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Mon Blog Défense

lundi 29 novembre 2010

Le rôle social de l'officier par Hubert Lyautey

Avant de s'illustrer au Maroc ou de devenir ministre de la Guerre, Hubert Lyautey fut l'auteur du très court mais très remarqué Rôle social de l'officier, d'où sont extraites les lignes suivantes :

Aux officiers de demain, dites que, s'ils ont placé leur idéal dans une carrière de guerres et d'aventures, ce n'est pas chez nous qu'il faut poursuivre ; ils ne l'y trouveront plus : arrachez-leur cette illusion avant les déceptions tardives. Mais donnez-leur cette conception féconde du rôle moderne de l'officier devenu l'éducateur de la nation entière.

Ou encore :

Une troupe bien en main, moins instruite, vaut mieux qu'une troupe plus instruite, moins en main.



Où il apparaît qu'il importe avant tout que les lieutenants, commandants et colonels conquièrent les esprits et les coeurs de leurs soldats, en s'appuyant fortement sur leurs sous-officiers. Bien évidemment, le propos a perdu de sa force depuis la fin de la conscription. Mais l'action éducatrice de l'armée reste un trait majeur de son lien avec la Nation toute entière.

Par ailleurs, malgré ce qui est écrit sur la couverture représentée ci-dessus (qui est celle de l'édition que j'ai lue), Lyautey n'était pas encore maréchal lorsque son article parut dans la Revue des Deux Mondes en 1891 : il recevra le bâton en 1921, peu de temps d'ailleurs avant d'être remplacé par Pétain à la tête des troupes engagées contre la rébellion d'Abd-el-Krim.

Il convient de noter que malgré l'émoi qu'a pu susciter Le Rôle Social de l'Officier, notamment en raison de la relative remise en question des pratiques des officiers ("coupables" de mieux connaître leurs chevaux, pour ceux de cavalerie, que leurs hommes), il n'a cependant pas nui à la carrière de son auteur, malgré une explication "orageuse" à l'Hôtel de Brienne. De nombreux soutiens, dans les rangs militaires et la société civile, se font jour. Si bien que quelques années plus tard, les propositions de Lyautey ont été prises en compte par l'armée.

L'article s'inscrit dans une période de relatif renouveau de la pensée militaire française, dans la foulée de la création de l'Ecole Supérieure de Guerre, et alors que les propos de Mac Mahon ("J'efface du tableau de l'avancement tout officier dont j'ai lu le nom sur la couverture d'un livre") semblent un peu loin. Une époque marquée par ailleurs par un fort antimilitarisme, accentué par le fait que le service national est récemment devenu obligatoire pour tous les jeunes hommes, sans distinction de classe sociale ni de niveau d'éducation. Précisément l'opportunité, pour Lyautey, de faire du corps des officiers de l'armée le cadre permettant à la population (masculine) d'une même génération de marcher "la main dans la main, dans la large et noble voie du progrès social".

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samedi 27 novembre 2010

Prochain Café Stratégique : le 8 décembre avec Hervé Coutau-Bégarie

En attendant le compte-rendu du Café Stratégique de jeudi dernier, réservez dès à présent le début de votre soirée du mercredi 8 décembre, puisque qu'Hervé Coutau-Bégarie, directeur de recherches au CID, spécialiste de stratégie navale, nous fera l'honneur de sa présence au Café le Concorde (239 bd Saint-Germain à Paris, métro Assemblée Nationale).


Évidemment, le sujet sera la géostratégie des espaces maritimes, et les festivités auront lieu de 19h à 21h. Comme d'habitude, l'entrée est libre mais les places sont limitées. Venez nombreux !

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vendredi 26 novembre 2010

De l’Alliance à l’Europe : une géopolitique de l’ensemble euro-atlantique, par Jean-Sylvestre Mongrenier

Dans le cadre du programme de recherche « Défense et Sécurité : le coût de la non-Europe », Jean-Sylvestre MONGRENIER, chercheur associé à l’Institut Thomas More, décrypte les enjeux du sommet de l'OTAN qui a eu lieu les 19 et 20 novembre derniers.

Anders Fogh Rasmussen
Anders Fogh Rasmussen

La redéfinition du rôle et des missions de l’OTAN n’est pas un simple exercice de convenance. Le précédent concept stratégique datait de 1999, avec la guerre du Kosovo en toile de fond, et les adaptations se sont depuis faites au moyen d’ajustements successifs et de directives politiques globales (CPG) (1). La méthode a ses limites et les multiples sollicitations de l’environnement international sont susceptibles d’entraîner les Alliés dans des missions trop variées, avec des risques de sur-extension et de dilution des compétences, au détriment de leur engagement premier : la défense mutuelle. Il faut donc clarifier les enjeux, trouver de nouveaux points d’équilibres, redéfinir l’assise conceptuelle et doctrinale de l’OTAN. Il en va de la sécurité de l’Europe à ses frontières mais aussi sur les théâtres extérieurs où se développent de nouvelles menaces. Plus généralement, cet aggiornamento ouvre la « question d’Occident ». Quelle place pour l’OTAN dans un monde polycentrique qui semble basculer vers l’Asie? Une Europe politique et militaire serait-elle en mesure d’assumer une part du « fardeau » et de peser sur les équilibres mondiaux ? A bien des égards, la situation présente et les perspectives géopolitiques requièrent « plus d’Europe » mais la voie est étroite et le rationalisme constructiviste a épuisé ses mérites (2).


La « Transformation » de l’OTAN : enjeux et fondamentaux

La « nouvelle OTAN »

Dans l’après-Guerre froide, c’est une OTAN profondément rénovée qui prend forme, ce phénomène stratégique matérialisant la nouvelle donne géopolitique dans l’Ancien Monde. Progressivement, le « nouvel atlantisme » a englobé dans sa sphère d’action et de coopération l’Europe centrale et orientale (Partenariat pour la Paix, 1994) ainsi que le Bassin méditerranéen (Dialogue méditerranéen, 1995). Des « têtes de pont » ont aussi été jetées dans le Sud-Caucase, en Asie centrale, via des partenariats plus ou moins poussés, et dans le golfe Arabo-Persique (Initiative de coopération d’Istanbul, 2004). L’OTAN a mené en fait un triple élargissement : un élargissement fonctionnel avec l’adjonction de nouvelles missions (projection de stabilité et de sécurité) (3) ; un élargissement de la zone d’influence euro-atlantique à l’Est comme au Sud ; un élargissement du nombre des États membres (4).

Les 21-22 novembre 2002, le sommet de Prague a ensuite lancé la transformation de l’OTAN en une alliance globale et expéditionnaire, engagée dans la lutte contre l’islamisme et le terrorisme, voire la prolifération des armes de destruction massive. Les Alliés sont alors passés d’une perception géographique des enjeux de sécurité à une perception fonctionnelle et « hors zone » ; l’Afghanistan est le banc d’essai de ce modèle expéditionnaire (cf. infra). L’OTAN est ainsi devenue un vaste Commonwill euro-atlantique articulé sur la perception plus ou moins assumée d’une parenté de civilisation (5). Il y va des principes et valeurs qui fondent les communautés politiques occidentales et leurs solidarités géopolitiques.

Le front afghan

Censé donner un nouvel élan à cet aggiornamento continu, le sommet de Lisbonne se tiendra dans un contexte géopolitique en mutation, sous l’effet de phénomènes de longue durée qui arrivent simultanément à échéance : déclin occidental, affirmation des « émergents », dissémination du jihadisme, prolifération, rivalités pour l’accès aux ressources dans un monde malthusien. A court et moyen terme, l’Afghanistan demeure la grande affaire. Le retour d’expérience de ce front islamo-terroriste montre les limites de la « révolution dans les affaires militaires » et de la haute technologie face à des « insurgés innovants » (6) qui recourent à la guerre asymétrique. En Afghanistan comme sur d’autres théâtres, une « contre-révolution » militaire cherche à contourner la puissance occidentale et mise sur la lassitude des opinions publiques.

