crédits : EMA
Nous avons un devoir d’expression, un devoir de communication, un devoir de rayonnement. Nous devons être présents sur la place publique. A nous d’expliquer ce que nous sommes, ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons et comment nous le faisons. A nous d’expliquer quel type d’assurance-vie nous offrons aux français !
Cette posture ouverte que je vous demande d’adopter, c’est celle d’officiers garants d’une insertion harmonieuse des armées au sein de la Nation, celle d’officiers capables de diffuser, d’innerver l’esprit de défense chez nos concitoyens, celle d’officiers acteur et promoteur de la résilience de la Nation.[...]
Le devoir de réserve n’est pas le prétexte à une réserve muette qui à force d’être muette devient lâche et in fine irresponsable ! Nous avons notre place dans le débat stratégique.
A ce sujet, deux points : nous devons revendiquer - mot devenu syndical malheureusement – notre place dans le débat stratégique. Et nous devons le faire publiquement, surtout pas anonymement.
Quelques jours après, le général de division Vincent Desportes, justement commandant du CID, se faisait réprimander par le susnommé amiral Guillaud pour avoir critiqué dans les médias la stratégie mise en oeuvre en Afghanistan par les USA et leurs alliés. Indépendamment du fond (i.e. ses éventuels revirements d'opinion ou même l'aspect "choquant" de ses propos) et du fait de savoir s'il a raison ou tort, on ne peut que s'interroger sur la possibilité d'une contradiction dans la posture du CEMA.
L'expression sur la place publique des militaires (fonctionnaires soumis au devoir de réserve) en leur nom propre, depuis le compte Facebook du soldat à l'interview d'un officier général dans les grands médias, peut poser question. Notamment quand il s'agit de commenter les orientations politico-stratégiques, que ce soit la guerre en Afghanistan ou les RGPP. Après tout, dans le privé aussi, il est également considéré comme une faute grave le fait de "dénigrer" son employeur, champ dont peut faire partie la critique ouverte de sa stratégie (avec certes une certaine marge quant à l'appréciation d'où commence le dénigrement).
Et puis, dans un contexte où l'engagement en Afghanistan ne fait pas l'unanimité chez nous, il s'agit aussi, peut-être, de ne pas saper le moral des troupes et du peuple. Toujours est-il qu'alors il convient de bien définir ce "débat stratégique" évoqué par l'amiral Guillaud. A moins qu'il ne somme les officiers supérieurs/généraux de diffuser et promouvoir certaines idées et celles-ci uniquement dans ce débat. Ne parle-t-il pas, un peu plus loin dans le discours cité ci-dessus, de "cohésion" ? L'armée (la question se pose aussi, dans une autre sphère, pour le gouvernement), doit-elle afficher face au reste de la société un visage et un discours unis et homogènes, (la "ligne du parti") après avoir éventuellement débattu en interne, loin des regards et des oreilles publics ? L'expression publique directe doit-elle être exempte de critiques (par ailleurs nécessairement constructives !) et de remises en question ?
On lira avec intérêt l'article "Les mythes de la contre-insurrection et leurs dangers : une vision critique de l’US Army" du colonel américain Gian Gentile qui ne se prive pas de critiquer ouvertement la stratégie de "conquête des coeurs et des esprits" en Afghanistan et en Irak.