Six équipes africaines prendront part à la Coupe du monde de football qui débute la semaine prochaine : l'Algérie, le Nigéria, le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Cameroun et l'organisateur de la compétition, l'Afrique du Sud, qui jouera dans le groupe de la France.
Un constat s'impose : à l'exception de l'Algérie, toutes les équipes africaines ont un sélectionneur non seulement étranger, mais carrément non-africain
- Nigéria : Lars Lagerbäck (Suède)
- Ghana : Milovan Rajevac (Serbie)
- Côte d'Ivoire : Sven-Göran Eriksson (Suède)
- Cameroun : Paul Le Guen (France)
- Afrique du Sud : Carlos Alberto Parreira (Brésil)
Est-ce significatif ou surprenant ? Après tout, même l'Angleterre, qui figure parmi les favoris, a un sélectionneur non anglais, italien en l'occurrence. Cependant, parmi les 5 confédérations qui regroupent l'ensemble des fédérations nationales du globe (UEFA pour l'Europe, CAF pour l'Afrique, AFC pour l'Asie et l'Océanie, CONCACAF pour l'Amérique du Nord, centrale et les Caraïbes, CONMEBOL pour l'Amérique du Sud), c'est un cas unique cette année. Même les pays asiatiques, qui ont par le passé eu recours à des sélectionneurs européens, ont en 2010 des nationaux à la tête de leur équipe.
Si l'on revient aux éditions précédentes, on se rend compte qu'en 2006, seul l'Angola avait un sélectionneur local (Luís Oliveira Gonçalves), alors que les quatre autres engagés du continent étaient menés par des Européens :
- Roger Lemerre pour la Tunisie
- Henri Michel pour la France
- Radomir Dujkovic pour le Ghana (notez la filière serbe)
- Otto Pfister pour le Togo
La plupart des noms figurant ci-dessus sont ceux de "sélectionneurs professionnels", ayant dirigés plusieurs équipes nationales, pas toujours celle de leur propre pays. On note que de nombreux sélectionneurs français sont à la tête d'anciennes colonies, liens historiques et linguistiques obligent.
D'une manière générale, il est courant dans l'univers du sport que des ressortissants de pays "avancés dans la discipline" soient sollicités par des nations qui n'ont pas la même maturité et donc le même réservoir de compétences. Ce dernier est d'abord alimenté par les structures (clubs, championnats, fédération) locales, qui permettent aux entraîneurs de se révéler, après avoir émergé des rangs des joueurs professionnels (bien qu'un bon entraîneur n'a pas toujours eu une grande carrière de joueur, et inversement). L'établissement et la professionnalisation de ces structures ne se font pas en un jour, et nécessitent certains moyens financiers sur la durée, afin d'en assurer la pérennité.
Rien de bien original, dans le domaine industriel il se passe la même chose : un pays émergent a d'abord besoin d'investisseurs et d'experts étrangers dans un secteur donné, puis par le biais de transfert de compétences sa base industrielle propre se développe jusqu'à ce qu'il soit autonome et concurrence même ses anciens fournisseurs.
Dans le football, de nombreux pays africains peuvent s'appuyer sur un intérêt marqué du public, qu'il s'agisse des clubs ou de l'équipe nationale, d'un bon taux de croissance économique et de l'intérêt croissant pour le continent (avec une distribution très inégale, bien entendu) de la part de grands acteurs mondiaux (les fameux partenaires ou sponsors). Cependant, cela ne semble pas pour le moment se traduire dans la nationalité des sélectionneurs (mais cette répartition est-elle significative ?) des plus grandes équipes. Ceci peut-il s'expliquer en partie par le fait que la plupart des joueurs prometteurs (notamment en Afrique subsaharienne) partent très tôt pour les championnats européens où ils ont très peu de chance de reconversion après leur première carrière, voire naissent carrément en Europe (en France notamment, cf. par exemple Frédéric Kanouté) ou y arrivent très jeunes avec leur famille ?
2 commentaires:
Hello !
Le football est aujourd'hui une industrie véritablement mondiale dans laquelle sélectionneurs et joueurs disposent d'une des mobilités professionnelles les plus poussées... Et ce, malgré la concentration des meilleurs clubs + joueurs en Europe.
Pour de nombreux pays pauvres (notamment africains), former et conserver des talents tels que Samuel Eto'o, Didier Drogba ou Michael Essien coûte extrêmement cher. Raison pour laquelle ils sont - dans 99% des cas - "revendus" à leur adolescence ou post-adolescence à des clubs européens : juteuses rentrées d'argent pour les fédérations afro de foot obligent.
Enfin, le foot en Afrique suscite des passions parfois volcaniques (sur le plan politique, économique et ethnique). Au Cameroun, un sélectionneur pourtant autochtone (qui avait plutôt bien mené une compétition internationale avec les Lions Indomptables mais avaient échoué en quart ou demi-finale, je crois) a eu la surprise de voir sa maison brûlée à son retour au pays ! Sa famille étant heureusement indemne.
En Afrique, une certaine distance socioculturelle avec un sélectionneur occidental (malgré la proximité linguistique) facilite grandement le travail de ce dernier... et le sécurise d'autant plus car à la fin de la compétiton ou de son contrat, il rentrera en Europe.
Cordialement
Merci de ces compléments !
J'avais vu un documentaire il y a qqs années sur un sélectionneur français (ou allemand ?) d'une équipe africaine (le Cameroun il me semble, à l'époque de François Omam-Biyik)...il avait pas une vie de tous les jours facile. Notamment dans la compo de l'équipe, la question de l'équilibre entre stars des championnats européens et joueurs locaux causait des polémiques sans fin, bien plus qu'en AmSud.
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