Confrontés aux Talibans, Américains et Alliés ont remis à l’honneur les théories de la contre-insurrection et des pans enfouis de la pensée militaire française. Ce type de guerre requiert une approche civilo-militaire intégrée visant à contrôler dans la durée le terrain conquis par les armes, condition sine qua non du développement politique et économique du pays. Cela suppose une action de conserve entre l’OTAN et diverses organisations régionales et fonctionnelles, ce qui mène à la question des partenariats avec une importance particulière pour un accord de haut niveau entre l’OTAN et l’UE. Enfin, le conflit afghan met en évidence le caractère limité et dispersé des efforts militaires européens, sans grande signification géopolitique de surcroit dans de larges parts des opinions publiques. Pour des sociétés postmodernes enclines au relativisme et dépourvues du sens de la durée, la guerre d’Afghanistan est une épreuve de vérité.

L’engagement américain en Europe

En dernière instance, ce sont l’engagement américain en Europe et le lien transatlantique qui constituent les enjeux géopolitiques essentiels de la transformation de l’OTAN et de ses interventions à l’extérieur de l’aire euro-atlantique. Depuis que l’équilibre des puissances et le concert des nations se sont effondrés – de 1914 à 1945, l’Europe bascule dans une nouvelle « guerre de trente ans » –, les États-Unis jouent le rôle de balancier au large et ils réassurent la sécurité européenne. C’est dans le cadre de l’OTAN et donc en bonne intelligence avec les États-Unis que la plupart des États européens organisent leur défense et leurs stratégies géopolitiques doivent être analysées dans le vaste ensemble spatial qui, à travers l’océan Atlantique, s’étire depuis Vancouver jusqu’à Vladivostok. Toutefois, la remise en cause du leadership global des États-Unis, la crise économique de 2008 et l’élection de Barack Obama à la présidence ont pu laisser à penser que les États-Unis se désintéresseraient de l’Europe. Désormais, une « Amérique post-occidentale » serait prioritairement tournée vers le Moyen-Orient et l’Asie quand une « Europe post-américaine » identifierait enfin son centre de gravité interne.

Quand bien même les principaux alliés des États-Unis ne produiraient pas les efforts militaires attendus, il est pourtant difficilement concevable que ces derniers puissent se désintéresser de l’Europe. Dans un discours prononcé à Paris (École Militaire), le 29 janvier 2010, Hillary Clinton, secrétaire d'État, a placé le Vieux Continent au cœur de la sécurité des États-Unis : « L’Europe, a-t-elle souligné, est le point d’ancrage de notre politique de sécurité ». De fait, le nouveau concept stratégique de l’OTAN et le déploiement de systèmes antimissiles en Europe devraient réaffirmer l’indivisibilité de l’espace de sécurité euro-atlantique. Il serait pourtant erroné de prétendre jouir d’une simple rente de situation stratégique. Face aux nouvelles menaces, les convergences transatlantiques sont larges mais les intérêts ne coïncident pas mécaniquement et l’écart croissant entre les appareils militaires menace la cohérence de l’OTAN. La montée en puissance des capacités militaires en Europe et le maintien de nations-cadres seraient tout à la fois une contribution à l’Alliance atlantique et à l’autonomie de décision de l’UE (7).

Les points d’équilibre de l’ « OTAN 2020 »

Sécurité régionale et engagements extérieurs

La perpétuation de l’Alliance atlantique, la cohésion de l’OTAN et l’action conjuguée des Occidentaux dans un monde polycentrique et hétérogène reposent sur l’identification d’un certain nombre de points d’équilibre entre les Alliés et les types de missions qu’ils entendent mener ensemble. L’engagement de l’OTAN sur le front afghan et son remodelage sur un modèle expéditionnaire ont suscité nombre de débats autour de l’équilibre entre les missions de type « article 5 » et « non-article 5 ». La perspective d’une « OTAN globale » dépourvue de référents géographiques, historiques et culturels a fait craindre la perte du sens des finalités et la dilution de l’ensemble euro-atlantique. Depuis, le retour en force de la Russie dans le Sud-Caucase et ses contrecoups dans l’Est européen, aux frontières de l’ensemble euro-atlantique, ont rappelé quelle était la mission première de l’OTAN. L’article 5 demeure le fondement de l’Alliance et la défense mutuelle exige que l’on s’y prépare (mise en œuvre de capacités militaires, planification et exercices).

Cependant, la sécurité régionale exige aussi que l’on prenne en compte de nouvelles menaces : cyber-attaques, recours à l’arme énergétique et prolifération. Enfin, la dynamique de lointaines menaces, leurs répercussions et contrecoups aux approches de l’espace euro-atlantique, la nécessité de compenser le déclin de puissance aussi, pourraient amener à d’autres engagements extérieurs. Il ne s’agit donc pas de trancher entre sécurité régionale d’une part, besoins de projection d’autre part, mais de disposer des moyens requis - civils et militaires – pour intervenir dans l’environnement proche comme dans l’environnement lointain. Cela nous renvoie à la question des budgets militaires nationaux et des partenariats. En parallèle, les principes directeurs des interventions extérieures doivent être fixés : le choix des terrains d’interventions sera sélectif, en fonction des diverses possibilités (acteurs géopolitiques et autres organisations). L’objectif n’est pas de faire flotter la bannière mais d’apporter la réponse adéquate aux défis. En cela, l'avenir de la relation entre l’OTAN et l'Europe de la défense recèle de véritables enjeux (8).

Antimissiles et défense des territoires

La situation géostratégique des alliés européens, plus spécifiquement confrontés à la prolifération, nous mène à la défense antimissile. D’ores et déjà, le Sud-Est européen est à portée de tir des missiles balistiques iraniens et les pressions internationales n’ont toujours pas refoulé les ambitions nucléaires de Téhéran. On sait que l’Administration Obama a renoncé à installer des systèmes antimissiles en Pologne et République tchèque. C’est un dispositif reconfiguré, plus modeste mais susceptible de monter en puissance, qui pourrait être déployé en mer Méditerranée et dans le Sud-Est européen (Roumanie, Bulgarie), voire en Turquie. Ces projets reviennent dans le champ de l’OTAN dont divers programmes s’efforcent de fédérer les efforts des uns et des autres en matière de défense de théâtre. Des études de faisabilité de défense des territoires ont été menées et il appartiendra aux Alliés d’étendre leur coopération politique et militaire à la défense antimissile.

L’Europe ne saurait s’abstraire de ce mouvement vers des formes de dissuasion globale fondées sur de nouveaux équilibres entre forces nucléaires, armes conventionnelles de haute technologie et systèmes antimissiles destinés à intercepter le petit nombre de lanceurs d’une puissance proliférante. Il y va de la protection de nos territoires et de l’indivisibilité de la sécurité transatlantique. Dans le cadre de la politique de la main tendue vis-à-vis de la Russie (le « reset »), les uns et les autres insistent sur la nécessité d’associer Moscou à de tels projets. Certes. Soulignons cependant deux points clefs : l’hostilité de Moscou à cette défense antimissile « new-look », en dépit des concessions américaines sur le choix des sites ; l’interprétation russe du traité post-START signé le 8 avril 2010, censé limiter le développement de tels systèmes (l’interprétation américaine n’est pas la même). Enfin, il faut rappeler que l’Europe vit déjà avec des systèmes antimissiles : ceux déployés de longue date par la Russie (9). Avec ou sans les Russes, il faudra aller de l’avant.

