinction entre combattants et non-combattants, notion de légitime défense, d'autorité légitime, de société minimalement juste...), en mettant en avant la prise en compte de l'individualisation des combattants (alors que traditionnellement le soldat, régulier ou non, n'est envisagé comme "dangereux" que par son appartenance à une organisation militaire), et conclut finalement à la pertinence de la théorie de la guerre juste, pour autant qu'elle soit adaptée à cette nouvelle configuration.

Ce que je regrette principalement dans cet ouvrage, par ailleurs très pédagogique, est que les développements relatifs à la rencontre des nouvelles guerres et de la théorie de la guerre juste sont un peu courts, en comparaison notamment des très nombreuses pages concernant la description du jus ad bellum / in bello / post bellum dans un cadre classique, id est une guerre interétatique. Certes, on peut penser que le format imposé de l'ouvrage ne permet pas de s'épancher autant que souhaité.

Par ailleurs, d'autres facteurs sont peut-être à prendre en compte pour questionner cette théorie de la "guerre juste", comme la technologisation / robotisation de la guerre, l'interaction toujours plus grande entre guerre et économie (vous vous souvenez du thème du colloque du 1er juillet ?), le recours croissant aux SMP, la quatrième dimension et le cyberespace, la guerre en coalition...

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