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mardi 20 mai 2008

Serious games et autres mondes virtuels : quoi de neuf pour la défense ?

Un récent rapport remis au Congrès américain présente l'intérêt possible des nouvelles technologies web et des univers virtuels pour la défense, ainsi que des programmes en cours de "serious games" ("jeu sérieux" en français, signe que c'est pas de la rigolade).

Sous cette appellation se cachent simplement des jeux vidéos non destinés à du "pur divertissement", mais plutôt à des fins de formation et d'apprentissage. Secteur en plein boom, ses principaux utilisateurs sont le gouvernement US et la santé. La relative facilité à créer rapidement des environnements virtuels simulant diverses situations de la vie réelle n'est pas pour rien dans cet essor. D'ailleurs, la plupart de ces jeux sérieux sont des simulations, qu'il s'agisse de business, de secours d'urgence, d'opérations des forces de l'ordre. Les coûts en sont également relativement réduits : un PC et un DVD sont en général suffisant côté utilisateur, avec bien sûr un réseau pour les applications multijoueurs. Les professionnels du jeu vidéo de divertissement utilisent leur savoir-faire pour adapter ce qui existe aux exigences professionnelles, souvent en épurant les graphismes et décors superflus.

Dans le domaine spécifique de la défense, citons

  • l'initiative globale DARWARS de la DARPA, qui vise à utiliser les nouvelles technologies pour accélerer le déploiement des systèmes d'entraînement militaires. DARWARS Ambush! est un serious game initialement basé sur des opérations de convois, mais s'est depuis étendu à un ensemble de situations tactiques.
  • Noble Resolve, du JFCOM (Centre de Commandement Interarmes US), qui simule une attaque nucléaire sur le territoire américain
  • au niveau des développements privés, Steel Beasts Professional de eSim Games (simulation de char, utilisé par plusieurs armées dans le monde) ou Rapid Onset de Visual Purple (mix de Splinter Cell et Counterstrike, mais en mode "sobre", destiné aux services de renseignement). Visual Purple développe des serious games spécifiques pour chacun de ses clients, en se basant sur des technologies propriétaires.
Les Etats-Unis, si l'on en juge par la diversité et le montant des investissements consentis, y croient. De ce côté de l'Atlantique, on est plus timorés pour le moment.

Qu'en est-il de leur utilité réelle ? On a tous joué à des jeux vidéos...une intelligence artificielle, aussi avancée soit-elle (dans l'état actuel de la recherche), y est souvent répétitive à la longue et arbore des comportements qui finissent par être stéréotypés. Il y a une sorte de logique pré-cablée qui fait que même si les possibilités offertes sont grandes (voire immenses), le déterminisme des concepteurs, si bons soient-ils, impose aux joueurs certains comportements et solutions. Or lors d'une opération, les problèmes sont démultipliés, qu'ils soient externes (le comportement de l'adversaire, de l'équipier, du civil, le climat...) ou internes (état physique, stress...) . N'oublions pas que nous sommes dans le domaine du jeu "réaliste" : un Quake ou un GTA peuvent aider à acquérir certains réflexes, mais ils ne reflètent pas, malgré leur niveau élevé, le potentiel réel d'un humain livré à lui-même.
Attention, à des fins de démonstration, d'apprentissage initial et "théorique", l'apport de tels jeux peut s'avérer important, et permettre l'acquisition de certains réflexes. Mais ils ne remplaceront jamais l'expérience terrain et "physique", que ce soit par le nombre de possibilités, mais également par le ressenti du soldat.

Dans le domaine de la conception de plates-formes industrielles (véhicules, bâtiments...), les éditeurs de logiciel promettent également des solutions permettant une virtualisation de l'ensemble du processus amont, dont les simulations, et évitant ainsi de coûteux prototypes matériels...

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2 commentaires:

natmaka a dit…

"utilisé par plusieurs armées": prendre garde à ce genre d'assertion. "Utiliser" revêt de nombreux sens. Entre "telle armée acheta un exemplaire afin de l'évaluer" et "outil 'en production' dans toutes ses dimensions et applications et à titre exclusif", il y a un gouffre que les références officielles (credentials) taisent d'ordinaire. Je ne "vise" pas particulièrement ainsi le produit cité.

"une intelligence artificielle" les services offerts par ce genre d'outil ne sont pas limités à cela. Un instructeur peut guider un élève ou simuler un ennemi (les simulateurs de conduite d'engin (y compris "de vol") sont depuis longtemps ainsi employés), deux équipes peuvent s'affronter...

"un Quake ou un GTA peuvent aider à acquérir certains réflexes"... non limités au maniement d'équipemement: un contexte de jeu finement établi offre moyen de persuader la troupe, à faible coût et risque, de l'intérêt de la communication, du commandement, de la définition de mission..., plutôt que de la contraindre à accepter tout cela, à "obéir aveuglément" (ce qui ne correspond plus guère au niveau de compétence donc d'autonomie requis par les équipements.

JGP a dit…

Bonjour,

Merci pour ce nouveau message.

Pour reprendre tes différents points :

*En effet, pour avoir été en contact (voire "aux prises") avec différents éditeurs de logiciels, ils ont tendance à ajouter une référence client dès qu'une seule licence, même de base, est vendue. Dans le cas de Steel Beasts, il est effectivement utilisé, à des degrés divers, pour l'entraînement par les pays scandinaves, les USA (notamment à West Point, à assez grande échelle), le Canada et quelques autres pays. D'ailleurs l'éditeur, qui avait dérivé ce jeu d'un "entertainment game", s'est depuis largement repositionné sur le segment "serious".

*Concernant l'intelligence artificielle, je voulais parler généralement des possibilités offertes par le jeu (pas seulement l'intelligence d'un ennemi). Les possibilités sont simplifiées et assez déterministes, même si c'est très avancé. Comme tu le soulignes les simulateurs de navigation/pilotage(d'ailleurs du type de Steel Beasts ou du plus connu Flight Simulator) sont dans les moeurs depuis assez longtemps, dans le civil également. Mais je voulais parler également des serious games qui émergent de la catégorie de ceux de Visual Purple, qui sont des "Counterstrike-like"...et là la distance à la réalité (complexité des situations, des comportements...) et au "vécu du terrain" est plus grande.

*Ce qui m'entraîne sur ton dernier point. C'est à peu près ce que je veux dire quand je parle d'intérêt pour la "démonstration".

Voilà, encore merci pour ces comemntaires. N'hésitez pas à en poster aussi fréquemment que nécessaire. J'écris souvent mes posts "au kilomètre", avec au départ quelques idées en tête mais j'en oublie en chemin et j'avoue ne pas toujours être très clair ni omniscient.