« Engagement constructif » et politique de la « porte ouverte »

Objet de divergences internes, la nature et la qualité des rapports à instaurer avec la Russie est l’un des enjeux majeurs du devenir de l’OTAN. Au climat de paix froide qui a dominé les dernières années des présidences Bush et Poutine a succédé la politique d’ « engagement constructif » adoptée par les États-Unis et l’OTAN. Sur le plan des relations russo-occidentales, cette politique a atteint quelques uns de ses objectifs : le traité post-START, le vote russe d’une nouvelle résolution contre l’Iran, des accords de transit par la Russie vers l’Afghanistan. La crise économique ayant mis à mal le rêve russe de « puissance émergente », cela pourrait aller dans le sens d’une plus grande ouverture à l’Occident ainsi que le laissent à penser les linéaments de la future doctrine russe de politique étrangère. Pourtant, la prudence est de rigueur.

Dans le Sud-Caucase, l’affaire géorgienne a montré les limites de l’influence russe sur ses partenaires de la CEI et de l’OCS, très en retrait, mais elle a aussi entamé le crédit des Occidentaux. On en a vu les contrecoups en Ukraine où les acquis de la « Révolution orange » sont menacés. Dans les Pays baltes, un regain d’activisme auprès des minorités de langue russe suscite un certain nombre d’inquiétudes. Doit aussi être prise en compte la nature du régime politique russe (un autoritarisme patrimonial) dont les modes de fonctionnement ne vont pas dans le sens d’une « grande alliance » mais d’une relation hybride de partenaire-adversaire. Sur un plan plus général, Moscou cherche à se faire reconnaître de facto, moyennant des concessions très limitées, une sphère exclusive dans l’aire post-soviétique. Aussi l’« engagement constructif » devrait-il être contrebalancé par une politique de la « porte ouverte » vis-à-vis de ceux qui aspirent à rejoindre l’OTAN (Géorgie) et le renforcement des partenariats dans l’« hinterland » eurasiatique (Sud-Caucase et Asie centrale). L’examen des propositions russes dans le domaine de la sécurité paneuropéenne ne doit pas mettre en péril la cohésion des instances euro-atlantiques et des cadres de coopération existants (COR, OSCE).

L’ « Europe de la défense » et les perspectives de l’UE

Des ambitions circonscrites

Quelle place pour l’« Europe de la défense » (la PCSD/Politique commune de sécurité et de défense) dans les équilibres euro-atlantiques et sur la scène du monde? Modeste au regard au regard d’une maquette idéale, cette politique a été mise en œuvre il n’y guère plus d’une décennie. Dans l’environnement proche et lointain de l’Europe, c’est une véritable percée en matière de gestion des crises (Balkans, Sud-Caucase, Moyen-Orient, Afrique). L’UE est aujourd’hui dotée des cadres juridiques et institutionnels qui lui faisaient défaut lors des conflits balkaniques, le traité de Lisbonne conférant une plus grande cohérence d’ensemble à ce dispositif. Menée au large des côtes de la Somalie, l’opération « Atalante » témoigne de la capacité de l’UE à s’engager dans cet espace névralgique – entre le golfe Arabo-Persique, l’Asie et Europe – où les intérêts européens sont plus spécifiquement en jeu que ceux des États-Unis.

Toutefois, il faut rappeler que la PCSD n’est pas en charge de la défense mutuelle de l’Europe mais des missions de Petersberg. Nonobstant les confusions introduites dans l’esprit public par les effets d’annonce, la défense stricto sensu des pays européens relève des souverainetés nationales et de l’OTAN pour ceux d’entre eux qui participent de cette alliance (21 des 27 États membres de l’UE), même si le traité de Lisbonne comporte une clause de solidarité et une clause d'assistance mutuelle (10). Quant aux opérations extérieures les plus lourdes, il n’est pas envisagé de s’y engager indépendamment des États-Unis ce qui nous ramène à l’OTAN ou à une coalition s’appuyant sur elle. Le plus souvent, c’est dans les interstices géostratégiques, en complément de l’OTAN ou par défaut, que la PCSD se déploie. Il serait vain de prétendre la valoriser en occultant cette dimension. Précisons que l’UE a sa valeur ajoutée propre dans d’autres domaines d’importance pour les équilibres géopolitiques régionaux (Politique de voisinage, Euro-Méditerranée et Partenariat oriental).

Un vaste et lâche Commonwealth paneuropéen

Lorsque l’on pense l’avenir des relations transatlantiques dans un monde où les énergies semblent basculer vers les puissances émergentes, l’idée régulatrice qui semble s’imposer est celle d’une alliance refondée entre les États-Unis et l’UE. Cette « union occidentale », nommée ainsi par Edouard Balladur, donnerait corps au « concept de l’haltère » mis en avant naguère par George Kennan, le théoricien du containment. Dans ce schéma de pensée, la PCSD serait appelée à devenir un pilier militaire européen apte aux fonctions de défense stricto sensu. La perspective est encore lointaine et le « couple » géopolitique envisagé est dissymétrique : si les États-Unis sont un acteur pleinement constitué, l’UE demeure un système de coopération multi-étatique, à géométrie variable selon les domaines et la conjoncture (voir le jeu oscillatoire des États membres sur l’une ou l’autre question). Mise en ordre, l’ « Europe de Lisbonne » sera plus efficiente mais ce Commonwealth paneuropéen ne se muera pas en un Commonwill capable de dégager une volonté et des capacités unitaires.

Les Coopérations structurées permanentes (CSP) pourraient faciliter l’agrégation des volontés nationales mais il serait hâtif d’anticiper la formation d’un « noyau dur » militaire, sorte de cœur battant de l’UE. Le modèle d’une Europe organisée en cercles concentriques autour du « couple franco-allemand » peut bien satisfaire l’esprit de géométrie, il n’en est pas moins déphasé par rapport à l’état des relations entre Paris et Berlin d’une part, l’accord de tous ou presque sur un fonctionnement principalement intergouvernemental d’autre part. D’aucuns expliquent qu’il faudrait négocier un nouvel accord institutionnel pour corriger les imperfections du traité de Lisbonne. L’affaire pourrait se révéler hasardeuse et contreproductive. Si les choses sont en l’état, c’est par absence de principe supérieur ou de force temporelle transcendant les souverainetés étatiques. Le volontarisme, l’agitation désordonnée et le constructivisme se heurtent à la nature même de la « construction européenne ».

Des marges d’action réelles mais limitées

A échéance prévisible, l’UE ne formera pas une véritable entité politique et l’acceptation de ce jugement doit déterminer nos points de référence et objectifs en matière de « défense européenne ». La PCSD ne doit pas être pensée comme l’indispensable dimension militaire d’un ensemble fédéralisé, au sens générique du terme, mais pour ce qu’elle est : un outil permettant aux États européens de rationaliser leurs efforts militaires et d’agir de manière autonome s’ils le veulent, sans prétendre supplanter l’OTAN. Dès lors, il faut considérer que la question n’est pas prioritairement institutionnelle. L’UE s’est déjà dotée des cadres d’action nécessaires à la conduite d’opérations militaires et ils suffisent à la tâche. Mise en avant dans le rapport Albright, la négociation d’un partenariat de haut niveau entre l’UE et l’OTAN permettrait d’accroître les synergies entre les deux organisations, le plus souvent amenées à intervenir sur les mêmes théâtres d’opérations (11).

