A la Une

Mon Blog Défense

dimanche 24 juin 2012

Défense et des bulles – juin 2012 : Notre mère la guerre de Kris et Maël


J'ai eu un gros coup de coeur pour le premier tome (« Première complainte ») de Notre mère la guerre, par Kris au scénario et Maël au dessin. Certes, j'ai un faible pour les BD traitant de la Première Guerre Mondiale (voir par exemple Le soldat inconnu vivant), mais celle-ci vaut vraiment le détour.
Janvier 1915, sur le front de la der des ders, en Champagne pouilleuse, l'histoire rencontre l'Histoire quand trois femmes sont retrouvées assassinées, toutes avec une lettre d'adieu signée de la main de leur meurtrier.

Le lieutenant Vialatte, gendarme originaire du Sud-Ouest (Tarn-et-Garonne), catholique et humaniste, amateur de Péguy et qui a grandi avec une image « romantique », selon ses propres termes, de la guerre, est chargé de l'enquête. Il se heurte rapidement à l'Etat-Major, qui veut rapidement clore l'affaire, mais également aux Poilus, qui voient d'un mauvais oeil un « cogne » de l'arrière venir les accuser de meurtre, alors qu'ils tentent tous les jours de survivre à l'hiver rigoureux et aux obus allemands.
La barrière qui le sépare des autres personnages est ainsi explicitée par un échange avec un capitaine d'infanterie :
- Mais lui a-t-on dit, à votre général, que les gendarmes sont des militaires ?
- Des militaires, oui... mais pas des soldats..
Au travers du lieutenant Vialatte, le lecteur découvre progressivement le quotidien de la ligne de front, entre échanges de tirs avec le camp adverse, stress post-traumatique et cambriolages des tranchées pendant les phases de repli. Le dessin et l'encrage particulièrement léchés contribuent fortement à créer une atmosphère sombre voire désespérée, synthèse réussie des genres du polar noir et du récit de guerre. Les dialogues, remplis d'argots régionaux et d'époque, sont particulièrement vivants et colorés. Les allusions politiques restent subtiles, notamment lors des échanges entre le gendarme et un caporal « internationaliste » mais consciencieux et dévoué à ses hommes (il faut dire que depuis août 1914 « le socialisme s'est découvert patriote »). Le style est très différent de celui d'un Tardi (Putain de guerre !) mais l'effet est tout aussi fort.
Certes, depuis un certain temps les films, documentaires, romans et bandes-dessinées sur la Grande Guerre s'accumulent, en véhiculant plus ou moins le même type de message, mais on lit d'une traite l'histoire de cet idéaliste qui tente de préserver la dignité humaine et la recherche de la vérité au milieu de l'enfer. Particulièrement quand il s'entend dire par un pauvre bougre envoyé en première ligne, en référence à la mort de Gavroche dans Les Misérables :
Les livres mentent. Et ceux d'Hugo en premier. Quand on meurt, sur la barricade ou dans la tranchée, on ne chante pas. On chie dans son froc.
Je viens de me plonger dans le deuxième tome, qui commence par une séquence assez "graphique" (calque de l'anglais) illustrant une offensive, que l'on peut résumer par le dialogue suivant :
- Bon... certain de sa mort ? Vous avez vérifié le corps ?
- Son corps ? Il était éparpillé sur mon visage, mon lieutenant...

P.S. : au passage, je signale à tout hasard que l'excellent Capitaine Conan de Betrand Tavernier figure au nombre des chefs d'oeuvre du film de guerre de la collection créée par Guerres & Histoire. A voir absolument !

Partager cet article :

Facebook Twitter Technorati digg Delicious Yahoo Reddit Newsvine

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Excellent choix, JGP ! Voilà une BD qui sort de l'ordinaire sur la Grande Guerre, en effet.

JGP a dit…

J'ai dévoré les deux tomes suivants !
Et j'attends le dernier volet de la tétralogie avec impatience.