A la Une

Mon Blog Défense

lundi 27 septembre 2010

Cyberguerre, un désaccord dans les termes

J'ai évoqué récemment (Nouvel Ordre Mondial Cybernétique et Clickskrieg) la volonté d'Hamadoun Touré, secrétaire général de l'Union International des Télécommunications, de mettre en oeuvre des traités internationaux dans le domaine de la cyberguerre (une réalité restant encore à observer), comme il peut en exister autour du nucléaire, des armes chimiques ou bactériologiques.


Et il ne faut pas croire que les pays industrialisés occidentaux sont à la pointe des demandes de régulation internationale. En effet, le champion en la matière est, de façon assez surprenante, la Russie, soupçonnée par ailleurs de différentes attaques, notamment celle contre l'Estonie en 2007. Depuis plus de 10 ans, l'ancien empire soviétique pousse auprès de l'ONU une résolution visant au contrôle des armes cybernétiques. Des pays comme la Chine, l'Inde et le Brésil sont également en faveur d'un renforcement du rôle des états dans la gouvernance d'Internet, ainsi que d'un partage des responsabilités ; et donc de l'attribution explicite de souveraineté qui en découle.

Cependant, il existe un vrai fossé sur le vocabulaire et le périmètre de ce que l'on appellle une "arme cybernétique" ou la "cyberguerre". En effet, si pour les Occidentaux la cyberguerre recouvre principalement ce qui va porter atteinte aux infrastructures (énergie, télécoms / médias, secteur financier, transports, systèmes militaires...) d'un pays par le biais des réseaux informatiques (un peu comme ce qui est arrivé à l'Iran), au travers d'attaques malveillantes, la Russie, pour ne citer qu'elle, voit beaucoup plus les choses en termes politiques et sociaux.

C'est donc logiquement qu'elle promeut plutôt le concept général de "guerre de l'information", amenant le sujet sur le terrain de la "guerre des idées" où sévit le "terrorisme informationnel". Lors de la conférence sur le désarmement de l'ONU en avril 2008, un représentant du ministère de la défense russe a ainsi exprimé le fait qu'il fallait qualifier d'agression la promotion d'idées sur Internet par un acteur étatique visant à déstabiliser un autre État. A l'occasion du sommet de l'OCS, toujours en 2008, un accord signé entre les états membres érige au rang de menace pour la sécurité nationale la diffusion d'informations heurtant la sphère culturelle, morale ou spirituelle d'un pays.

Un plaidoyer contre l'ingérence, fut-elle idéologique, dont les USA sont coutumiers ou accusés de l'être. Et qui rappelle l'époque de l'URSS et de Radio Free Europe. Mais également ce qui existe dans le domaine de la concurrence entre entreprises, régie par un code de bonne conduite qui condamne le dénigrement des petits copains.

Ceci dit, quand on voit que des pays comme la Chine ou la Russie sont eux-mêmes des pros de l'astroturfing (50 Cent Army contre Netizens), on peut se demander comment et qui sera en mesure de démêler d'éventuels plats de spaghettis des cyber proxy wars ! Et inutile de rappeler que le cyberespace est très propice au false flag.

Voilà qui pousse la question de la "cyberpaix" vers le contrôle des contenus et des opinions, et non pas seulement sur le piratage ou le déni de service. Ce qui en un sens est naturel, car la "guerre de l'information" (particulièrement prégnante dans le champ actuel des guerres irrégulières, mais également quand les nationalismes sont exacerbés) trouve évidemment sur la toile un champ de bataille privilégié. Officiellement, les États-Unis sont attachés à la structure ouverte de l'Internet. Mais ils en tiennent une partie des rênes. Et puis la NSA n'a-t-elle pas affirmé récemment qu'en tant qu'Etat ils se devaient de s'assurer de la sécurité du cyberespace (Les industriels de l'armement se tournent vers la cyberguerre) ? En tout état de cause, de telles résolutions impliqueraient des changements drastiques dans la gouvernance du réseau des réseaux, aujourd'hui très privatisé et très US-centric.

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

1 commentaire:

SD a dit…

Je suis complètement d'accord avec ta conclusion. Le patron du US cybercommand a même récemment évoqué la possibilité de développer un deuxième Internet (totalement américain) pour les infrastructures vitales américaines...
Cordialement