Dans l’immédiat, les problèmes sont prioritairement d’ordre budgétaire et capacitaire. Alors que les dépenses militaires sont partout à la hausse dans le monde, il n’est pas exagéré d’évoquer, comme l’a fait le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, un désarmement de l’Europe. Cette tendance lourde donne la juste mesure des souverainismes qui minent une « Europe molle » : nombre d'États ont renoncé à toute forme altière de souveraineté. Plus encore pour l’UE que pour l’OTAN, l’atrophie des ressources militaires est inquiétante, les moyens américains ne pouvant y compenser les déficiences européennes. Les optimistes verront dans ce reflux des dépenses militaires une fenêtre d’opportunité pour une plus grande coopération européenne. Ainsi spécule-t-on sur l’avenir des coopérations franco-britanniques (12) ou la mutualisation des capacités européennes. S’il existe de réelles marges d’action, cette spirale négative soulève une question de fond : le plus peut-il sortir du moins ? La question ne doit pas être éludée et il faut la porter dans le débat public.

Une thérapeutique de la lumière

Si l’adoption d’un nouveau concept stratégique et la réaffirmation du bien-fondé de l’Alliance atlantique réduisent le champ des incertitudes, le recul des dépenses militaires en Europe, avec pour horizon la démilitarisation du Vieux Continent, n’en est pas moins source d’inquiétudes. La pertinence de l’OTAN comme organisation militaire, les équilibres transatlantiques et la sécurité des alliés européens sont en jeu, sans même parler d’une « défense européenne » dépourvue des moyens requis ; c’est à l’aune des budgets et des capacités que l’on juge des intentions. Plus grave encore: cette involution ne suscite pas l’inquiétude des populations, nombre de nos contemporains ayant écarté de leur champ de conscience le risque de toute « situation de détresse », au sens destinal de l’expression. Le sauvetage du « modèle social » européen est censé justifier le fait que les États baissent la garde, les budgets militaires servant de variable d’ajustement.

Aussi le débat sur la défense de l’Europe doit-il être conduit au-delà du cercle des spécialistes et experts de la chose militaire. La question est éminemment politique et c’est dans le cadre d’une pensée géopolitique ample, avec pour ligne de mire l’indispensable bataille des idées, que la réflexion doit être menée. Un préalable : le retour aux êtres et aux choses. Plutôt que de s’employer à minorer les faits ou à justifier les coopérations interalliées par la réduction induite des dépenses, une thérapeutique de la lumière s’impose. La précipitation des enjeux démographiques et écologiques, la prolifération des technologies de mort, les affrontements territoriaux et identitaires laissent présager une convergence des lignes dramaturgiques. Plongés dans cette gigantomachie, il nous faut donc penser la situation d’exception, celle qui met en jeu l’existence et la souveraineté. Gardons à l’esprit cette vérité énoncée par René Girard : « En voulant rassurer, on contribue au pire ».

Jean-Sylvestre Mongrenier

Cet article a déjà été publié sur le site de l'Institut Thomas More.

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(1) Les CPG (Comprehensive Political Guidance) sont des solutions provisoires fondées sur des compromis entre les diverses postures doctrinales et politiques des États de l’Alliance atlantique.

(2) Au sens que Karl Popper donne à ce terme. Le rationalisme constructiviste se donne comme illusoire objectif de transformer l’Homme, la Société et le Monde sur la base d’abstractions théorisantes.

(3) Ces missions variées sont dites « non-article 5 » par souci de la distinguer des missions de type « article 5 » qui recouvrent la défense mutuelle des Alliés (voir le traité de l’Atlantique-Nord, 4 avril 1949).

(4) L’OTAN comprend aujourd’hui 28 États membres, avec la Croatie et l’Albanie. Le cas de l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine, a été reporté du fait d’un conflit non-résolu entre Athènes et Skopje sur l’appellation définitive de cet État.

(5) Cf. le contenu du préambule du traité de l’Atlantique Nord, texte aux allures de profession de foi civilisationnelle.

(6) L’expression est empruntée à Arnaud de La Grange et Jean-Marc Balencie, Les guerres bâtardes, Perrin, 2008.

(7) Sur cette question, voir Institut Thomas More, L’Europe de la défense, un an après le traité de Lisbonne, Note de Benchmarking n° 5, Octobre 2010.

(8) Voir sur ce point Leo Michel, NATO and the EU: Achieving Unity of Effort in a Comprehensive Approach, Atlantic Council, 21 septembre 2010.

(9) Ces systèmes sont en partie « dégradés » mais en cours de modernisation. Cf. Michel Guénec, La Russie et les défenses antimissiles, Institut Thomas More, 24 février 2009.

(10) La « clause d’assistance mutuelle » est formulée comme suit : « Au cas où un Etat membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies » (article 27, paragraphe 7). Les moyens militaires ne sont pas explicitement formulés et il est précisé que « cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres » (les Etats dits « non-alliés »). Enfin, l’article 27 stipule que « les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en œuvre ». Quant à la « clause de solidarité », elle est aussi de portée limitée : « L’Union et ses Etats membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un Etat membre est l’objet d’un attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine ». Dans ces cas de figure, l’Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les Etats membres (…)» (article 188, paragraphe 1).

(11) Négociés par étapes entre 1996 et 2003, les accords de « Berlin plus »permettent à l’UE d’accéder aux moyens de l’OTAN pour mener ses opérations en propre. L’approche globale et civilo-militaire des conflits requiert des accords de plus haut niveau. Ne négligeons pas cependant l’obstacle des difficiles relations entre certains pays de l’UE et la Turquie. Au-delà des réserves suscitées par la candidature turque à l’UE et l’occupation du nord de Chypre, le défi consiste aussi à penser une politique d’ensemble vis-à-vis de ce pays allié et partenaire.

(12) Cf. Jean-Sylvestre Mongrenier, « La politique de défense britannique et le special relationship anglo-américain : l’hypothétique rééquilibrage euro-atlantique », Hérodote. Géopolitique des îles britanniques, n° 137, 2e trimestre 2010.

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mercredi 24 novembre 2010

Reminder : Café Stratégique sur la défense anti-missile balistique demain soir !

Au cas où vous seriez passés à côté, Corentin Brustlein, jeune chercheur de l'IFRI, membre du blog Ultima Ratio, nous fera l'honneur de venir parler de la Défense Anti-Missile Balistique demain jeudi 25 novembre 2010 à partir de 19h.


Comme la dernière fois, le Café Stratégique aura lieu au café Le Concorde, 239 bd Saint-Germain, à Paris (métro Assemblée Nationale). L'entrée est libre, mais le nombre de place est limité.

Quelques mots sur Corentin Brustlein :

Au sein du Centre des Etudes de Sécurité de l'Ifri, Corentin Brustlein est chargé du suivi des processus d'adaptation et de transformation des appareils militaires contemporains et de la prolifération des armes nucléaires et de leurs vecteurs.
Axes de recherche :
- Prolifération des armes nucléaires et de leurs vecteurs ; dissuasion nucléaire ; défenses antimissiles
- Innovation, adaptation et transformation des appareils militaires et de leurs doctrines (Etats-Unis, France)
- Politique de défense américaine
- Théorie stratégique et théorie des relations internationales

Venez nombreux !

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lundi 22 novembre 2010

Les Operational Mentoring & Liaison Teams françaises en Afghanistan, entretien avec Florent de Saint Victor

Florent de Saint Victor (FSV), membre de l'Alliance Géostratégique et animateur du blog Mars Attaque, a participé à l'ouvrage Faut-il brûler la contre-insurrection ? sous la direction de Georges-Henri Bricet des Vallons, au travers d'un article intitulé "Les OMLT françaises en Afghanistan (2006-2010)".

