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Mon Blog Défense

mercredi 30 mars 2011

Marie-France Garaud : La France a abandonné son indépendance

Une petite vidéo de circonstance, en ce mois consacré aux indépendances au XXIème siècle sur AGS :


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lundi 28 mars 2011

Citation de la semaine : Laurent Henninger, sur l'invention du canon


J'ai eu l'occasion de lire le premier numéro de la revue Guerres & Histoire, et j'avoue y avoir appris pas mal de choses. A signaler, une rubrique "Questions & Réponses" où les lecteurs sont appelés à contribuer en soumettant leurs interrogations sur l'histoire militaire. J'en tire la citation de la semaine, de Laurent Henninger, extraite de sa réponse à la question "Qui a inventé le canon ?" :

Au Xème siècle de notre ère, les Chinois mettent au point la formule de la poudre, dont la combustion instantanée délivre une énorme poussée. Ce qui leur permet d'inventer les premières pièces d'artillerie "chimique" - canons, lance-flèches, fusées - dont ils vont rapidement faire grand usage, en particulier durant les sièges.

Evidemment, il ne s'agit pas là d'un scoop, mais je voudrais relier ce point aux arguments développés par Daniel Cohen dans La prospérité du vice, déjà citée ici (Citation de la semaine : Daniel Cohen, guerre et économie), et qui viennent un peu en contradiction sur l'utilisation de la poudre en Asie de l'Est :

Dans son maître ouvrage, Science et civilisation en Chine, Joseph Needham pose la question qui les résume toutes : pourquoi la science moderne, celle de Galilée et Newton, s'est-elle développée en Occident et non en Chine ? Quel est l'obstacle caché qui a bridé leur avance ? Les Chinois développent les horloges hydrauliques mais n'arrivent pas à passer aux horloges mécaniques. Et ce n'est pas par désintérêt, car elles les fascineront lorsque les Européens leur en présenteront. Ils inventent la poudre, qu'ils n'utilisent pas à des fins militaires mais pour leurs feux d'artifice. La poudre, sans grande utilité en tant que telle, ne deviendra efficace en Europe qu'à la suite de nombreuses inventions. Il faudra d'innombrables adaptations avant de rendre le boulet de canon plus meurtrier pour celui qui le reçoit que pour celui qui l'envoie.

La réponse, après des développements sur le rôle de l'Etat et des marchés, vient quelques pages plus loin : ce sont les conflits incessants entre les Etats européens qui ont permis la période des Grandes Découvertes et plus largement l'essort technologique et économique de l'Occident, préfigurant sa domination sur le monde.

"L'atmosphère de routine, de traditionnalisme et d'immobilité rend toute innovation suspecte". La Chine n'a pas bénéficié du stimulus qu'a représenté en Europe la rivalité entre les puissances européennes. Préoccupée par sa stabilité intérieure, elle a interrompu la dynamique qu'elle avait pourtant engagée bien plus tôt. Quelques décennies avant que Christophe Colomb n'embarque pour l'Amérique, la Chine choisit la stabilité et se referme sur elle-même.

D'où l'intérêt de la concurrence pour stimuler l'innovation, également conditionnée par le cadre que fournit l'Etat, devant assumer son rôle de stratège dans la compétition mondiale, quand il n'est plus producteur ou actionnaire de référence.

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vendredi 25 mars 2011

Citation de la semaine : Carl Duisberg, sur la compétition économique

Toujours dans la série guerre et économie, une petite citation de Carl Duisberg, DG de Bayer, le géant allemand de la chimie :

Vous savez, la compétitivité, les ventes au rabais, l'espionnage industriel et la guerre des brevets commençaient sérieusement à ruiner l'industrie. Les Américains l'ont d'ailleurs bien compris.




Ce qui est intéressant, c'est que cette citation date de 1906 (source : Fritz Haber, Tome 1 : L'esprit du temps par David Vandermeulen), alors que Duisberg, dont la firme est engagée dans un combat féroce sur le marché des colorants synthétiques face à ses rivaux nationaux Hoescht, BASF ou Agfa, revient d'un voyage aux Etats-Unis : le tour de force de Rockefeller, qui a réussi une entente financière autour de la Standard Oil, a fait forte impression sur lui.

