Avant de s'illustrer au Maroc ou de devenir ministre de la Guerre, Hubert Lyautey fut l'auteur du très court mais très remarqué Rôle social de l'officier, d'où sont extraites les lignes suivantes :
Aux officiers de demain, dites que, s'ils ont placé leur idéal dans une carrière de guerres et d'aventures, ce n'est pas chez nous qu'il faut poursuivre ; ils ne l'y trouveront plus : arrachez-leur cette illusion avant les déceptions tardives. Mais donnez-leur cette conception féconde du rôle moderne de l'officier devenu l'éducateur de la nation entière.
Une troupe bien en main, moins instruite, vaut mieux qu'une troupe plus instruite, moins en main.
Où il apparaît qu'il importe avant tout que les lieutenants, commandants et colonels conquièrent les esprits et les coeurs de leurs soldats, en s'appuyant fortement sur leurs sous-officiers. Bien évidemment, le propos a perdu de sa force depuis la fin de la conscription. Mais l'action éducatrice de l'armée reste un trait majeur de son lien avec la Nation toute entière.
Par ailleurs, malgré ce qui est écrit sur la couverture représentée ci-dessus (qui est celle de l'édition que j'ai lue), Lyautey n'était pas encore maréchal lorsque son article parut dans la Revue des Deux Mondes en 1891 : il recevra le bâton en 1921, peu de temps d'ailleurs avant d'être remplacé par Pétain à la tête des troupes engagées contre la rébellion d'Abd-el-Krim.
Il convient de noter que malgré l'émoi qu'a pu susciter Le Rôle Social de l'Officier, notamment en raison de la relative remise en question des pratiques des officiers ("coupables" de mieux connaître leurs chevaux, pour ceux de cavalerie, que leurs hommes), il n'a cependant pas nui à la carrière de son auteur, malgré une explication "orageuse" à l'Hôtel de Brienne. De nombreux soutiens, dans les rangs militaires et la société civile, se font jour. Si bien que quelques années plus tard, les propositions de Lyautey ont été prises en compte par l'armée.
L'article s'inscrit dans une période de relatif renouveau de la pensée militaire française, dans la foulée de la création de l'Ecole Supérieure de Guerre, et alors que les propos de Mac Mahon ("J'efface du tableau de l'avancement tout officier dont j'ai lu le nom sur la couverture d'un livre") semblent un peu loin. Une époque marquée par ailleurs par un fort antimilitarisme, accentué par le fait que le service national est récemment devenu obligatoire pour tous les jeunes hommes, sans distinction de classe sociale ni de niveau d'éducation. Précisément l'opportunité, pour Lyautey, de faire du corps des officiers de l'armée le cadre permettant à la population (masculine) d'une même génération de marcher "la main dans la main, dans la large et noble voie du progrès social".
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