Le secrétaire à la Défense américain, Robert Gates, a dévoilé ce lundi son projet de budget accordé au DoD pour 2010, et devant être bientôt défendu devant le Congrès. S'élevant à 534 milliards de dollars (hausse de 4% par rapport à 2008, hors dépenses de guerre), il provoque déjà des réactions parmi les élus et les industriels, car il suggère la remise en cause de plusieurs programmes majeurs.
Il a affirmé, ce qui pourrait tordre le cou à certains rêves de grandeurs :
Our conventional modernization goals should be tied to the actual and prospective capabilities of known future ... adversaries, not by what might be technology feasible
Si c'est une tendance lourde (mais il est évidemment trop tôt pour le dire), cela montrerait que certaines leçons ont déjà été tirées des illusions perdues du tout technologique et des dépenses sorties du chapeau, hors de toute rationalité liée à une doctrine d'emploi clairement établie. La priorité serait donc donnée aux problèmes plus immédiats et plus tangibles, un "tiens" valant mieux que deux "tu l'auras".
Ike Skelton, président républicain de la Commission des Armées de la Chambres de Représentants, a répondu dans un communiqué, avec en filigrane la puissance des lobbies (pourvoyeurs d'emplois de très nombreuses localités) auprès du Congrès sur les décisions d'investissements :
In the weeks ahead, my colleagues and I will carefully consider these proposals and look forward to working with Secretary Gates and Admiral Mullen as we prepare the fiscal year 2010 defense authorization act
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Qui sont les principaux lésés par ses propositions ?
Le bouclier anti-missile devrait perdre environ 1,5G$, car pour Gates, les capacités de défense des USA sur ces aspects sont suffisants :
We're in a pretty good place in terms of -- with respect to the rogue missile -- rogue country missile threat
Bien sûr, Lockheed, Boeing et Northrop ne sont pas de cet avis, et mettent en avant les essais récents, iraniens et nord-coréens.
La production du F-22 Raptor de Lockheed-Martin devrait être limitée à 187 aéronefs, alors que sous l'administration Bush on parlait de besoins s'élevant à pratiquement 400...
Quelques 250 (parmi les plus anciens) chasseurs tactiques devraient être retirés du service : F-15, F-16, A-10...
Le programme VH-71 d'hélicoptères présidentiels (toujours Lockheed), dont les coûts s'élèvent à 13 milliards de dollars, devrait être annulé. Un nouveau programme, avec un nouvel appel d'offres, serait lancé dès cet été.
Un autre projet d'hélicoptère, le CSAR-X destiné aux opérations de sauvetage de l'USAF, pourrait tomber aux oubliettes. Du moins temporairement, car Gates pose la question d'un besoin interarmes.
Concernant le fameux New Generation Bomber, évoqué récemment ici, Robert Gates suggère de suspendre le programme jusqu'à ce que l'USAF ait publié des spécifications plus précises, normalement d'ici fin 2009. Pour rappel, Northrop Grumman d'un côté, et Boeing/Lockheed Martin d'un autre, travaillent déjà à la conception de maquettes.
Le FCS (Future Combat System) devrait être amputé du Manned Ground Vehicle (véhicules blindés légers), qui apparemment serait jugé inadapté aux situations opérationnelles vécues en Irak ou en Afghanistan. Le coût de ces MGV est de l'ordre de 87G$, principalement pour Boeing, mais une partie des technologies induites (communications, drones aériens, munitions intelligentes...) seraient préservées et livrées dès 2011.
L'USAF devrait se contenter d'un seul aéronef doté du Airbone Laser (et à des fins R&D), alors que deux étaient prévus. Réalisé à partir d'un Beoing 747 adapté, il devait représenter une composante essentielle de la défense anti-missile, en détruisant les vecteurs balistiques pendant la phase initiale de leur vol.
Le DDG-1000 (destroyer de 14 500 tonnes et 180 mètres de long) devrait être limité à 3 vaisseaux, et plus généralement le mode de fonctionnement des chantiers navals militaires américains serait remis en question
Le volume de recours à des prestataires de services extérieurs doit baisser de 37% à environ 25%. Des signes avant coureurs laissaient présager d'une telle décision, et notamment l'audit réalisé par le Government Accountability Office, évoqué ici récemment.
Le programme F-35 Lightning II devrait être accéléré et amplifié, bénéficiant des déboires du F-22. L'objectif serait d'environ 2400 aéronefs, pour l'USAF, la Navy et les Marines.
La réinternalisation massive devrait engendrer la création de plusieurs milliers d'emplois civils au sein du DoD.
L'US Navy devrait acheter 31 nouveaux F-18.
Les avions ravitailleurs devraient revenir sur le tapis dès cet été, mais Robert Gates propose un "split buy", ce qui reviendrait à contenter plusieurs fournisseurs aéronautiques...EADS parce qu'ils ont la meilleure offre et Boeing parce qu'ils sont américains ?
On le voit, ce sont des plates-formes très coûteuses (F-22, VH-71,DDG1000, GMV...) mais également des éléments centraux de la fameuse Transformation réseau-centrée qui font le plus les frais de cette proposition de budget. De nombreux programmes majeurs posent question dans leurs fondements mêmes (emploi, spécifications, horizon, adaptation à l'environnement...), et devraient être remis à plat, alors qu'ils ont déjà coûté des dizaines de milliards d'euros sur plusieurs années.
De même que seraient remises en cause quelques tendances accentuées par l'administration précédente, notamment le recours massif aux sous-traitants du privé. Clin d'œil de notre côté de l'Atlantique, les RGPP réalisées l'an dernier prévoyant d'augmenter le transfert à des sous-traitants de certaines activités aujourd'hui réalisées par des fonctionnaires civils et militaires.
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