A la Une

Mon Blog Défense

mercredi 5 janvier 2011

Chine - UE : quelques lignes sur la fin potentielle de l'embargo sur les armes

Ainsi donc, l'UE pourrait lever l'embargo sur l'exportation d'armes à destination de la Chine imposé depuis 1989 et les évènements de Tiananmen ; c'est en tout cas ce que recommande un rapport de Catherine Ashton, selon lequel il serait un frein à la coopération sino-européenne en termes de sécurité.


Ceci amène quelques réflexions :
  • On ne peut s'empêcher de rapprocher cette information de la volonté affichée par Beijing de moderniser son armée très rapidement et de façon autonome. Alors que la Chine paraît avoir définitivement renoncé, même pour la galerie, au pur "soft power" et commence à montrer régulièrement les crocs (dans le Pacifique e sur la scène mondiale), elle affirme enfin de façon ouverte que oui, si son budget militaire augmente régulièrement et fortement depuis plus de 10 ans, c'est pour être en mesure de faire la guerre.

  • Modernisation autonome ne signifie pas en autarcie, même si Beijing insiste sur le développement d'une industrie nationale de l'armement forte, dans "toutes les directions stratégiques", par ses propres moyens. Ainsi en témoigne la montée en puissance très rapide, volonté politique et capacités de financement aidant, dans le secteur spatial, les télécommunications, les technologies de l'information ou l'aéronautique (les essais de son chasseur de 5ème génération seraient en cours). Cependant, pour gagner un peu de temps, le transfert technologique, que les Occidentaux (notamment les Européens) ne sont pas vraiment en mesure de refuser, quitte à le payer au centuple dans quelques décennies, est une solution qui se systématise ; au Brésil, en Russie et en Inde également. D'autant que la Chine sait s'approprier les savoir-faire même par des circuits détournés, en contrevenant allègrement aux règles de l'OMC, à laquelle elle appartient pourtant (La justice, une arme de la guerre économique)

  • Nous l'avons déjà évoqué, la Chine, même après Deng Xiaoping, n'a pas renoncé à l'approche du "grand bon en avant" maoïste pour rattraper le retard technologique considérable qu'elle a accumulé au cours de la seconde moitié du XXème siècle. Certes la configuration est très différente de celle des années 1950 : cette posture volontariste est permise par la poigne de fer exercée par le PCC, qui sait instrumentaliser le nationalisme en interne, par la forte croissance économique que connaît le pays mais également par les inégalités de développement criantes mettant à disposition du régime des centaines de millions de travailleurs, étudiants et citoyens

  • Par le passé, les restrictions à l'exportation dans le domaine défense ont montré à ceux qui les pratiquaient qu'elles pouvaient motiver les "victimes" à développer par elles-mêmes leurs propres capacités. C'est le constat que font les USA relativement à ITAR, qui a boosté la R&D, et par suite, l'industrie, en Europe et en Chine dans le secteur aérospatial (Obama veut revoir les restrictions à l'exportation d'armement). Et c'est un argument (un peu paradoxal au passage) utilisé par les Chinois pour la levée de l'embargo européen : ils affirment ainsi que s'il est maintenu, ils développeront leurs propres armes plus rapidement.

  • Puisqu'on parle des USA, rappelons que Robert Gates doit rendre une visite à son homologue Liang Guanglie la semaine prochaine, afin de reprendre une coopération militaire suspendue entre les deux premières puissances mondiales depuis un an et l'affaire du "package" de 6 milliards de dollars d'armement que Washington serait prêt à vendre à Taiwan (Taiwan vaut-elle une guerre froide ?). Il est évident que les Etats-Unis, de même que le Japon, sont contre la levée de cet embargo ; il n'est pas plus surprenant que le Royaume-Uni soit en Europe le pays le plus réticent.

  • Il est par ailleurs nécessaire de relier la levée possible de l'embargo au contexte de crise financière et de faible croissance économique que connaissent un grand nombre de pays européens, et pas seulement les PIGS. Et alors que la plupart des analystes prévoient déjà qu'en 2011 la zone Euro restera un îlot de quasi non-croissance, la Chine a directement proposé son aide aux états désireux de trouver des financements à des taux raisonnables. Sans parler des débouchés économiques (à court-terme) que cela pourrait représenter. Bien évidemment, les officiels de l'UE nient le rapport avec la choucroute, et affirment que les seules contreparties à la levée de l'embargo concernent les droits de l'homme, les relations avec Taiwan et les libertés civiles en Chine.

Deux enseignements possibles :
  • La Chine vit comme une humiliation cet embargo, indigne de sa nouvelle position sur l'échiquier mondial (inutile de rappeler l'importance culturelle de "la face" dans l'Empire du Milieu) malgré sa dénégation de son propre statut de superpuissance
  • La Chine est impatiente (cf. le billet d'Olivier Kempf sur Le temps court de la Chine) et a encore besoin de technologie étrangère pour moderniser rapidement son armée, peut-être plus qu'elle ne souhaite l'affirmer haut et fort

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

Aucun commentaire: