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samedi 31 janvier 2009

Les années de plomb en Italie, terrain de jeu du false flag

J'ai récemment été amené à utiliser dans une discussion sur l'affaire Cesare Battisti le concept de "false flag". Il désigne des opérations spéciales menées par un gouvernement, une armée ou une organisation de telle façon qu'on croît qu'elles sont le fait d'une autre entité, le plus souvent ennemie.

Le terme provient tout simplement de l'utilisation sur le champ de bataille des drapeaux de l'adversaire afin de tromper celui-ci lors d'une manoeuvre.

Le droit international relatif à la guerre "règlemente" ce genre de pratique, en interdisant principalement de faire feu, tuer, blesser ou capturer (de se battre en fait) sous uniforme ennemi ou sous des emblèmes internationaux comme la Croix Rouge. Par contre, se déguiser pour s'infiltrer ou sauver sa vie n'est pas soi considéré comme répréhensible, comme l'indique l'acquittement en 1947 lors des procès de Dachau (la version "petits criminels" du tribunal de Nuremberg) d'Otto Skorzeny. Ce dernier avait fait déguiser ses hommes en soldats américains lors de l'Opération Greif en 1944, destinée notamment à semer la confusion dans les rangs US pendant la Bataille des Ardennes.

Bien qu'utilisé, au cours de l'histoire, par des armées régulières dans des contextes tactiques (manœuvres sur le théâtre d'opérations), le false flag est surtout une élément de propagande et de renseignement, destiné à :

  • "justifier" une entrée en guerre : par exemple l'opération Himmler en 1939, durant laquelle des Allemands déguisés en soldats polonais ont attaqué une station radio allemande, prétexte à l'invasion de la Pologne
  • désorganiser l'ennemi par la désinformation : voir l'Opération Greif citée plus haut
  • infiltrer l'ennemi, notamment quand il s'agit d'une "guerilla" : ainsi la Guépéou soviétique avait créé de toute pièce, dans les années 1920, une organisation secrète anti-bolchévique, le МОЦР (Union Monarchiste de Russie Centrale), afin d'identifier les vrais monarchistes
  • provoquer des changements politiques dans la société civile : l'incendie du Reichstag a été orchestré par les Nazis en 1933 pour affaiblir le Parti Communiste Allemand et restreindre les libertés publiques
Un autre exemple célèbre de ce dernier point est (et c'est pour cela que la notion a surgi dans la conversation) l'attentat de la gare de Bologne en 1980, pendant les années de plomb italiennes, dont Battisti est aujourd'hui un symbole. L'attentat extrêmement sanglant (85 morts), commis par l'organisation d'extrême droite Nuclei Armati Rivoluzionari fut dans un premier temps attribué aux Brigades Rouges. Il était au coeur de la "strategia della tensione" dont l'objectif était l'instauration de l'état d'urgence et l'émergence d'un gouvernement fasciste, par réaction à la violence des organisations d'extrême gauche.

Le terme est également largement utilisé dans les cercles conspirationnistes, notamment à propos des attentats du 11 septembre 2001, qui seraient selon les théories des opérations du gouvernement américain et/ou israélien...ceci dit, la CIA a monté de nombreux "false flags" par le passé, comme par exemple en 1953 l'Opération Ajax contre le premier ministre iranien Mossadegh élu démocratiquement.

Et finalement la fameuse arnaque à la nigérianne (vous savez, le coup de l'email "aidez-moi à sortir 50 millions de dollars du pays et vous aurez votre petite part") n'en n'est qu'un avatar.

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