Ce voyage sera à l'origine de l'IG Farben (qui atteint sa , qui devint rapidement la quatrième plus grande entreprise au monde, derrière les américaines General Motors, Standard Oil et US Steel, qui se compromit avec le régime nazi et qui fut découpée en ses composantes originelles par les Alliés en 1951.

On nous explique ces temps-ci que le monde économique n'est plus comme avant (sous entendu les Trente Glorieuses), qu'aujourd'hui la compétition est plus féroce, que le champ de bataille est désormais mondial, que la nouvelle guerre planétaire est économique. Et qu'il faut donc des politiques industrielles nationales (voire européennes), faisant apparaître des champions sur la base de synergies entre acteurs existants, pour pouvoir rivaliser avec les concurrents traditionnels et émergents. Certes, la mondialisation d'aujourd'hui et "celle" (anachronisme ?) d'il y a cent ans ne sont pas les mêmes, mais cette compétition, certains l'ont intégré avant les autres...

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mercredi 23 mars 2011

Une nouvelle revue : Guerres et Histoire


Les éditions Mondadori France (Science & Vie) lancent une nouvelle revue, Guerres et Histoire, qui comme son nom l'indique sera dédiée à l'histoire militaire. Son rédacteur en chef, Jean Lopez, est un auteur reconnu d'ouvrages sur le front de l'Est de la 2ème Guerre Mondiale.


  • Dossier "Napoléon était-il vraiment un génie militaire ?"
  • 1941, Hitler avale les Balkans : un sans-faute ?
  • La flotte française de 1939 était-elle dépassée ?
  • Leuctres : une révolution tactique
  • Les Terclos, l'arme fatale de l'Espagne

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lundi 21 mars 2011

Petit florilège des raisons de l'intervention militaire en Libye

Voici un résumé des principales raisons, à défaut d'objectif stratégique clairement défini, entendues et lues un peu partout concernant l'intervention militaire internationale en Libye depuis vendredi dernier :

  • Bien évidemment, en premier lieu, la raison humanitaire, Kadhafi (pourtant récemment redevenu fréquentable en Occident) et son clan étant prêts à tout pour conserver le pouvoir et punir sans limite les rebelles et plus largement sa propre population

  • Mettre le pied dans la porte des "révoltes arabes" après avoir été pris de court en Tunisie et Egypte

  • Apporter une stabilisation plus rapide de la situation dans la région (mais quid du Yémen ou de Bahreïn ?), si bien évidemment l'enlisement à l'irakienne-afghane est évité

  • Couper l'herbe (ou le pétrole) sous le pied des Chinois / Russes / Indiens à qui Khadafi tendait la main ces derniers temps

  • Montrer que des puissances européennes peuvent être le fer de lance d'initiatives internationales (à voir comment ça va tourner dans les jours à venir... déjà les US réclament le leadership de la coalition : ont-ils faim d'une aventure libyenne ?)

  • Réhabiliter l'intervention militaire ONU/OTAN à des fins humanitaires, et plus largement l'Air Power

  • Se rebâtir une stature de leader sur la scène internationale à un an d'élections présidentielles, alors que l'on ne fait pas assez "président" en interne...

  • Prendre de court certaines révélations embarrassantes des dirigeants libyens (à doble tranchant non ?)

  • Selon des médias "alternatifs" (théorie du complot-like), les rebelles seraient en fait en train de prendre le dessus (!) et l'intervention de l'ONU servirait à casser le mouvement révolutionnaire, car on l'aime bien le Khadafi en définitive...

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vendredi 18 mars 2011

Cafés Stratégique du 24 mars : les Révolutions dans les Affaires Militaires, avec Laurent Henninger

La sixième édition des Cafés Stratégiques se tiendra le jeudi 24 mars 2011 au café Le Concorde (239, boulevard Saint-Germain, Paris IVème, métro Assemblée Nationale) de 19h00 à 21h.





Son invité sera Laurent Henninger, chercheur à l’IRSEM et à l’EHESS qui viendra nous parler des « Révolutions dans les affaires militaires » (RAM). Le terme a été popularisé à la fin des années 1990, dans la vague technophile de la Revolution in Military Affairs (RMA) américaine. Mais il s’avère que l’histoire présente plusieurs RAM, qu’elles ont des traits communs et leurs particularités, et qu’elles suscitent des « leçons » toujours pertinentes pour mieux comprendre le contexte stratégique actuel.