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Il a accepté de répondre à quelques questions sur ces Équipes de Liaison et de Tutorat Opérationnel (en français), petites équipes pluridisciplinaires dont le rôle est de conseiller (instruction, entraînement) les militaires des unités de l'Armée Nationale Afghane (ANA) au sein desquelles elles sont intégrées, dans le cadre de l'ISAF. Un sujet particulièrement d'actualité, au moment du sommet de l'OTAN et alors que la France vient de changer de ministre de la défense, qui aura certainement fort à faire sur le "front" afghan.


JGP - L'énumération de l'empilement et du chevauchement des différentes structures de commandement des opérations alliées en Afghanistan (OEF et ISAF) est assez frappante, de même que la répartition changeante des rôles et responsabilités et le flou relatif qui peut exister quant à ces dernières. Ceci n'a-t-il pas un impact sur la lisibilité des actions et sur la "conquête des esprits et des cœurs" ?

FSV – Sans aucun doute ! Le système est un ensemble de strates qui se décomposent, se recomposent et se superposent. Si ces modifications se caractérisent souvent en un simple acte administratif, il en est parfois autrement avec des changements d’interlocuteurs préjudiciables pour la confiance bâtie dans le temps. À cela s’ajoutent les numéros d’équilibriste pour jongler avec les relèves qui différent selon les contingents (tous les quatre mois, six mois, douze mois, etc.).

Pour relativiser, je rajouterais que la compréhension de ces structures est surtout importante pour les militaires. Pour l’anecdote, j’ai en mémoire les difficultés administratives d’anticiper les intitulés de postes disponibles jusqu’à quelques jours avant le départ en mission d’officiers français. Ce besoin est moins important pour les populations locales qui sur le terrain voient moins les changements par le haut de ces organisations et les populations internationales qui n’ont que peu d’intérêt à savoir que c’est NTM-A et non plus CSTC-A qui agit.


JGP - Quelles sont les principales différences entre OMLT et ETT (Embedded Training Teams) ? De même entre OMLT et MiTT (Military Transition Teams) mises en place pour accompagner la montée en puissance de l'armée irakienne ?

FSV – Il est possible de dépasser le simple distinguo sémantique entre un concept 100% américain, les Embedded Training Teams (ETT) et la reprise tardive (2005) à la sauce otanienne que sont les OMLT. À la différence des OMLT qui prennent en compte les unités afghanes à la sortie des écoles de formation, les ETT sont au contact de leurs homologues afghans dès les cours dispensés dans « les usines à kandak ». Une fois la formation initiale reçue, la distorsion de moyens (en particulier financiers) lors des missions sur le terrain est la deuxième grande différence. Les ETT ont la capacité d’opérer de manière complètement autonome prenant en compte la trésorerie, l’intendance, l’appui, etc. D’ailleurs, les moyens mis à disposition par les ETT, sorte de poules aux œufs d’or pour une armée afghane généralement sous-équipée, n’étaient pas sans entraîner des difficultés lorsque l’ANA préférait outrageusement ces équipes. Finalement, les ETT ont un domaine d’action beaucoup plus global, comme les Military Transition Teams (MiTT) employées en Irak, que des OMLT plus axées sur une finalité : accompagner des unités locales dans leur cœur de métier.


JGP - On évoque souvent une "École française" de la contre-insurrection (avec une connotation laudative ou péjorative), avec un héritage allant de Bugeaud à Trinquier, en passant par Gallieni, Lyautey, Galula ou Lacheroy. Peut-on parler aujourd'hui d'OMLT à la française ? Quelles en seraient ainsi les caractéristiques distinctives par rapport au OMLT anglo-saxonnes ?

FSV – Appliquer aux OMLT la grille de lecture de l’école française de la contre-insurrection me semble pertinent à la marge. À l’époque de l’Indochine et surtout de l’Algérie, fondements de cette école, il s’agissait de renforcer les troupes françaises par des supplétifs recrutés sur place et encadrés par des Français. En Afghanistan, il s’agit de mettre sur pied à terme une armée autonome, instrument d’un pays indépendant. Ainsi, il s’agit de tirer de la culture stratégique française des enseignements sur un comportement adéquat plus que sur des doctrines d’emploi.

C’est dans l’art de faire au quotidien que les OMLT françaises peuvent se distinguer, et encore. Malgré l’échec dans le sud de l’Irak de l’approche douce fondée sur le contact et le dialogue, les OMLT britanniques n’ont pas hésité à retenter l’expérience dans le sud de l’Afghanistan. Par contre, n’ayant pas intégré comme la France ou la Grande-Bretagne ces expériences coloniales, d’autres nations n’ont pas fondé leur approche sur un mode d’action au contact permanent des unités mentorées. C’est le cas, par exemple, des OMLT allemandes qui ne sortent pas sur le terrain et s’occupent uniquement de la formation en garnison.


JGP - Réciproquement, du fait du changement induit pour des "unités ankylosées par des années d'escarmouches africaines et de maintien de la paix balkanique", quels sont les principaux apports des OMLT au "processus d'adaptation" de l'armée française ?

FSV – Les premiers mandats des OMLT, puis le tragique réveil de l’embuscade d’Uzbeen en août 2008, mettent définitivement fin à plusieurs dizaines d’années marquées par des évènements épisodiquement violents. Loin des débats sémantiques stériles et irrespectueux pour ceux qui sont sur le terrain, la guerre dans toute sa dureté s’impose aux exécutants puis aux décideurs. Sous la pression de la violence et de la récurrence des engagements, le système rentre en phase d’excitation et les processus d’action-réaction se multiplient. Sans rentrer dans les détails, des achats sont effectués dans le domaine de la protection, des documents de doctrine sont réécrits, l’entraînement est densifié, etc. Ce qui est notable c’est que ces apports, destinés à l’origine aux OMLT (quelques centaines de personnes par an) bénéficient progressivement à un nombre toujours plus important d’unités. C’est un exemple parfait d’adaptation partant du bas, irriguant tout le système jusqu’à atteindre le haut qui formalise alors les pratiques.


JGP - L'opinion publique occidentale en général et française en particulier est très sensible aux pertes humaines dans les rangs de ses soldats, et préfère de loin, selon les sondages mentionnés dans l'article, l'envoi de formateurs à celui de troupes combattantes. La communication stratégique autour des OMLT y est-elle pour quelque chose ? Cet état de fait est-il aligné sur ce que l'OTAN et les USA "attendent" de leurs alliés sur le théâtre afghan ? N'y a-t-il pas un risque d'effet "pervers" dans le cas où l'évolution du conflit rendrait nécessaire un renversement de tendance et la plus grande mobilisation d'unités combattantes ?

FSV – Entre deux maux, le choix est au moins pire. Une fois intégré par tous, qu’un retrait immédiat est difficilement envisageable, l’envoi de formateurs est vu comme la solution ayant un rapport coût-bénéfice dans le temps le plus sensé. Et cela, malgré le fait que le rôle des OMLT à la française est loin d’être sans risque. Il est possible de voir dans cela une forme d’incohérence, camouflée par la communication stratégique, qui régulièrement fait un effort particulier pour convaincre de l’importance de l’ANA dans la sortie de crise.

Cela arrange bien d’ailleurs l’OTAN et les USA qui sont à la recherche permanente de formateurs afin d’atteindre un nombre toujours plus important de soldats afghans sur le terrain. Encore récemment, le chiffre de 900 formateurs nécessaires circulait. D’ailleurs, il faut signaler que les contingents qui se sont retirés ou se retirent sous peu (Canada et Pays-Bas principalement) acceptent de fournir des effectifs uniquement pour la montée en puissance de l’ANA.

Pour répondre à la dernière partie de la question et couper court, il y a fort à parier que si l’évolution du conflit nécessite dans l’avenir un renversement de tendances (plus de combattants moins de formateurs), un retrait chaotique serait accéléré et les nations contributrices n’iraient pas plus loin.


