J'ai eu l'occasion de lire le premier numéro de la revue Guerres & Histoire, et j'avoue y avoir appris pas mal de choses. A signaler, une rubrique "Questions & Réponses" où les lecteurs sont appelés à contribuer en soumettant leurs interrogations sur l'histoire militaire. J'en tire la citation de la semaine, de Laurent Henninger, extraite de sa réponse à la question "Qui a inventé le canon ?" :
Au Xème siècle de notre ère, les Chinois mettent au point la formule de la poudre, dont la combustion instantanée délivre une énorme poussée. Ce qui leur permet d'inventer les premières pièces d'artillerie "chimique" - canons, lance-flèches, fusées - dont ils vont rapidement faire grand usage, en particulier durant les sièges.
Evidemment, il ne s'agit pas là d'un scoop, mais je voudrais relier ce point aux arguments développés par Daniel Cohen dans La prospérité du vice, déjà citée ici (Citation de la semaine : Daniel Cohen, guerre et économie), et qui viennent un peu en contradiction sur l'utilisation de la poudre en Asie de l'Est :
Dans son maître ouvrage, Science et civilisation en Chine, Joseph Needham pose la question qui les résume toutes : pourquoi la science moderne, celle de Galilée et Newton, s'est-elle développée en Occident et non en Chine ? Quel est l'obstacle caché qui a bridé leur avance ? Les Chinois développent les horloges hydrauliques mais n'arrivent pas à passer aux horloges mécaniques. Et ce n'est pas par désintérêt, car elles les fascineront lorsque les Européens leur en présenteront. Ils inventent la poudre, qu'ils n'utilisent pas à des fins militaires mais pour leurs feux d'artifice. La poudre, sans grande utilité en tant que telle, ne deviendra efficace en Europe qu'à la suite de nombreuses inventions. Il faudra d'innombrables adaptations avant de rendre le boulet de canon plus meurtrier pour celui qui le reçoit que pour celui qui l'envoie.
La réponse, après des développements sur le rôle de l'Etat et des marchés, vient quelques pages plus loin : ce sont les conflits incessants entre les Etats européens qui ont permis la période des Grandes Découvertes et plus largement l'essort technologique et économique de l'Occident, préfigurant sa domination sur le monde.
"L'atmosphère de routine, de traditionnalisme et d'immobilité rend toute innovation suspecte". La Chine n'a pas bénéficié du stimulus qu'a représenté en Europe la rivalité entre les puissances européennes. Préoccupée par sa stabilité intérieure, elle a interrompu la dynamique qu'elle avait pourtant engagée bien plus tôt. Quelques décennies avant que Christophe Colomb n'embarque pour l'Amérique, la Chine choisit la stabilité et se referme sur elle-même.
D'où l'intérêt de la concurrence pour stimuler l'innovation, également conditionnée par le cadre que fournit l'Etat, devant assumer son rôle de stratège dans la compétition mondiale, quand il n'est plus producteur ou actionnaire de référence.
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