Longue citation d'un ouvrage dont je recommande la lecture, La prospérité du vice, de l'économiste Daniel Cohen :
Une analyse keynésienne de la corrélation entre guerre et croissance proposerait le raisonnement suivant : les dépenses militaires créent des débouchés nouveaux pour les entreprises. Les guerres tirent la croissance économique. La paix, au contraire, déclenche la récession : elle prive l'économie des dépenses d'armement et ralentit la croissance. Hansen, le premier keynésien américain, a noté ce phénomène et en a tiré la recommandation pratique qu'il suffisait d'éviter la seconde phase (où les États cherchent à rembourser leur dette de guerre et réduisent leurs dépenses) pour annuler tout à fait les cycles économiques.
Cette interprétation n'est pourtant pas satisfaisante. Car les guerres semblent naître de la croissance, et non l'inverse. Comme le montre en effet Gaston Imbert, elles débutent généralement à la fin du cycle de croissance, plutôt qu'à son début. Selon un auteur anglais [NdJGP : Alec L. Mcfie dans The outbreak of war and the trade cycle] qui en a fait aussi l'expérience, "Sparks fly in the second stage of expansion" : le feu est mis au poudre lors de la seconde moitié des périodes de croissance. C'est la croissance qui pousse à la guerre.
Juste pour resituer le contexte : ces quelques phrases se trouvent juste après un développement sur les cycles de Kondratiev (et toutes leurs limites), et s'appliquent à la période pré-Seconde Guerre Mondiale. Bien évidemment, l'auteur prend grand soin de préciser qu'il faut se garder des raisonnements trop mécaniques et déterministes dans l'explication des causes des guerres.
Mais son but est bien de montrer que les faits sont là : la croissance économique ne coïncide pas nécessairement avec la paix ; car, même si l'on écarte le raisonnement léniniste (théorie de l'impérialisme), "le rôle de la croissance devient clair : elle relâche les contraintes budgétaires qui pèsent sur les États et leur permet d'accomplir leurs ambitions propres". Bien évidemment, cela ne signifie pas que des tensions ne peuvent apparaître en phase de récession, dans le cadre de la guerre économique.
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