Chez nous, le débat sur la réduction du budget de défense en cette période de crise agite la scène politique (voir notamment l’interview de Michel Goya « Crise ou pas, réduire les dépenses en matière de dépense serait tragique » par Romain Mielcarek). Je souhaite revenir sur une étude publiée fin 2011, analysant les impacts des réductions de budget prévues pour 2013 aux Etats-Unis.
En premier lieu parce que les fournisseurs du Pentagone sont eux-mêmes intégrés à un écosystème de sous-traitants très vaste, où les SMB se taillent la part du lion, et qui emploient des millions d’Américains, qu’il faut donc ajouter au million d’employés directs de l’industrie de défense. Au total, 164 G$ en moins seraient injectés dans l’économie, du fait principalement (à 71%) de l’impact sur la consommation des salariés licenciés ou subissant des baisses de revenus. Lesquelles s’élèveraient à un total de 60 G$ dont près de 50 G$ en dehors du secteur de la défense.
Par ailleurs, le chômage ferait un bon de 0,6 point, avec un million d’emplois détruits en tout : un peu plus de 100 000 chez les fournisseurs de rang 1 (les Boeing, Raytheon, Northrop Grumman…) mais plus de 650 000 en dehors du secteur de la défense (prime contractors et sous-traitants) : distribution, construction, santé, loisirs…
L’étude mentionne également les conséquences négatives sur l’investissement des entreprises, autre composante de la croissance économique, pour un montant 27 G$, touchant principalement, là encore, les secteurs autres que la défense.
Au total, le PIB des Etats-Unis serait amputé de 86 G$.
Certains Etats américains seraient particulièrement touchés, notamment la Californie, le Texas, la Virginie, ce qui ne manquerait pas, dans une période ou même les Etats-Unis connaissent un chômage élevé, de provoquer des remous locaux.
Bien évidemment, une telle étude,
largement mise en avant par l’AIA (Aerospace Industries Association, lobby des entreprises aérospatiales), doit être prise avec des pincettes. Car en premier lieu il est évident que la période est à la rigueur budgétaire, et que quels que soient les arbitrages pris, ils auront des impacts sur la croissance. Cependant, elle a le mérite de rappeler que la BITD, et c’est le cas également en France, de par la variété de ses métiers, des technologies mises en œuvre, est un maillon très important de la chaîne de valeur globale de l’économie américaine. Que ce soit au travers du recours aux sous-traitants, de la consommation de ses employés (massivement localisés aux Etats-Unis) ou de l’investissement de ses entreprises.
Si Michel Goya dans l’article cité ci-dessus évoque surtout l’impact des réductions budgétaires sur les capacités de défense, il ne faut donc pas négliger non plus les effets sur l’économie ; qui, dans le monde actuel, est plus que jamais un facteur de puissance et une dimension non négligeable de la « grande stratégie » de nos Etats.