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Mon Blog Défense

mardi 22 décembre 2009

Si la défense ne vient pas à toi...

Cet article est simultanément publié sur le site de l'Alliance Géostratégique.

Je reçois, de même que plusieurs autres membres de l’Alliance Géostratégique, de nombreuses questions, notamment de la part d’étudiants en M2 pro sciences politiques / histoire / relations internationales, sur les débouchés du domaine de la défense au sens le plus large, i.e. embrassant la sécurité, la stratégie et finalement tout ce qui entre de près ou de loin dans l’escarcelle géopolitique. Étant moi-même ingénieur, j’ai une vision partielle et biaisée du sujet, mais essayons tout de même de poser quelques pistes générales.


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Il s'agit d'un domaine extrêmement étendu et aux composantes très diverses, même si l’on reste dans le périmètre civil : elle touche aux relations internationales, à la politique intérieure, à l’économie ou à la technologie. A titre d’exemple, les entreprises de la Base Industrielle et Technologique de Défense Européenne représentent un total de 600 000 emplois. L'univers de la défense et de la géopolitique sait attirer les étudiants, si l’on en juge par la floraison de formations universitaires plus ou moins spécialisées, ou même par les classements mesurant l'attractivité des entreprises vis-à-vis des futurs diplômés (voir notamment celui-ci qui concerne les ingénieurs). Mais au moment de franchir le pas et de postuler, quels peuvent être les débouchés d’un diplôme en sciences humaines qui certes, a été extrêmement enrichissant pour la culture générale et la réflexion, mais qui peut aussi sembler loin des besoins parfois très concrets des employeurs potentiels ? Et quel comportement adopter pour optimiser ses chances de succès dans la filière ?


Le secteur public : embouteillages en vue ?


Les administrations centrales sont bien évidemment un employeur naturel : ministères de la défense (et les multiples entités qui en dépendent : DGA, DAS, IRSEM, DRM…), des affaires étrangères et européennes (Conseiller ou Secrétaire des Affaires Etrangères…), de l’économie et des finances (Direction des relations économiques extérieures) de l’intérieur, Matignon (SGDN)… mais attention, la titularisation (en catégorie A voire B) nécessite de passer des concours extrêmement sélectifs, d’autant que le recours aux contractuels (CDD ou CDI), à des fins de réduction et de flexibilisation de la masse salariale, est de plus en plus prononcé. Le statut de contractuel peut tout de même représenter des opportunités en termes de mobilité et d’ouverture à des profils un peu différents, d'autant que de nombreux corps de métiers sont couverts. Pour les sessions de concours et les offres de postes de contractuels, assurer une veille continue sur le Web, et notamment les sites ministériels (de la famille ".gouv.fr"). Le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) est aussi un employeur potentiel.


Les collectivités territoriales (notamment régions et grosses communes) se dotent également de compétences en relations internationales, en analyse économique et prospective, et doivent également être considérées comme une piste sérieuse. De même que les institutions internationales (échelon européen, Nations Unies, OTAN), même s’il apparaît qu’elles sont déjà plutôt bien pourvues en représentants français (par contre les ressortissants de certaines nationalités ont plus de possibilités).


Il existe des organismes de préparation spécifique de ces concours internationaux : voir par exemple le Centre de Préparation aux Concours Européens de Sciences Po.


L’enseignement et la recherche (cette dernière ayant déjà été évoquée succinctement plus haut) dans un établissement public sont également possibles, mais bien évidemment ils ne sont pas la voie naturelle pour des étudiants de M2 Pro. Egalement très sélectifs, ils nécessitent de réfléchir sérieusement à une spécialisation.


Et pourquoi pas un état ou gouvernement étranger ? De nombreux pays en voie de développement peuvent avoir besoin de personnes maîtrisant les approches décisionnelles, les enjeux de la mondialisation, la dynamique des instances internationales, des échanges économiques et de l’intégration régionale, à des fins de conseil voire pour exercer des responsabilités opérationnelles directes.


Les multiples facettes du secteur privé


Les grandes entreprises de défense (EADS, Thales, Dassault, Nexter, Panhard…), de par leur coeur de métier hi-tech, offrent principalement des débouchés aux ingénieurs (et aux commerciaux). Cependant, leurs directions juridiques, marketing (au sens large), des ventes (notamment export), de la stratégie (par exemple dans le cadre de M&A avec des partenaires étrangers), de la sécurité ou de la communication peuvent présenter des opportunités pour les diplômés en relations internationales. Il ne faut pas non plus négliger le développement de l’intelligence économique, à cheval sur plusieurs de ces disciplines, ceci étant vrai dans tous les secteurs économiques, et pas seulement la défense : veille concurrentielle, économique, réglementaire, technologique, sécuritaire, études, benchmarks en tous genres. Secteurs de l’énergie, du hi-tech, mais également institutions financières (qui ont également des besoins spécifiques sur le financement des échanges internationaux), entre autres, en sont friands. Des entreprises spécialisées dans ce domaine, comme Kroll, peuvent également constituer un débouché. Autre grosse tendance, la professionnalisation de la gestion des risques (politiques, industriels, environnementaux, financiers, sociétaux…) au sein des grandes entreprises, qui se dotent de plus en plus de structures et de compétences spécifiques. Avec la privatisation annoncée dans les RGPP, en plus du plus grand recours aux contractuels de la fonction publique, les entreprises de service et les SMP comme DCI sont amenées à se développer. En complément, aller voir du côté des groupements d’entreprises, de type ASD, GICAT, GIFAS…qui disposent de moyens propres, notamment sur les aspects liés à la communication.