Voir aussi : mes articles sur le Network Centric Warfare

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mercredi 16 mars 2011

Citation de la semaine : Paul Krugman, sur les terres rares et la Chine


Cette semaine, je poursuis sur le thème "guerre et économie" avec une citation de Paul Krugman extraite d'une tribune d'octobre 2010 (Rare and foolish) sur les terres rares et la Chine :

Major economic powers, realizing that they have an important stake in the international system, are normally very hesitant about resorting to economic warfare, even in the face of severe provocation — witness the way U.S. policy makers have agonized and temporized over what to do about China’s grossly protectionist exchange-rate policy. China, however, showed no hesitation at all about using its trade muscle to get its way in a political dispute, in clear — if denied — violation of international trade law.

Deux remarques :
  • La vision d'une Chine soucieuse de privilégier le soft power (Un ouvrage sur le soft power chinois) et un "monde harmonieux" est bel et bien enterrée
  • Paul Krugman idéalise un petit peu l'attitude des autres "major economic powers", et notamment celle des États-Unis, pays du fameux "it's our money, it's your problem" ou des subventions anti-concurrentielles dans le secteur aéronautique, pour ne prendre que deux exemples...

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lundi 14 mars 2011

Les frontières de l'Occident au XXIème siècle

Intéressante question que celle posée par Olivier Kempf sur EGEA : l'Afrique du Sud appartient-elle à l'Occident ?.

Il n'existe évidemment aucune définition officielle de l'Occident et de ses limites, a fortiori au XXIème siècle, même si confusément on pense à "christianisme" (post-schismatique), "Renaissance", "Lumières", "démocratie libérale", "développement économique" mais également "colonialisme". Je n'ai par ailleurs aucune prétention à me poser en spécialiste des acceptions géographiques, culturelles, religieuses, historiques, civilisationnelles voire économiques qui sous-tendent le terme. Et j'ai bien l'impression que l'utilisation d' "Occident" se fait principalement par différenciation vis-à-vis du reste (ou aux restes) du monde ; que ce soit pour en faire un repoussoir ("à l'iranienne" ou "à la chinoise") ou un monde - chrétien et/ou laïque et blanc - en péril. De quoi donner du grain à moudre à Huntington.



Ma réponse à la question ci-dessus est donc du domaine du ressenti : l'Afrique du Sud, en tant qu'Etat, faisait indubitablement partie de l'Occident jusqu'à la fin de l'apartheid. Aujourd'hui, c'est plus flou mais je pencherais pour le "non".

Plus largement, si l'Occident recouvre indiscutablement l'Amérique du Nord (USA et Canada), l'Europe occidentale (la bien nommée) voire jusqu'au frontières russes (depuis la fin de la Guerre Froide, l'extension de l'OTAN et de l'UE), l'Australie et la Nouvelle-Zélande, pour le reste, c'est plus brouillé. L'Amérique latine est en général considérée comme en faisant partie, mais je ne sais pas ce qu'en pensent Chavez ou Morales. Pour Israël, la question peut également se poser.

Il me semble que pour d'autres, l'Occident c'est... le Nord : après tout, le Japon, dans son organisation, le niveau de vie de ses habitants, sa gouvernance, son mode de fonctionnement, son positionnement sur la scène internationale, se rapproche plus de la plupart des pays occidentaux que de ses voisins. Occident se rapprocherait ici d'OCDE...

Maintenant, ça fait longtemps que la Terre est ronde, donc l'Occident n'a plus forcément de sens ; même s'il est vrai que dans la gouvernance mondiale, l'Occident commence à être à l'Ouest ;-)

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vendredi 11 mars 2011

Consolidation du secteur terrestre en Europe : scénarios possibles, par Thibault Lamidel (2ème publication)

Alors que l'Usine Nouvelle (cf. encadré) évoque "le serpent de mer des alliances" entre fabricants européens de matériels militaires terrestres, je republie ici un article de Thibault Lamidel, datant de novembre 2009 et relatif à la consolidation du secteur.


***


Suite à mon article sur les rapprochements évoqués par le DGA entre Thales et Nexter, Thibault Lamidel nous livre son analyse relative à la consolidation de l'industrie européenne de défense terrestre, en détaillant quelques scénarios d'évolution possibles. Bien évidemment, ses propos n'engagent que lui.