JGP - Finalement, quelles sont les principales réalisations à mettre au crédit des OMLT sur le terrain afghan ? Quel chemin reste-t-il à parcourir pour que les ANSF soient pleinement autonomes, et sont-elles sur la bonne voie ?

FSV - Difficile de répondre à l’échelle du théâtre. En effet, les chiffres aidant à juger de la situation font partie intégrante du discours narratif que construisent la coalition et les sceptiques. Ils sont donc à prendre avec précaution. Néanmoins, il semble que les tendances de fond sont encourageantes. Mais le chemin est encore long et des difficultés perdurent : budget dépendant de l’aide internationale, équipements, taux d’alphabétisation, etc.

C’est au niveau local que l’action des OMLT se fait le plus ressentir. L’autonomie de l’ANA dépendant largement de l’expérience acquise au contact de la coalition. Les OMLT françaises ne peuvent rougir de leurs résultats. Les unités afghanes mentorées par les Français sont souvent appelées dans les Quick Reaction Force (QRF) de niveau national et ont participé à la dernière grande opération de l’ère McChrystal, l’opération Moshtarak lancée en février 2010.

Plus globalement, l’ANA est pour moi enfermée dans une manière de faire la guerre (à l’américaine, à l’otanienne) qu’elle ne pourra assumer à terme. On ne s’improvise pas en une dizaine d’années un monstre froid de planification, de normes, de processus. Cet échafaudage construit par la coalition, quoique critiquable, est pourtant incontournable.

Décoller progressivement l’ANA de la coalition est le défi du transfert des compétences exécuté district par district. D’ailleurs, et quoique ayant commencé depuis des mois, il ne fait que depuis récemment les gros titres à l’approche du sommet de l’OTAN de Lisbonne. C’est d’ailleurs étrange que l’OTAN ne communique pas plus sur l’application de ce plan déjà mis en place et qui semble donner, en particulier dans la capitale Kaboul, des résultats probants.

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vendredi 19 novembre 2010

Business Made in China d'Olivier Marc

J'ai récemment lu "Business Made in China" d'Olivier Marc, spécialiste des stratégies de croissance en Chine, paru chez Choiseul. Il sort un petit peu du cadre du présent blog car comme l'indique son sous-titre "Stratégies d'acquisitions et de partenariats", il s'adresse principalement aux entreprises désireuses de s'implanter sur le marché chinois par le biais de la croissance externe. Il s'agit ni plus ni moins qu'un guide méthodologique d'achat d'entreprises chinoises.


Il traite donc d'analyse stratégique, de valorisation, de structuration financière, juridique ou fiscale et de due diligence. Ceci dit, il le fait sans excès de jargon et en décrivant systématiquement les spécificités (nombreuses) que présente la Chine, tout en donnant des conseils permettant. J'ai déjà évoqué ici certaines de ces particularités, qu'il s'agisse du danger de captation technologique, du peu de cas fait des termes contractuels, des énormes inégalités entre provinces, ou même de l'omniprésence du PCC à tous les niveaux.

Et tout le début de l'ouvrage, consacré à l'économie chinoise, son organisation politique (et l'impact du politique sur la structure du marché et les priorités industrielles), la réalité des investissements étrangers (et chinois à l'étranger) est très éclairant pour tous ceux qui s'intéressent à l'Empire du Milieu. De même que la description des principales erreurs d'appréciation, se fondant sur les clichés répétés à l'envi sous nos latitudes (taille du marché, potentiel de croissance...), et qui conduisent souvent à de grosses désillusions.

En bref, un livre pratique et pragmatique, et qui nécessite naturellement quelques connaissances du domaine des fusions-acquisitions pour être pleinement apprécié.

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mercredi 17 novembre 2010

Quatre questions sur "la" contre-insurrection

En tant que citoyen averti, je suis avec intérêt le débat qui a suivi l'article d'Olivier Schmitt sur Le Monde (Du mauvais usage de l'histoire pour la contre-insurrection), notamment au travers des réponses de Stéphane Taillat (Du mauvais usage de la critique de la contre-insurrection), Elie Tenenbaum (Du bon usage de l'histoire pour la contre-insurrection) ou Florent de Saint-Victor (On ne s'improvise pas pourfendeur de la COIN).

Je recommande d'ailleurs à ce sujet la lecture de De quoi la contre-insurrection est-elle le nom ? de Georges-Henri Bricet des Vallons, introduction de l'ouvrage collectif Faut-il brûler la contre-insurrection ? qui revient justement sur la nécessité de prendre du recul par rapport à la volonté d'appliquer des recettes toutes faites issues d'expériences historiques (je simplifie, et je signale au passage que je reviendrai sur cet ouvrage que je suis en train de lire).



Ceci me fait me poser quatre questions sur la contre-insurrection (qui découlent peut-être en partie de ma connaissance imparfaite du sujet) :
  • On lit souvent que les aspects militaires ne doivent y jouer qu'un rôle réduit par rapport aux dimensions politiques, économiques, sociales et culturelles. Le général René Emilio Ponce, d'ailleurs cité par Bricet des Vallons dans l'article mentionné ci-dessus, dit ainsi "90% d'une contre-insurrection sont politiques, sociaux, économiques et idéologiques, et seulement 10% sont militaires". Alors comment se fait-il que l'écrasante majorité de ceux qui écrivent sur le sujet appartiennent au "monde militaire" (soit directement militaires, éventuellement spécialisés sur certaines sciences humaines, soit analystes/chercheurs dans le domaine) ? Est-ce parce que, tout de même, le fait militaire reste le point focal (notamment en phase de stabilisation prolongée), celui par l'intermédiaire duquel les autres sont rendus possibles (sachant que ce sont souvent les militaires qui sont au coeur de toutes les actions terrain) ? Ou alors y a-t-il un vrai déficit d'intérêt de la part des spécialistes hors du champ militaire pour le sujet ? Voire une réticence marquée vis-à-vis de la "militarisation" de leurs disciplines ? Que font les "militaires" pour y remédier ?

  • Il faut se garder d'essentialiser, quelle que soit la dimension étudiée, pour en tirer des leçons définitives mais forcément simplificatrices. Cependant, je vois peu de distinction dans les différents écrits que j'ai pu compulser, entre le traitement des COIN menées par des forces conventionnelles hors de leur territoire national (cas par exemple des guerres d'Irak et d'Afghanistan, même si dans ce dernier cas "on" tente d'afghaniser le conflit) et celles menées par un état sur son propre territoire... sachant que cette notion de "territoire" et de la souveraineté qui s'exerce sur lui est justement souvent au coeur du conflit irrégulier, entre guérilla enracinée localement et pouvoir central plus ou moins légitime. Et il faut bien entendu distinguer le cas de la France en Algérie et du Maroc face au Front Polisario, par exemple. Cependant, ne pas faire ce genre de distinction n'entraîne-t-il pas par ricochet une vision de la COIN très néocoloniale, étant menée par des forces occidentales sur des territoires africains ou asiatiques ?

  • On l'a vu plus haut, il n'est pas recevable d' "accuser" de façon simpliste les spécialistes et promoteurs de la COIN de vouloir appliquer bêtement des recettes de cuisine issues des expériences historiques d'Algérie, de Malaisie, du Kenya, de l'Irak ou du Vietnam. Cependant, je me demande si d'une manière générale, dans l'approche "systémique" et "holiste" qu'ont ses praticiens il est suffisamment tenu compte de l'hystérésis (propriété d'un système dont l'état à un instant donné dépend de son évolution antérieure et pas seulement de variables externes) que peut connaître le système constitué par le pays et la société dans laquelle ils mènent leurs actions. En l'espèce, comme le montre Stéphane Taillat dans son article Communautarisation, tribus et terrain humain (à lire également dans Faut-il brûler la contre-insurrection ?), l'approche rumsfeldienne a négligé (entre autres !) les dynamiques à l'oeuvre au sein de la société irakienne avant l'état initial constitué par l'invasion, se fondant sur des lignes de fractures caricaturales entre Sunnites et Chiites notamment. En bref, ne faut-il pas que l'histoire militaire de la COIN dans d'autres régions du monde aille plus à la rencontre de l'histoire (et de la sociologie, culture...) particulière du pays dans lequel elle est censé se dérouler ?

