EADS a remporté cette semaine un marché d'un montant de 35 milliards de dollars, en co-traitance avec Northrop, face à Boeing, concernant la fourniture de 179 avions ravitailleurs à l'US Air Force.
Au-delà du montant, il faut souligner l'importance de cette victoire au regard de la position stratégique des ravitailleurs dans la doctrine militaire américaine : celle-ci, basée depuis la Guerre du Golfe sur un recours très poussé au bombardement aérien tactique et stratégique, repose sur le long rayon d'action et la forte rotation en l'air de ses B-52 et B-2 (et autres bombardiers et aéronefs de supériorité aérienne).
Bien sûr, Boeing, qui partait largement favori, annonce officiellement ne pas abandonner, et n'exclut pas un recours devant le GAO, la Cour des Comptes américaine. Il faut se rappeler que l'attribution d'un marché similaire en 2003 (location d'avions ravitailleurs KC-767 pour remplacer les vieillissants KC-135) avait causé, suite à un scandale de conflits d'intérêts, la dernière grande crise connue par Boeing : démission du DG Phil Condit et du Directeur Financier Michael Sears.
Mais revenons en Europe. Pour certains, ce marché, dont une contrepartie est la réalisation sur le sol américain des avions basés sur la souche A330, est le premier pas vers la délocalisation des capacités de production européennes d'Airbus. Il est vrai que Louis Gallois, face à l'Euro fort, a annoncé une tendance (de même que le patron de Dassault) un mouvement vers des pays de production en zone dollar, afin de rester compétitif face à la concurrence, dans le cadre du plan Power 8.
Ceci amène quelques remarques :
- On fait semblant de découvrir, depuis 2006, que le mode de production d'Airbus, avec ses usines disséminées en France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, n'est pas optimum, notamment au niveau logistique, après avoir vanté la spécialisation de chaque partenaire européen et les moyens collaboratifs permettant d'abolir les distances
- La France est en retard (sans jugement de valeur) sur les autres pays européens et les Etats-Unis en ce qui concerne l'externalisation et le recours à l'offshore, pour la recherche de faibles coûts de production et la focalisation sur son coeur métier
- Dans le monde industriel en général, et militaire en particulier, il est de plus en plus obligatoire de se transformer en fournisseur multi-domestique, c'est-à-dire de localiser (une partie de) ses moyens de production directement dans le pays de ses clients, afin d'assurer (en façade ?) une proximité client. Ceci est capital, notamment avec la Chine ou le Japon, marché très fermé, mais comporte des effets pervers (délocalisations, transferts de technologies...)
- Non, EADS n'est pas tributaire et enchaîné aux commandes américaines ou OTAN : le CA d'EADS est à 75% dû à ses activités civiles (CA global de 52 milliards d'euros en 2006)
- Non, le fait de maintenir une participation étatique au sein du capital n'est pas forcément la meilleure solution pour garder le contrôle sur l'entreprise. Le capital des plus grands "defense contractors" américains (Lockheed Martin, Boeing, Northrop Grumman, General Dynamics, Raytheon...), est flottant à plus de 99%, et pourtant, au travers de nombreux mécanismes peu libéraux, le gouvernement fédéral conserve la main-mise sur son marché de la défense (il contribue par ailleurs aux 3/4 du CA de Lockheed Martin)
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