Le temps est venu en France de faire un choix sur les premiers rapprochements du secteur industriel de défense terrestre. Les premières manœuvres ont déjà étaient faites en interne. Mais il est l’heure qu'elles se déploient à l'échelle européenne. Elles ont été réalisées dans l’aéronautique avec le succès, parfois mitigé, que l’on sait : EADS. Et sont en cours dans le naval : DCNS, HDW et leurs coopérations et implications en Europe. Dans le terrestre, tout reste à faire.

On n’a pas encore décidé en France s’il fallait faire un champion unique français rassemblant tout le secteur (Renault Trucks Defense (RTD, propriétaire d’Acmat), Nexter, Auverland (propriétaire de Panhard), Thales) ou s’il fallait partager le "marché" en constituant par exemple deux pôles terrestres avec d’autres Européens. Le débat semble au même point en Allemagne avec Rheinmetall et Kraus-Maffei-Weggmann (KMW). Les choix seront lourds de conséquences pour l’avenir. Le couple franco-allemand aura un rôle à jouer, c’est certain. Néanmoins, il faudra compter avec des entreprises espagnoles (Santa Barbara Sistemas (filiale de General Dynamics) et GTD), italiennes (Iveco, Oto Melara, Fincantieri) et finlandaise (Patria) pour les principales.

L’hypothèse anglaise a disparu dès lors que le VBCI n’a pas été retenu pour le programme FRES. De plus, l’implication de BAE Systems aux États-Unis le dispense de tout besoin de rapprochement européen pour atteindre une masse critique. Pour y voir plus clair dans ce méli-mélo européen (dont la liste est loin d’être exhaustive), il faut voir qu’il existe d’une part la volonté franco-allemande. Et d’autre part, si elle faisait défaut, il existe pour nos deux pays d’autres solutions pour consolider le secteur européen. Tout dépend de la volonté politique. Et des choix de structure industrielle ! Veut-on simplement des industriels terrestres ? Ou des conglomérats électroniciens/plate-formistes sur le modèle de BAE Systems et Boeing ?

Scénario franco-allemand 1

Suite à l'échec de la candidature du VBCI, qui a tué un possible rapprochement avec BAE, l'idée d'une vente par appartement de Nexter est apparue. Une offre conjointe menée par Thales et RTD consisterait à ce que ce dernier reprenne l’activité véhicule tandis que Thales récupérerait les activités électroniques. Ce scénario exclut donc Auverland qui n’y est pas intégré. De plus, on se retrouverait dans la même situation que le secteur naval français : Thales avec une participation (de plus) dans un plate-formiste terrestre "unique". Ce n’est rien de moins que la constitution d’un BAE Systems à la française.

Mais quelle serait la réaction des Allemands ? Ils auraient deux options majeures : soit rassembler leur industrie de défense, soit la garder séparée en deux pôles mais en les faisant grossir par le biais d’autres acquisitions européennes. Il est presque certain qu’ils ne laisseront pas l’industrie de l’armement terrestre aux seuls Français en Europe. Ils devront choisir. D’autant plus qu’un champion français aurait une masse critique confortable pour discuter avec les Allemands, surtout s’ils restent divisés. Tout comme un champion franco-allemand écraserait la concurrence en Europe. C’est toute la volonté politique commune qui fera la différence. Depuis EADS, des griefs sont passés par là. Le non-rapprochement de DCNS et HDW laisse planer des doutes.

Scénario franco-allemand 2

Une offre autonome de Thales (sans RTD) sur Nexter qui aboutirait au même résultat que le premier scénario, un BAE Systems français. Mais quelle place pour RTD et Auverland à ce moment là ? Ce n’est pas à l’ordre du jour, mais si cela arrivait, comment exclure la constitution d’un autre champion français ? RTD se sentant éventuellement floué pourrait essayer de grossir avec Auverland pour commencer, car il ne ferait pas le poids par rapport au couple Nexter/Thales tant dans sa gamme que dans sa taille industrielle. Et en l’absence de rapprochement allemand, ce serait imaginable. Le couple Nexter/Thales continuerait sur sa lancée en s’associant à Rheinmetall comme le signale JGP. A charge au possible autre champion français de se positionner pour Krauf-Maffei-Wegmann et de profiter du complément de gamme pour tenter d’atteindre l’ampleur du premier. Pour RTD/KMW la gamme serait des plus complètes, du léger au plus lourd avec deux clients obligés, les armées française et allemande. Et dans le cadre du programme Scorpion par exemple, Thales/Nexter pourrait se rapprocher de la FN belge pour combler les lacunes en armes légères. Tandis que RTD/KMW se rapprocherait de Glock par opposition.