  • Enfin, suite là encore à la lecture de l'article Du mauvais usage de la critique de la contre-insurrection et de l'évocation qui est faite des différentes approches mises en oeuvre par les officiers français sur le terrain afghan (l’approche “agressive” de Nicolas Le Nen illustrée dans la bataille d’Alassay et l’opération “dîner en ville”, l’approche “indirecte” de Francis Chanson fondée sur la construction des routes comme élément central d’une manoeuvre politique globale, la “stratégie du Mikado” de Benoit Durieux consistant à séparer les insurgés les uns des autres), je me demande pourquoi celles-ci ne reçoivent pas plus d'attention de la part de nos médias. Est-ce dû au fait qu'il s'agit là de sujets trop techniques et complexes pour le grand public ? Et plus largement, comment s'inscrivent-elles dans la COIN que pratiquent les Américains ? Peut-on parler de COIN à la française ? Voire carrément de COIN française ? Influent-elles sur les réflexions des grands noms tels que Nagl, Kilcullen ou Petraeus ?

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lundi 15 novembre 2010

[Le blog de la semaine] : Le fauteuil de Colbert

Cette semaine, je signale un blog un peu particulier puisqu'il s'agit du tout récent "Le fauteuil de Colbert", tenu par Thibault Lamidel, jeune auteur connu de mes lecteurs puisqu'il a signé un certain nombre d'articles ici-même (voir ces articles), principalement sur l'industrie de défense française. Certains figurent parmi les plus lus depuis le lancement du blog, en particulier Dissolution de la Belgique : une chance pour la Défense française ? ou Le Rafale furtif.

Le BPC Mistral

Son blog vient combler un vide relatif de la blogosphère francophone puisqu'il sera principalement consacré à la géopolitique navale (avec je pense également un tropisme vers les équipements) : la France est tout de même le pays ayant la 2ème façade maritime dans le monde ! En parallèle, Thibault Lamidel tient une chronique de stratégie et tactique navales sur le portail des sous-marins de Gilles Corlobé.

A suivre donc et à rajouter à sa blogroll.

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samedi 13 novembre 2010

A Sight on European Defence a déménagé

Je suis un peu long à la détente, mais j'ai enfin mis à jour l'adresse du blog A Sight on European Defence dans ma blogroll. A suivre pour tous ceux qui s'intéressent (en anglais) à la défense européenne, à l'OTAN, aux relations UE-EU, aux "couples" franco-britannique et franco-allemand...

En espérant qu'il me rajoute également à sa nouvelle blogroll ;-).

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vendredi 12 novembre 2010

Deuxième édition des Cafés Stratégiques le 25 novembre avec Corentin Brustlein (IFRI)

Les Cafés Stratégiques, deuxième édition !

Après le général Desportes au mois d'octobre, c'est Corentin Brustlein, jeune chercheur de l'IFRI, membre du blog Ultima Ratio, qui nous fera l'honneur de venir parler de la Défense Anti-Missile Balistique, l'un des sujets chauds du moment (à voir notamment sur le blog d'Olivier Kempf).


Comme la dernière fois, le Café Stratégique aura lieu au café Le Concorde, 239 bd Saint-Germain, à Paris (métro Assemblée Nationale). L'entrée est libre, mais le nombre de place est limité.

Quelques mots sur Corentin Brustlein :

Au sein du Centre des Etudes de Sécurité de l'Ifri, Corentin Brustlein est chargé du suivi des processus d'adaptation et de transformation des appareils militaires contemporains et de la prolifération des armes nucléaires et de leurs vecteurs.
Axes de recherche :
- Prolifération des armes nucléaires et de leurs vecteurs ; dissuasion nucléaire ; défenses antimissiles
- Innovation, adaptation et transformation des appareils militaires et de leurs doctrines (Etats-Unis, France)
- Politique de défense américaine
- Théorie stratégique et théorie des relations internationales

Venez nombreux !

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mercredi 10 novembre 2010

Nouvelles du blog

En raison de problèmes d'accès à internet et d'une activité professionnelle un peu plus intense en ce moment, le rythme de publication du blog sera ralenti dans les jours qui viennent. Le retour à la normale (5 articles par semaine) ne devrait pas intervenir d'ici trop longtemps.



Par ailleurs, je constate que le plugin Outbrain, qui propose au bas de chaque article des liens vers d'autres billets du blog, a permis une augmentation sensible du nombre de pages vues, de l'ordre de 15%, alors que le nombre de visites uniques reste à peu près stable. L'utilisation d'une balise de type "lire la suite", ne montrant que les premières lignes de chaque article, devrait permettre de faire monter, de façon un peu artificielle, les chiffres.

Enfin, je me retrouve en novembre à la 25ème place d'un classement International de Wikio qui semble se stabiliser (j'étais 23ème en octobre, 21ème en septembre, mais 7ème en avril et 4ème en mai 2010), avec une Alliance Géostratégique solidement installée à la 5ème place, deux alliés dans les vingt premiers, puis cinq (dont le mien) entre la 20ème et la 30ème place.

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lundi 8 novembre 2010

"La géopolitique et le géographe" d'Yves Lacoste

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le dernier ouvrage d'Yves Lacoste, La géopolitique et le géographe, un livre d'entretien avec Pascal Lorot, président de l'Institut Choiseul et promoteur en France du concept de géoéconomie.


Un ouvrage donc très intéressant, qui revient notamment sur l'histoire de la géopolitique (et de la géographie), depuis Ratzel et Kjellén, en passant par Haushofer mais aussi... Elisée Reclus ou Vidal de la Blache, mettant en exergue les divergences entre Allemagne et France, y compris sur l'enseignement de la géographie. Il s'agit aussi en quelque sorte d'une autobiographie de Lacoste, puisque sont décrites de façon détaillée ses expériences de "géographie active" en Haute-Volta, au Vietnam, à Cuba ou en Kabylie. Mais également l'aventure de l'université de Vincennes, ses liens avec le PCF, le fameux "La géographie, ça sert, d'abord, à faire la guerre", la création de la Revue Hérodote (le premier géographe ? Les historiens en furent pris de court !) ou sa rencontre avec Béatrice Giblin, fondatrice de l'Institut Français de Géopolitique, et pionnière de la géopolitique interne, car "géopolitique" ne rime pas forcément avec "international".

Pour moi qui ne connais presque rien du monde universitaire, le livre est très éclairant sur les querelles de chapelles qui jalonnent l'histoire et l'évolution d'une "discipline" (terme en lui-même connoté), en l'occurrence la géographie (bordée par l'histoire), qu'elle soit physique ou humaine, voire... politique. Bien sûr, l'idéologie n'est jamais loin, que ce soit en raison du bouillonnement autour de la décolonisation, de mai 68, ou plus anciennement de l'utilisation faite par les Allemands de la "première" géopolitique. Sans parler du concept de "nation", éminemment géopolitique pour Lacoste.

