Sur son blog Soliloques, Von Mestein se livre à un Éloge du généraliste, soulignant qu'un spécialiste a souvent le défaut de n'envisager un problème qu'à l'aune de sa spécialité, en oubliant consciemment ou non les autres aspects dudit problème.
Je souhaiterais non pas remettre en question cette opinion mais donner un éclairage un peu différent et complémentaire, issu de mon expérience dans diverses situations (étant moi-même un "généraliste" ayant eu maille à partir avec de nombreux spécialistes de tous domaines).
Tout d'abord, je suis d'accord pour dire qu'il est dangereux de ne voir un sujet que sous un angle précis sans prendre de hauteur. Et je suis également de l'avis qu'il est tout à fait naturel que le tenant d'une discipline tire la couverture à lui en expliquant que son domaine est prépondérant dans ou permet à lui seul l'explication de tel ou tel phénomène.
Il est évident que dans notre monde actuel, tout problème est multifacettes : un décideur (qu'il soit commandant militaire, gouvernant politique ou chef d'entreprise) ne peut à lui seul maîtriser l'ensemble de ces facettes. Un de mes vieux professeurs avait coutume de dire que Bergson était certainement le dernier "génie universel", capable de comprendre l'état de l'art de tous les domaines scientifiques (au sens large) de son époque. Que cela soit vrai ou faux, cette idée illustre le fait que l'époque du chef omniscient est révolue, si tant est qu'elle ait jamais existé. Et il est illusoire de penser que même un bon généraliste pourra se muer en spécialiste d'un sujet donné si le besoin s'en fait sentir (idée que l'on entend ici ou là...). Il faut être capable, pour prendre des décisions pertinentes, d'une vue synthétique de chaque dimension d'un problème, chose plus facile à dire qu'à faire (et qui suppose bien entendu d'avoir au préalable identifié de façon exhaustive et traité lesdites dimensions)... mais l'aspect "synthétique" ne suffit pas en lui même : il faut en premier lieu que cette synthèse se fonde sur une analyse approfondie et exacte (i.e. spécialisée).
La question ne repose pas tant dans la nature "spécialiste" d'un individu, mais plutôt dans sa capacité à prendre du recul sur une situation donnée et d'avoir conscience de sa complexité et de ses dimensions multiples. Autrement dit, être spécialiste (ou expert) d'un domaine n'empêche pas intrinsèquement d'être un bon généraliste. Et n'avoir aucune spécialité n'est pas non plus un gage de capacité à envisager de façon systémique une problématique : ne pas être spécialiste ne signifie donc pas automatiquement être généraliste. On compte ainsi nombre de généralistes auto-proclamés qui ne font en fait que donner des opinions superficielles de façon désordonnée sur tout un tas de sujets qu'ils ne maîtrisent pas (on peut évoquer de façon connexe l'opinion selon laquelle un bon technicien est forcément un mauvais manager, alors qu'un bon manager serait nécessairement un non-technicien). Je ne reviendrais pas ici sur les dérives potentielles de la "pensée PowerPoint", déjà évoquée par ailleurs (ici ou là).
Et soyons clairs : comme l'indique Von Mestein, les spécialistes sont nécessaires pour aller au fond des choses. Sans spécialistes (ou travaux de spécialistes) pour l'appuyer, un généraliste aura du mal à produire de lui-même un point de vue argumenté et précis, et il perdra donc sa raison d'être. Et il est également une lapalissade de dire que l'on s'adresse avant tout à un spécialiste pour exploiter ses compétences relatives à sa spécialité.
Tout ça pour dire quoi ?
Voir également :
Je souhaiterais non pas remettre en question cette opinion mais donner un éclairage un peu différent et complémentaire, issu de mon expérience dans diverses situations (étant moi-même un "généraliste" ayant eu maille à partir avec de nombreux spécialistes de tous domaines).
Tout d'abord, je suis d'accord pour dire qu'il est dangereux de ne voir un sujet que sous un angle précis sans prendre de hauteur. Et je suis également de l'avis qu'il est tout à fait naturel que le tenant d'une discipline tire la couverture à lui en expliquant que son domaine est prépondérant dans ou permet à lui seul l'explication de tel ou tel phénomène.