L’avantage de cette option est de constituer deux groupes moins lourds, ce qui laissera une souplesse d’action pour se rapprocher d’autres Européens. In fine, les deux groupes franco-allemands pourraient structurer le reste de l’Europe autour d’eux.

Ces deux scénarii sont remplis d’incertitude, que ce soit un ou deux champions franco-allemands, cela implique une volonté de rapprocher les industries de nos deux pays. Les programmes de transformations terrestres feraient le reste (FN, Glock, PGM par exemple).

Mais, dans le reste de l’Europe, reste un ensemble d’options qui, quelle que soit la volonté franco-allemande, aura raison des certitudes les mieux établies en proposant des alternatives puissantes.

Scénario EADS

C’est ce qui va compliquer la donne. Le groupe franco-allemand possède une participation dans le finlandais Patria, très actif dans le secteur terrestre. EADS désire depuis des années militariser ses activités pour s’échapper des seuls cycles civils. La consolidation du secteur terrestre en Europe lui donne un grande chance de le faire. C’est un groupe qui pourrait forcer la porte des options franco-allemandes. Une première option consisterait à imaginer EADS qui absorberait un certains nombre d’entreprises allemandes et françaises (RTD/KMW de notre hypothèse). En opposition au regroupement de Thales/Nexter/Rheinmetall. Cela aboutirait à deux électroniciens/plate-formistes, ce qui pourrait rassurer les Allemands.

Une deuxième option serait qu’EADS absorbe les européens non-concernés par RTD/KMW et Thales/Nexter/Rheinmetall. Polonais, Finlandais, Espagnols, Suisses... seraient autant d’options pour un grand pôle terrestre dans EADS. L’avantage ? Un deuxième ou troisième acteur franco-allemand. Politiquement ce serait ingénieux puisqu’en Europe le terrestre, au moins, serait dans le giron franco-allemand.

Scénario italien

La France peut-elle rester indifférente à l’offensive italienne au Brésil ? Français et Italiens sont alliés dans le naval. Il a déjà été relevé par la lettre TTU l’évocation d’un rapprochement entre Fincantieri et Thales. Les réalisations franco-italiennes sont concrètes (torpilles, FREMM, Horizon). Mais les choix italiens s’inscrivent en porte-à-faux vis-à-vis de la philosophie française. Nos industriels misent sur les grands pays émergents alors que les Italiens, comme les Anglais, misent sur le marché américain pour beaucoup. Les deux choix sont-ils compatibles ? D’autant plus que le symbole de la réussite, ou de l’échec, de ce choix sera le vainqueur de l’appel d’offres des avions ravitailleurs américains. Il sera inutile de s’investir aux États-Unis si le marché n’est pas plus sincère, et donc par ricochet dans une société pariant sur ce marché.

Scénario espagnol

Évoquons le cas espagnol, avec la possibilité d’un rapprochement de Nexter avec un industriel ibérique si le VBCI perçait dans ce pays. Une fois encore, le dossier naval (Scorpène) complique la donne. Le Scorpène a autant été le symbole de la réussite d’une coopération européenne que celui du risque américain en Europe. C’est bien ces derniers qui ont ruiné l’avenir de cette réussite.