Par contre, deux petits bémols :
  • j'ai trouvé un peu légers les développements liés à la situation mondiale actuelle, entre Chine, Inde, conflits irréguliers, terrorisme... ou immigration. Dommage, alors que par ailleurs sont indiqués dans l'ouvrage quelques clés du raisonnement géopolitique !
  • pareillement, le discours de Pascal Lorot autour de la géoéconomie, et notamment ses explications visant à la différentier de la "guerre économique" ou d'une simple branche de la géopolitique m'a semblé peu convaincant : il faut peut-être que je penche plus sérieusement sur cette discipline, car à ce stade je ne vois pas bien en quoi le préfixe "géo" est pertinent (fut-il virtualisé)... j'y reviendrai certainement

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vendredi 5 novembre 2010

De l'arc de crise au Moyen-Orient

Entre la définition de l'arc de crise par Zbigniew Brzezinski en 1978 ("An arc of crisis stretches along the shores of the Indian Ocean, with fragile social and political structures in a region of vital importance to us threatened with fragmentation. The resulting political chaos could well be filled by elements hostile to our values and sympathetic to our adversaries") et celle de Nicolas Sarkozy en août 2010 ("Il n'y a pas aujourd'hui de coordination opérationnelle entre les groupes qui agissent d'un bout à l'autre de cet arc de crise. (...) Mais si la situation devait se dégrader, le risque serait grand de voir apparaître une chaîne continue liant les bases terroristes de Quetta (Pakistan) et du Sud-afghan à celles du Yémen, de la Somalie et du Sahel"), voici une analyse relative à une autre acception de cet arc, "restreinte" d'Israël au Pakistan.

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jeudi 4 novembre 2010

Arc de crise : menace ou victime ?

Dans les propos de Zbigniew Brzezinski ou de Nicolas Sarkozy relatifs à "l'arc de crise", quelle que soit son extension géographique, il est énormément question de menace contre nos intérêts occidentaux, qu'il s'agisse à la fin des années 1970 du danger communiste ou aujourd'hui du terrorisme islamiste (et ses différents avatars, d'AQ et ses franchisés à l'arc chiite mené par l'Iran).


Étant donné le nombre de pays que traverse cet arc, leur diversité économique, culturelle, de même que leur intégration dans le concert des nations, il est évident que les mettre dans un même sac procède d'une approche simplificatrice ; et que même si, dans une optique de "global war on terror" que tout le monde n'a pas abandonnée, c'est une notion qui s'avère bien pratique, elle peut être contre-productive dans la "conquête des coeurs et des esprits" chère aux tenants de la COIN.

Par contre, il ne faut pas oublier que comme le souligne Antonio Guterres, haut commissaire de l'ONU pour les réfugiés (UNHCR) et ancien premier ministre portugais, cette zone est à l'origine des deux-tiers des réfugiés que compte notre planète :

There is an arc of crisis reaching from Pakistan and Afghanistan through the Middle East to Yemen, Somalia, Sudan and Chad that produces two-thirds of the world's refugees,
These problem areas were increasingly linked. They became "breeding grounds" for terrorism. And all such problems were exacerbated, in turn, by global megatrends – population growth, urbanisation, food and energy insecurity, water scarcity and, particularly, climate change
La situation des Somaliens est particulièrement peu enviable, avec une population d'à peu près 700 000 réfugiés fin 2009 :

I do not believe there is any group of refugees who are as systematically undesired, stigmatised and discriminated against as Somalis … It is difficult to conceive a situation more abject than that of the Somali refugee

Sans surprise, Guterres appelle à un "new deal" et à débat international permettant notamment une plus grande coopération (particulièrement dans l'accueil des déplacés) et un plus grand équilibrage du fardeau entre pays développés et pays ayant besoin d'aide. Il plaide également pour plus de "prévention", au coup à long-terme moins élevé. Cette prévention passe bien évidemment, entre autres, par une lutte (multidimensionnelle, dont la composante militaire ne doit pas être sur- ni sous-estimée) contre les facteurs favorisant le terrorisme international. Reste à savoir si les guerres d'Irak et d'Afghanistan, puisqu'il s'agit des points focaux les plus proéminents, ont bien joué ce rôle ou si au contraire elles ont pour le moment plutôt attisé les braises.

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mercredi 3 novembre 2010

[Le blog de la semaine] : L'Iran pour les Nuls

Pour commencer ce mois consacré à l'arc de crise(s) sur l'Alliance Géostratégique, quoi de plus normal que de rajouter à ma blogroll L'Iran pour les Nuls.



Comme son nom l'indique, son auteur, Fabien Dany, s'attache à montrer que ce pays ne se réduit pas aux gesticulations de Mahmoud Ahmadinejad et au dossier brûlant du nucléaire. Lancé en juin 2007 mais étant passé à la vitesse supérieure le mois dernier, il consacre des articles assez détaillés au fonctionnement de la société iranienne (les bonyads, les Bassidji, les juifs iraniens...), à sa culture (le Varzesh-e Pahlavani, l'artisanat local, l'alphabet farsi, l'Achoura...) mais aussi à son économie et à ses relations internationales.

Mo’afagh bashed!

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mardi 2 novembre 2010

La Chine tisse la toile de son futur système de navigation par satellite

La Chine vient de lancer le sixième satellite de son futur système de navigation par satellite Beidou, concurrent du GPS américain, du Glonass russe et ... du Galileo européen.

Ce dernier devrait voir le lancement des quatre satellites destinés à l'In-Orbit Validation (IOV) débuter en avril 2011. Lui succèdera la mise en oeuvre des satellites Full Operational Capability (FOC). Il semblerait que des dérapages financiers successifs soient en train de repousser la mise en service à 2017 voire 2018, alors qu'elle est officiellement prévue à horizon 2013-2014.



Côté chinois, on espère que le réseau commencera à fournir des services sur la région Asie-Pacifique dès 2012, et tout autour du globe à partir de 2020, grâce à une constellation d'un peu plus de 30 satellites.

Si l'on ajoute la remontée en puissance du GLONASS, on ne peut que s'attendre à une liste d'opportunités perdues face aux concurrents non-européens, en plus d'une lourde facture pour le contribuable, prix de longs atermoiements autour de l'ambition et de la gouvernance de Galileo... des problèmes politiques que ne partagent certainement pas les USA, la Russie ni la Chine, qui n'a pas autant d'états d'âme vis-à-vis de l'utilisation militaire d'un tel système.

J'en parlais déjà il y a plus d'un an (Partie d'échecs chinois dans l'espace), mais la primauté n'est pas neutre. En effet comme l'indique le rapport du député Bernard Deflesselles, les Chinois ont publié une liste de fréquences se superposant à celles utilisées par Galileo, ce qui aurait pour effet de brouiller son signal sur le périmètre du Public Regulated Service, réservé aux organes étatiques requérant une haute qualité de service.

Rappelons que la Chine était initialement partie prenante de Galileo, ce qui lui a certainement permis de mettre un pied à l'étrier avant de lancer son propre programme de souveraineté, officiellement en raison de son insatisfaction sur son rôle dans la construction du système européen. Bref, l'UE joue encore un peu le dindon de la farce, en n'étant certes pas très aidée par ses divisions internes, avec notamment un Royaume-Uni qui ne souhaite pas que le système européen vienne concurrencer trop frontalement le GPS de leur allié d'outre-Atlantique. Ce qui vient nettement atténuer l'optimisme de ceux qui voient le couple France-RU relancer l'UE et l'Europe de la défense (Sécurité Européenne).

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lundi 1 novembre 2010

Video Al Jazeera : les USA contribuent-ils à la militarisation du cyberespace ?

Avant de passer à un nouveau thème du mois sur l'Alliance Géostratégique, une dernière petite vidéo consacrée à la cyberguerre, avec un point de vue un peu différent, puisqu'il s'agit de celui présenté par l'émission "Fault Lines" ("Failles", sous-entendu principalement celles de la société américaine) d'Al Jazeera English.



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