Il est évident que dans notre monde actuel, tout problème est multifacettes : un décideur (qu'il soit commandant militaire, gouvernant politique ou chef d'entreprise) ne peut à lui seul maîtriser l'ensemble de ces facettes. Un de mes vieux professeurs avait coutume de dire que Bergson était certainement le dernier "génie universel", capable de comprendre l'état de l'art de tous les domaines scientifiques (au sens large) de son époque. Que cela soit vrai ou faux, cette idée illustre le fait que l'époque du chef omniscient est révolue, si tant est qu'elle ait jamais existé. Et il est illusoire de penser que même un bon généraliste pourra se muer en spécialiste d'un sujet donné si le besoin s'en fait sentir (idée que l'on entend ici ou là...). Il faut être capable, pour prendre des décisions pertinentes, d'une vue synthétique de chaque dimension d'un problème, chose plus facile à dire qu'à faire (et qui suppose bien entendu d'avoir au préalable identifié de façon exhaustive et traité lesdites dimensions)... mais l'aspect "synthétique" ne suffit pas en lui même : il faut en premier lieu que cette synthèse se fonde sur une analyse approfondie et exacte (i.e. spécialisée).
La question ne repose pas tant dans la nature "spécialiste" d'un individu, mais plutôt dans sa capacité à prendre du recul sur une situation donnée et d'avoir conscience de sa complexité et de ses dimensions multiples. Autrement dit, être spécialiste (ou expert) d'un domaine n'empêche pas intrinsèquement d'être un bon généraliste. Et n'avoir aucune spécialité n'est pas non plus un gage de capacité à envisager de façon systémique une problématique : ne pas être spécialiste ne signifie donc pas automatiquement être généraliste. On compte ainsi nombre de généralistes auto-proclamés qui ne font en fait que donner des opinions superficielles de façon désordonnée sur tout un tas de sujets qu'ils ne maîtrisent pas (on peut évoquer de façon connexe l'opinion selon laquelle un bon technicien est forcément un mauvais manager, alors qu'un bon manager serait nécessairement un non-technicien). Je ne reviendrais pas ici sur les dérives potentielles de la "pensée PowerPoint", déjà évoquée par ailleurs (ici ou là).
Et soyons clairs : comme l'indique Von Mestein, les spécialistes sont nécessaires pour aller au fond des choses. Sans spécialistes (ou travaux de spécialistes) pour l'appuyer, un généraliste aura du mal à produire de lui-même un point de vue argumenté et précis, et il perdra donc sa raison d'être. Et il est également une lapalissade de dire que l'on s'adresse avant tout à un spécialiste pour exploiter ses compétences relatives à sa spécialité.
Tout ça pour dire quoi ?
- Etre généraliste, ça ne se décrète pas et ce n'est pas mutuellement exclusif d'une spécialisation, i.e. d'une expertise sur un ou plusieurs sujets donnés. Plutôt que d'une opposition entre généraliste et spécialiste, il y a plutôt complémentarité : un système s'envisage certes globalement, mais sa compréhension fine passe aussi par l'analyse de ses composants. La littérature au sein de la blogosphère est déjà abondante à ce sujet
- Nous avons besoin de spécialistes, qu'il s'agisse d'ingénierie, d'humanités, de finance...i.e. de personnes connaissant l'état de l'art sur un domaine très ciblé et visant à repousser les limites de cet état de l'art
- Nous avons besoin de ponts entre les spécialistes (et de nombreux spécialistes sont capables de les créer eux-mêmes), afin d'éviter le cloisonnement entre spécialités et d'introduire un souffle "généraliste"
- Nous avons aussi besoin de généralistes, capables non pas forcément de se substituer aux spécialistes (au risque de me répéter : être généraliste ne signifie pas être capable de devenir rapidement spécialiste) ou de se placer au-dessus d'eux (d'ailleurs un spécialiste peut endosser le costume de généraliste), mais d'adresser des situations nouvelles, complexes et multidimensionnelles, voire de faciliter le dialogue entre spécialistes en s'assurant de l'équilibre "systémique" entre les différentes spécialités concernées
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Voir également :
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