Les cabinets de conseil en stratégie et management (McKinsey, BCG, Bain, Oliver Wyman , Booz Allen Hamilton, ATK, AD Little, Stratorg, Kea & Partners, Roland Berger, Mars & Co, Capgemini, Accenture, Ineum Consulting, Orga Consultants…) peuvent également être une piste à envisager, même s’ils recrutent principalement des ingénieurs et diplômés de business schools (et encore, ils savent être plutôt sélectifs), et qu’ils sont assez généralistes (même s'ils ont des entités dédiées au secteur public et à la défense) : en clair, il est difficile d’être sûr en y entrant du type précis de missions et de clients pour lequel on va travailler, surtout que les juniors n’y sont pas spécialisés.


Instituts de recherche et autres think tanks (IFRI, CERI, IRIS, Choiseul, Prometheus, CF2R…), en plein développement (et la France a encore du retard face aux Anglo-saxons), peuvent offrir quelques débouchés. De même que les cabinets de lobbying, eux aussi en plein boom à Paris, Bruxelles ou Strasbourg, et les cabinets juridiques. Bien sûr, il est très difficile d’y entrer directement en CDI, le stage étant plutôt la règle, même s’il est en général peu rémunérateur, voire pas du tout rémunéré. Les médias généralistes et spécialisés sont également une piste intéressante à suivre. De même que les ONG (françaises, étrangères ou internationales), qui en lien avec leur coeur de métier ont des besoins sur les aspects économiques, politiques, juridiques, technologiques, organisationnels…


Sur le marché, avoir un bel étal est un avantage concurrentiel


Il est évident que l’envoi de candidatures spontanées ou même en réponse à des offres publiées plus ou moins récemment comporte une part importante d’aléa et n’est souvent pas suffisant. Il est crucial d’être proactif dans sa recherche (ceci peut s'appliquer à bien d'autres secteurs d'activités) :

  • se construire une idée assez claire, mais pas forcément précise à la virgule, de la cible rêvée et des moyens d’y parvenir

  • ne pas se jeter sur le premier stage de fin d’études venu, mais au contraire en faire la première pierre (même s’il ne s’agit pas d’une pré-embauche) de son futur parcours professionnel
  • travailler son réseau : camarades de promo (penser à échanger des informations sur les opportunités d'emplois, un renvoi d'ascenseur est si vite arrivé), professeurs, intervenants extérieurs, maîtres et collègues de stage…ce qui va un peu au-delà du contact LinkedIn
  • savoir enfoncer certaines portes, ou du moins y laisser traîner son pied, et ne pas hésiter à rentrer en contact avec toute personne (en évitant bien entendu les attitudes trop cavalières) susceptible d’avoir au moins un avis éclairé et des conseils, au mieux une opportunité de poste (le Web à lui tout seul en est rempli)
  • AGS est là pour en témoigner, ouvrir un blog et y écrire de façon régulière, tout en s'inscrivant dans la communauté géostratégique francophone naissante. L’air de rien, même si c’est un investissement en temps, ça permet des rencontres, et donc un réseau renforcé, en plus d’une visibilité donnée à ses savoirs et savoir-faire. Pour commencer, y mettre quelques productions d’étudiant (synthèses de mémoires, notes), que l’on peut également proposer aux nombreuses revues pas forcément fortunées mais de bonne qualité, qui existent en France et ailleurs
  • être présent plus globalement le Web communautaire et suivre activement tout ce qui peut sortir…nous l’avons vu, le recours de plus en plus important aux contractuels, donc hors concours censé être totalement égalitaire, prime la réactivité (oui, même les administrations se mettent à Twitter) et parfois, il faut bien l'avouer, le relationnel
  • plus généralement, ne pas hésiter, si la certitude de vouloir faire carrière dans la filière est bien présente, à adopter une stratégie des "petits pas", consistant à commencer modestement (stage, CDD...), et à accroître sa crédibilité et légitimité au fur et à mesure, en publiant, participant à des conférences (qui sont foison), rencontrant des pairs et des références...
  • accepter la non-linéarité de son parcours professionnel pour tenter des expériences différentes. C’est toujours enrichissant et qui sait, ça peut faire travailler sa sérendipité !

Bref, trouver les moyens de se différencier par rapport à la masse des autres candidats, que ce soit dans les expériences originales, les langues maîtrisées, l'évolution à l'international (penser aux VIE et VIA !), la conjugaison de savoir-faire spécifiques…souvent une formation en relations internationales “nue” sera considérée comme trop généraliste : il faut bien réfléchir aux types de cordes (économie, finance, management notamment en "mode projet", droit, communication…) à rajouter à son arc.

Évidemment, toutes vos précisions, suggestions et additions sont plus que les bienvenues !

JGP, Mon Blog Défense

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