Permettons-nous ici une petite digression sur ce dossier. Le sous-marin est conçu par la DCNS et ce qui deviendra Navantia. Les Espagnols sont passés de la réalisation de sous-marin français en transfert de technologie à la conception. Après les succès à l'export du sous-marin, il était question que l'Armada commande au moins 4 Scorpène. Il n'en fut rien, l'État espagnol prit la décision que le sous-marin serait de conception espagnole, avec un système de combat américain, une propulsion AIP américaine et des tubes de lancement de missiles de croisière américains (Tomahawk en lieu et place du Scalp naval). Ainsi est né le S80, et le divorce fut consommé. On n'a pas eu d'explication publique convaincante sur ce revirement. Une volonté américaine de trouver un chantier européen pouvant concevoir et construire des sous-marins diesel électrique pour Taïwan ? Un positionnement dans le même registre que l'Italie et l'Angleterre sur le marché américain ? Il est certain que les liens entre Espagnols et Américains dans le naval militaire ont été sous-estimés. Le succès export de Navantia en Australie (2 BPE, 3 frégates F100) n'a pas déplu aux Espagnols, c'est certain aussi. Par contre, leur volonté de renouer avec la DCNS a marqué un tournant. On n'a pas entendu, depuis le S80, de déclaration de responsable français voulant renouer le partenariat, au contraire de Navantia. Vous avez dit divorce ? Récemment, l'Espagne a abandonné le Tomahawk. Il est raisonnablement imaginable de penser que le Scalp naval fera parler de lui. D'autant plus que la version proposée du missile américain était limitée à 300km (contre 1000 pour le Scalp, 1600 pour le missile américain dans sa version la plus endurante). Va-t-on vers un renouveau de ce partenariat ? En attendant, le S80 est toujours proposé contre le Scorpène. Le succès du Brésil a montré que la France peut se passer de l'Espagne. Dans ces conditions, est-ce possible de s’allier à elle de manière durable et non pas ponctuelle ? L'aventure du Scorpène montre que les industriels espagnols manquent de poids pour constituer une alternative pleinement suffisante aux Allemands.

En guise de conclusion

Il a été vu la multiplicité des options de rapprochement en Europe entre Allemands et Français. Ce débroussaillage n'a pas pu pleinement tenir compte des munitionnaires, des producteurs de poudre ni, dans une moindre mesure, des producteurs d'armes légères, tant le dossier est complexe. Il l'est d'autant plus que l'électronique en est le point central. Les transformations exigées dans les programmes FRES et Scorpion, pour ne citer qu'eux, impliquent un haut degré de cohésion technologique pour réaliser la guerre en réseau. L'enjeu industriel se situe dorénavant sur le terrain de l'intégration électronique. C'est pourquoi il est de plus en plus courant de voir des électroniciens agréger autour d'eux des entreprises réduites à de simples "plateformistes" (DCNS dans le giron de Thales, les divisions navales, terrestres et aériennes de BAE Systems). C'est pourquoi les mouvements et rapprochements éventuels franco-allemands dans le terrestre toucheront forcément les dossiers navals... Ou pas. Tout dépendra des électroniciens de référence.

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mercredi 9 mars 2011

Citation de la semaine : Daniel Cohen, guerre et économie


Longue citation d'un ouvrage dont je recommande la lecture, La prospérité du vice, de l'économiste Daniel Cohen :

Une analyse keynésienne de la corrélation entre guerre et croissance proposerait le raisonnement suivant : les dépenses militaires créent des débouchés nouveaux pour les entreprises. Les guerres tirent la croissance économique. La paix, au contraire, déclenche la récession : elle prive l'économie des dépenses d'armement et ralentit la croissance. Hansen, le premier keynésien américain, a noté ce phénomène et en a tiré la recommandation pratique qu'il suffisait d'éviter la seconde phase (où les États cherchent à rembourser leur dette de guerre et réduisent leurs dépenses) pour annuler tout à fait les cycles économiques.

Cette interprétation n'est pourtant pas satisfaisante. Car les guerres semblent naître de la croissance, et non l'inverse. Comme le montre en effet Gaston Imbert, elles débutent généralement à la fin du cycle de croissance, plutôt qu'à son début. Selon un auteur anglais [NdJGP : Alec L. Mcfie dans The outbreak of war and the trade cycle] qui en a fait aussi l'expérience, "Sparks fly in the second stage of expansion" : le feu est mis au poudre lors de la seconde moitié des périodes de croissance. C'est la croissance qui pousse à la guerre.

Juste pour resituer le contexte : ces quelques phrases se trouvent juste après un développement sur les cycles de Kondratiev (et toutes leurs limites), et s'appliquent à la période pré-Seconde Guerre Mondiale. Bien évidemment, l'auteur prend grand soin de préciser qu'il faut se garder des raisonnements trop mécaniques et déterministes dans l'explication des causes des guerres.

Mais son but est bien de montrer que les faits sont là : la croissance économique ne coïncide pas nécessairement avec la paix ; car, même si l'on écarte le raisonnement léniniste (théorie de l'impérialisme), "le rôle de la croissance devient clair : elle relâche les contraintes budgétaires qui pèsent sur les États et leur permet d'accomplir leurs ambitions propres". Bien évidemment, cela ne signifie pas que des tensions ne peuvent apparaître en phase de récession, dans le cadre de la guerre économique.

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lundi 7 mars 2011

Nouveaux Etats indépendants depuis l'an 2000

En rapport avec le thème du mois de l'Alliance Géostratégique, Les indépendances au XXIème siècle, voici la liste des États ayant obtenu leur indépendance, largement reconnue au niveau international, depuis l'an 2000 :
  • 2002 : Timor Oriental
  • 2006 : Monténégro (et donc Serbie)

Le drapeau du Timor Oriental
crédits : Getty Images

Soit deux nouveaux États en un peu plus de 10 ans, contre 2 en moyenne par an entre 1945 et 2006 (décolonisation, effondrement du bloc soviétique...).

Ceci dit, les évènements en cours notamment en Afrique (Soudan, Somalie voire Libye (?) ou Côte d'Ivoire) pourraient rapidement faire monter la moyenne. Et je ne parle pas de la Belgique ;-)

MAJ : si je n'ai pas inclus le Kosovo, ce n'est pas en raison d'un positionnement politique personnel, mais parce qu'il existe un vrai clivage international sur le sujet, y compris au sein de l'UE. De toute façon, pour moi c'est le CIO qui fait foi ,-)

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samedi 5 mars 2011

Guerres low-cost : un petit paragraphe bonus



En exclusivité mondiale ;-), voici un paragraphe supprimé de la version définitive de ma contribution à l'ouvrage "Les guerres low-cost", relative à la réduction du coût médiatique de la guerre :

Bien que de natures différentes, les recours aux Sociétés Militaires Privées (SMP) et aux drones concourent tous deux à une recherche de la baisse du coût médiatique de la guerre : il s'agit dans les deux cas de mener des opérations sollicitant moins les troupes régulières, qui sont les plus soumises à l'oeil scrutateur des médias et de l'opinion, soucieuse des pertes qu'elles pourraient subir. On peut néanmoins s'interroger sur la pertinence de tels moyens, utilisés à grande échelle, en vue de l'objectif recherché. Comme l'a montré l'expérience de Blackwater en Irak, les « bavures » des mercenaires ont des retentissements très importants et néfastes. En ce qui concerne les robots, certes ils permettent de tendre vers le concept de « zéro mort » (qui dans son acception originelle ne concerne que le camp de ceux qui les possèdent) déjà évoqué plus haut, mais on peut se demander quelle image renvoie une armée au visage robotisé face à des ennemis humains, fussent-ils terroristes. Dans Terminator ou dans Matrix, ce sont bien les machines qui représentent l'ennemi. Bref, de beaux effets boomerang en perspective.

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mercredi 2 mars 2011

Les résumés des articles des Guerres low cost

A la suite de demandes de nos lecteurs, nous avons décidé de mettre en ligne les résumés des articles publiés dans Les guerres low cost.

Ceci pourra vous donner une première idée de l'ouvrage toujours en vente dans les bonnes librairies et les sites de vente en ligne.




Gammes de la guerre et valeur militaire

Olivier Kempf

Maître de conférences à Sciences Po Paris. Conseiller éditorial de la Revue de Défense Nationale

La guerre contemporaine a suscité de nombreuses analyses :guerre asymétrique, guerre irrégulière, COIN. A chaque fois, le discours est resté dans une perspective strictement stratégique. Cet article se propose d’utiliser des outils d’analyse économique (gammes, facteurs de production, producteur et client, image de marque, maîtrise des coûts) pour reconsidérer ces conditions contemporaines de la guerre. On comprend alors que la notion de haut de gamme (la guerre occidentale) serait concurrencée par une guerre qui n’est pas simplement « bas de gamme », mais low cost : si elle utilise différemment le facteur travail, elle utiliserait des technologies avancées.
Surtout, le produit est plus complexe que la simple combinaison du travail (les soldats) et du capital (la technologie). En effet, l’unité de valeur n’est pas seulement financière : si on paye en dollars ou en euros, on paye aussi en blessés et en morts, mais aussi en perception, chose essentielle en ces
temps de communication mondialisée.


La guerre des coûts

Guillaume Grandvent

Membre d’Alliance géostratégique

Les guerres contemporaines sont de plus en plus conditionnées par la gestion des coûts qu’elles engendrent, qu’ils soient d’ordre humain, matériel, financier ou informationnel. Ces coûts sont liés par de nombreuses interactions qui rendent leur maîtrise plus difficile, comme l’illustrent plusieurs exemples tirés des conflits en cours. Les opérations militaires se voient imposer un impératif de cohérence, afin d’atteindre un relatif équilibre des coûts et tenter de le maintenir.


La maîtrise du coût médiatique de la guerre dans un contexte asymétrique

Jean Pujol

Consultant en management, Animateur du site Mon Blog Défense

Le coût de la guerre est principalement perçu par l’opinion publique occidentale au travers du prisme déformant médiatique, marqué par la course à l’image et la montée en puissance du Web social. Il expose la population à un véritable « bombardement informationnel » et est également devenu un champ de bataille entre forces conventionnelles et insurgés, où l’asymétrie joue à plein. L’obsession communicationnelle recèle cependant des menaces à ne pas sous-estimer.


Vers la privatisation de la Défense

Romain Mielcarek

Journaliste spécialisé dans les questions de Défense et de relations internationales. Animateur d’Actu Défense
Hier, ils étaient mercenaires. Aujourd’hui ils sont contractants. Le recours au privé a remporté un franc succès aux Etats-Unis où des entreprises civiles s’attaquent à des marchés militaires toujours plus variés : logistique, sécurité, gardiennage, renseignement, entretien ou formation.
En France, on hésite encore, mais l’évolution passe pour indispensable et pas toujours sans conséquences.


Les Réserves : un moyen d’atteindre des armées low-cost ?

Victor Fèvre

Etudiant à Sciences Po Paris. Blog RDO

Cet article montre que les réserves sont un moyen efficace – et efficient – d’optimiser l’effort de défense d’une nation à moindre coût, si l’on veut éviter d’augmenter trop le nombre de militaires d’active. Les réservistes sont en quelque sorte une armée low-cost, employés lors de pics de charge ou pour des spécialités, mais le risque de leur gestion est de vouloir trop économiser et donc de perdre leur plus-value, pas toujours quantifiable: rayonnement et recrutement.


Subir ou ne pas subir, telle est la question…

Florent Robert de Saint Victor

Étudiant à l’École de Guerre Économique. Rédacteur du blog d’analyse Mars Attaque

Alors que la guerre demeure une activité humaine couteuse, la recherché de modèles permettant de réaliser des économies devient l’obsession des armées occidentales. Le possible fatalisme causé par un accroissement constant des dépenses et le succès d’adversaires menant des guerres low-cost oblige à s’interroger sur la manière de penser ces opérations en termes économiques.


La guerre de l’Homme et du Robot

Charles Bwele

Analyste en technostratégie. Designer multimédia (web, PAO, 3D, vidéo). Consultant en technologies de l’information. Auteur du blog Électrosphère

Les drones aériens coûtent beaucoup moins chers que les avions de combat et sonnent peut-être la fin de l’aviation de chasse telle que nous la connaissions depuis la seconde guerre mondiale. Toutefois, leur usage croissant bouleverse une certaine conception de la guerre et soulève de multiples questions techniques, politiques et philosophiques.


Réduire le coût de la guerre : « nouvelles » alliances, « nouvelles » tactiques

Stéphane Dossé

Breveté de l’enseignement militaire supérieur, Titulaire d’un master de Droit en défense et sécurité internationale.

La guerre au sein des populations est certainement un des « symptômes » d’un déclin temporaire mondial du concept d’Etat et de la guerre interétatique. Une évolution des organisations politiques et des ressources financières des Etats implique un changement dans la manière de faire la guerre. Personne ne peut vraiment savoir quel sera le visage de la guerre durant les prochaines décennies même si, dans les prochaines années, les menaces hybrides pourraient entraîner de nouveaux types d’opérations.

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